Numéro spécialIInfos
Brèves France Géorgie
L’année 2021 verra le 100ème
anniversaire de l’invasion du Caucase par les armées de la Russie
soviétique, en particulier du territoire géorgien, malgré le traité de
paix signé le 7 mai 1920 à Moscou par les autorités russes (Lev Karakhan
accrédité par Vladimir Lénine) et géorgiennes (Grigol Ouratadzé accrédité
par Noé Jordania).
Les classes politiques -pour leur plus grande
part- et militaires -pour une petite part- se réfugieront ensuite en
France (moins d’un millier de personnes).
À la suite
- de consultations d’archives publiques et privées
disponibles en France,
- d’une centaine d’entretiens, avec en
particulier Thamar Alchibaya (1908-2010), Georges Assathiany (1923-2015),
Nathéla Jordania (1919-2016), Nano Kvinitadzé (1920-2020), Petre
Kvédélidzé (1918-2014) et Nina Ramichvili (1920-2011),
- de l’exploitation des documents personnels de
Véronique Tchéidzé (1909-1986),
70 biographies de quelques-uns de ces émigrés
politiques ont été publiées entre 2004 et 2014 sur le site du Comité de
liaison pour la solidarité avec l’Europe de l’Est
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Comité_de_liaison_pour_la_solidarité_avec_l’Europe_de_l’Est).
I) CLASSE POLITIQUE (23)
Rajden Arsénidzé (1880-1965)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2514
![](images%20infos%20france%20géorgie/rajden%20arsenidze.jpeg)
Géorgie et France : Rajden Arsénidzé (1880-1965), ministre
2011-12-06
Arsenidze Razhden ou Razdem
Rajden Arsénidzé est né le 1er octobre dans le village de Sotchkhéto en
Géorgie occidentale. Après le séminaire de Koutaïssi, il étudie le droit à
l'Université. Il s'engage très jeune dans le mouvement social - démocrate,
tendance menchévique.
Durant les premières années du XXème siècle, il est propagandiste : il
croise en 1904, à Batoumi, Joseph Djougachvili (le futur Staline, qui se
fait encore appelé Koba) (1). Puis journaliste et polémiste, il est
déporté en Sibérie par l'administration du tsar Nicolas II.
Il revient en Géorgie après la première révolution de Pétrograd (février
1917) et prend part à la rédaction de l'acte de restauration de
l'indépendance de la Géorgie (26 mai 1918).
Il est élu à l'Assemblée Constituante géorgienne en janvier 1919 et
succède au social - fédéraliste Chalva Alexis - Meskhichvili à la tête du
ministère de la Justice, dans le gouvernement homogène social - démocrate
de Noé Jordania.
Il a en charge le secrétariat du Comité Central du Parti Social -
Démocrate géorgien lorsque l'Armée rouge envahit la Géorgie en février
1921. Il émigre avec les principaux dirigeants politiques vers la Turquie,
puis vers la France.
Il publie différents ouvrages à Paris, notamment en 1963 ses mémoires sur
le jeunesse de Staline (2) et une étude sur Vakhtang VI, roi géorgien du
XVIIIème siècle.
Rajden Arsénidzé, que ses proches appelaient Micha, repose dans le "carré
géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.
Notes
:
(1) Il écrit : "A l'époque tsariste ... Staline avait le culte de
Lénine. Il déifiait Lénine. Il vivait avec les pensées de Lénine. Il le
copiait tellement que nous l'appelions entre nous la jambe gauche de
Lénine ... ".
(2) En particulier, l'attaque de la trésorerie centrale de Tiflis le 26
juin 1907 par une équipe dirigée par Kamo Pétrossian, à laquelle
appartenait Joseph Djougachvili.
Sossipatré Assathiany (1876-1971)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3546
Sossipatré Assathiany est né le 8 septembre 1876 (1) à Dgnorissa, district
de Letchkhoumi (Géorgie), d'Edith et de Samson Assathiany, dans une
famille aisée.
Il effectue ses études secondaires au lycée de Koutaïssi, puis rejoint
l'Ecole d'agriculture de Kichinev, en Bessarabie (Moldavie actuelle).
Il se mariera une première fois en Géorgie avec Olga Guelovani : ils
auront une fille, Paraskevi, dite Dodona (1903-1970). D'une deuxième
union, à Genève, avec Sarah Koutik, ukrainienne, (1892-1966), il aura
trois enfants, Roland (1910-2008) (2), Lucette (1921-1995) et Mireille
(née en 1927) (3).
L'opposition à l'Empire russe, la prison et l'exil en Suisse
En 1903, il s'engage clandestinement au sein du Parti ouvrier
social-démocrate de Russie. Il est arrêté à plusieurs reprises, notamment
après avoir détruit au revolver un portrait du tsar Nicolas II, et est
exilé au Turkestan pour une année.
Il revient à temps pour la révolution de 1905, y prend part et est à
nouveau arrêté et incarcéré à Koutaïssi. Connaissant sa future
destination, la Sibérie, il décide de creuser un souterrain avec plusieurs
détenus et de s'échapper. Il parvient à ses fins. Pourchassé une nouvelle
fois par les gendarmes russes, il se réfugie un temps au monastère de
Guélati, puis prend le chemin de l'exil, passager clandestin d'un bateau
de la compagnie Paquet voguant de Batoumi à Marseille.
Courant 1908, il atteint Genève, refuge des proscrits politiques, et y
retrouve des camarades de lutte, dont David Charachidzé (4). Il s'inscrit
à l'Université et obtient une licence de droit.
Le retour en Géorgie, les missions diplomatiques
En 1917, il revient à Tbilissi après huit années d'exil et un long périple
par l'Allemagne et la Russie en guerre, et participe au développement de
la Ière République de Géorgie.
Fin 1917, il est nommé gouverneur de deux provinces de la Géorgie
occidentale.
En 1918, il devient chef de la mission diplomatique géorgienne en Ukraine,
puis en Roumanie.
En 1919, il fait partie, aux côtés de Nicolas Cheïdzé et d'Irakli
Tsérétéli, de la délégation géorgienne à la Conférence de la Paix de
Paris.
L'opposition au régime soviétique et l'exil en France
La Légation géorgienne
Le 27 janvier 1921, la France reconnaît de jure la Ière République de
Géorgie (5). Une Légation géorgienne est ouverte à Paris : Sossipatré
Assathiany, en est nommé Premier secrétaire et en devient ensuite le
Chargé d'affaires.
En février, les armées de la Russie soviétique envahissent la Géorgie. La
classe politique se réfugie d'abord à Constantinople, puis en France. La
Légation géorgienne reste le dernier symbole de l'indépendance.
L'Office des réfugiés géorgien
Le 16 mai 1933, la signature du pacte de non-agression entre l'URSS et la
République française a pour conséquence la fermeture de la Légation de
Géorgie. Elle est remplacée par un Office des réfugiés géorgiens,
organisme reconnu par le ministère français de Affaires étrangères : il a
pour mission de délivrer des pièces administratives d'identité et de
voyage aux apatrides géorgiens. Sossipatré Assathiany en est nommé
directeur.
La période mouvementée de la guerre et de l'immédiat
après-guerre
En 1942, après la fermeture des Office de réfugiés et la création d'un
Bureau des apatrides avec délégation pour les territoires occupés (6 Cité
Martignac, Paris VII) par les autorités de Vichy, Sossipatré Assathiany
intervient au titre des réfugiés géorgiens.
En paralléle, les autorités allemandes créent un Office des réfugiés
caucasiens dont la section géorgienne est confiée à un émigré géorgien
ayant vécu en Allemagne, Sacha Korkia.
[... Dès octobre 1940, Adrien Marquet (ancien membre de la SFIO et de la
délégation socialiste ayant visité la Géorgie en 1919, ministre du
maréchal Pétain), informe Evguéni Guéguétchkori (6) du danger qui menace
les juifs géorgiens exilés en France. Quelques mois plus tard, Michel
Kédia (homme politique géorgien en exil, proche des autorités allemandes)
(7) est sollicité pour une intervention. En juillet 1941, Ferdinand de
Brinon (ambassadeur et délégué général du gouvernement de Vichy à Paris)
fait exempter officiellement par ordonnance les juifs géorgiens de
l'enregistrement et du tampon "JUIF" sur les papiers d'identité...]
Un trio, hors structures officielles, composé de Sossipatré Assathiany,
Sacha Korkia et Joseph Eligoulachvili (représentant de la communauté juive
d'origine géorgienne en France) (8) oeuvre afin "d'élargir" le champ
d'application de la mesure d'exception : il sauve 243 familles juives de
la déportation en leur délivrant des "certificats d'authenticité de
nationalité géorgienne", dont une bonne part est originaire d'Espagne, des
Balkans, d'Iran et du Turkménistan et dont les patronymes ont été "géorgianisés"
(9).
En février 1943, Sossipatré Assathiany est arrêté, sur dénonciation, par
les autorités allemandes et conduit au fort de Romainville, d'où il sera
libéré un mois et demi plus tard grâce à l'intervention de Sacha Korkia.
En avril 1943, sa femme Sarah sera arrêtée à son tour et conduite au camp
de Drancy, d'où elle sera libérée également grâce à l'intervention de
Sacha Korkia.
En 1945, avant même le rétablissement des Offices de réfugiés par les
autorités françaises, il reprend ses missions d'avant-guerre dans le cadre
du Conseil géorgien des réfugiés.
A partir de janvier 1947 et jusqu'en décembre 1951, il oeuvre comme
conseiller technique auprès de l'Organisation internationale pour les
réfugiés (OIR) créée par les Nations unies.
L'OFPRA
De janvier 1952 à septembre 1952, période séparant la fin de mission de
l'OIR et la mise en place d'un organisme français de protection des
réfugiés, il milite activement aux côtés de Vassili Maklakof et de Mentor
Bouniatian (10), en particulier, pour accélérer la décision de création de
l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Il intègre ensuite l'OFPRA, où il prend la responsabilité de la section
géorgienne jusqu'en 1958.
Le dernier repos à Leuville
Il meurt en 1971 : il repose auprès de sa femme Sarah (1892-1966) au
"carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge, lieu
symbolique du combat des Géorgiens de sa génération.
Mirian Méloua
Notes
(1) L'année de naissance de Sossipatré Assathiany n'est pas connue avec
exactitude : 1876 sur sa pierre tombale, 1879 selon son fils Roland dans
son autobiographie, 1881 à l'OFPRA. Cette imprécision est attribuée au
fait qu'il a voyagé sous de fausses identités, changeant d'Etat-civil.
(2) [URL : 4593].
(3) Mireille épousera Jacques Moreau, et après une carrière à l'UNESCO
rejoindra la CIMADE.
(4) [URL : 3871]
(5) La reconnaissance par la France de la Ière République de Géorgie est
annoncée par une lettre d'Aristide Briand à Evguéni Guéguétchkori.
(6) [URL : 2081]
(7) [URL : 2922]
(8) [URL : 3541]
(9) Le 16 octobre 1944, le Grand Rabbin, au nom du Consistoire de Paris,
écrit la lettre suivante au gouvernement géorgien en exil : ...
J'ai été informé par Monsieur Joseph Eligoulachvili de la sollicitude et
de la générosité que vous avez bien voulu témoigner à vos compatriotes de
religion juive. Grâce à vos bons offices, ils ont été préservés, au cours
des quatre années d'occupation, des pénibles conséquences de l'application
des lois raciales. Je sais la profonde gratitude qu'ils conservent pour
vous. J'ai à coeur, au nom de la communauté israélite de paris, de
m'associer aux sentiments qu'ils éprouvent pour votre grande bonté et
votre esprit de justice. ....
(10) Vassili Maklakof était président de l'Office central des réfugiés
russes en France (organisme qui coiffait trois offices à Paris, Marseille
et Nice). Mentor Bouniatian, Arménien de Géorgie et ancien professeur
d'économie à l'Université de Tiflis, était directeur de l'Office central
des réfugiés arméniens issu de la fusion de plusieurs offices et comités.
Au premier semestre 1952, un vif débat parlementaire oppose en France les
partisans d'un organisme international ayant une vision globale des
réfugiés d'Europe de l'Est (Daniel Mayer en particulier) et les partisans
d'un organisme national plus près des réalités du terrain (Robert Schuman
et Maurice Schumann en particulier). Un compromis est adopté : le débat
décale la date de création de l'OFPRA.
Sources
- entretiens avec Mme Mireille Moreau Assathiany, fille de Sossipatré
Assathiany,
- archives familiales,
- archives de l'Office des réfugiés géorgiens,
- archives de l'OFPRA,
- "Des Géorgiens pour la France. Itinéraires de résistance. 1939-1945" de
Françoise et Révaz Nicoladzé, Editions l'Harmattan, Paris, juin 2007,
- "Les combats indépendantistes des Caucasiens entre URSS et puissances
occidentales. Le cas de la Géorgie (1921-1945)" de Georges Mamoulia,
Editions l'Harmattan, Paris, juillet 2009.
- "Roland Assathiany. Un militant de l'éducation spécialisée" de Martine
Ruchat et Alain Vilbrod, Editions L'Harmattan, Paris, 2011.
Chalva Bérichvili (1899-1988)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3214
Géorgie, France et URSS : Chalva Bérichvili (1899-1988),
agent secret
2014-01-17
Shalva Berishvili
Chalva Bérichvili naît en 1897 ou en 1899, selon les sources, dans une
famille du Sud-Ouest de la Géorgie, la Gourie, de Marta Ramichvili
(1870-1952) et de Nestor Bérichvili (1867-1935) (1). Il est le neveu de
Noé Ramichvili (2) qui deviendra le 1er président du 1er gouvernement de
la Ière République de Géorgie (3).
Une jeunesse militante
Il commence ses études à l'Université de Tiflis, nouvellement créée, dans
le domaine de l'économie. Militant du Parti ouvrier social-démocrate
géorgien (POSDG), il est arrêté et emprisonné en 1921, durant une année,
après l'entrée des armées de la Russie soviétique sur le territoire
géorgien.
En 1924, il prend part à l'insurrection nationale géorgienne à Tchiatouria,
déclenchée avec une journée d'avance sur le plan prévu, émoussant l'effet
de surprise (4).
L'exil et les premières missions clandestines en Géorgie
Il parvient à quitter la Géorgie par la Turquie et rejoint la France. En
1930, 1934, 1936 notamment, il est envoyé clandestinement en Géorgie par
le gouvernement social-démocrate géorgien en exil à Leuville-sur-Orge
(Seine et Oise) afin de recueillir des informations sur l'état de la
société géorgienne et de communiquer avec les cellules de résistance qui
subsistent.
Il devient membre du Bureau étranger du POSDG, dont le leader est Noé
Jordania (5), 2àme et 3ème président du gouvernement de la Ière République
de Géorgie, parti divisé en plusieurs tendances :
- les uns sont disposés à quitter la IIe Internationale socialiste comme
le souhaite
[URL : 3217]
-qui finance les actions clandestines en Géorgie- afin de coaliser tous
les partis politiques en exil,
- les autres relèvent d'un marxisme plus intransigeant dont Chalva
Bérichvili est partisan.
Sur le terrain, il agit parallèlement aux missions clandestines du groupe
"Caucase" (6), qui ne reconnaît plus l'autorité du gouvernement
social-démocrate en exil.
Le 31 mai 1939, le colonel Zakaïa et A. Zourabichvili, président et
secrétaire général de l'association des Anciens combattants géorgiens
résidant en France -affiliée à la Fédération nationale des associations de
mutilés, de victimes de guerre et d'anciens combattants-, lui délivre la
carte numéro 147.
Il est choisi par le gouvernement social-démocrate géorgien en exil pour
prendre la responsabilité des futurs groupes géorgiens de renseignement
basés en Iran et en Turquie. A ce titre, il est nommé conseiller officieux
pour les questions caucasiennes auprès de l'état-major du général Weygand,
chef des Opérations de l'armée française pour la Méditerrannée orientale,
résidant en Syrie.
En septembre 1939, il établit le contact à Alep.
Plan soviétique en Asie mineure éventé
En octobre 1939, Chalva Bérichvili entre une nouvelle fois clandestinement
en Géorgie et rejoint Tbilissi. Il contacte des membres de l'organisation
secrète social-démocrate et grâce à des ramifications jusqu'à Moscou, il
amasse un maximum d'informations militaires et politiques. Considérant
l'énorme risque auquel il expose ses interlocuteurs, il revient deux jours
après en Turquie.
Il livre le résultat de sa mission aux officiers de renseignement
britanniques, français et turcs réunis dans une alliance contre le pouvoir
soviétique,
"Les
forces soviétiques ont été renforcées dans le Caucase. Batoumi dispose de
l'artillerie la plus avancée. Toutes les villes du Caucase sont équipées
de DCA. Des exercices de protection civile sont régulièrement partiqués.
Des forces soviétiques supplémentaires ont été déployées à la frontière de
l'Iran.
Staline aurait pour plan d'étendre le territoire soviétique au détriment
de la Turquie. Il exigera la fermeture des Détroits de la mer Noire,
l'installation d'une base soviétique dans le Bosphore et le retour aux
frontières de 1914. En cas de refus, il suscitera une soviétisation de la
Turquie : les commissaires politiques de l'Armée rouge du Caucase suivent
des cours de langue turque, des propagandistes sont formés à Moscou afin
d'encadrer les futures administrations soviétiques en Turquie. Staline
aurait également planifié l'annexion de l'Azerbaïdjan iranien".
La majorité de ces informations sera ensuite recoupée par les différents
services de renseignement concernés.
Participation à la préparation du plan des Alliés dans le Caucase
En mars 1940, il adresse différentes lettres à Alexandre Ménagarichvili,
secrétaire du Conseil de la confédération du Caucase (instrument du
Mouvement Prométhée), dans lesquelles il apparaît qu'il a informé le
pouvoir turc de l'infiltration par le NKVD de la branche des
nationaux-démocrates géorgiens antérieurement adhérente au Mouvement
Prométhée et qui s'en est désolidarisée (tendance Alexandre Assathiani).
Non seulement, il dissuade ainsi les autorités turques de les aider en cas
de missions clandestines vers la Géorgie, mais il les discrédite auprès du
2e Bureau de l'armée française et de la Sûreté nationale auprès de qui ils
se sont manifestés. Il rend plus difficile encore toute tentative de
réconciliation des partis politiques géorgiens en exil, hypothèse à
laquelle il s'est toujours opposé.
Il est sollicité par les Britanniques et les Français pour la préparation
du plan qui viserait à couper l'approvisionnement de l'Allemagne en
pétrole caucasien, que lui fournit l'URSS.
Dans un 1er temps, les services secrets britanniques, français et turcs
s'accordent sur le rôle de chacun vis-à-vis des groupes clandestins
géorgiens de renseignement basés sur le territoire turc (et iranien).
Chalva Bérichvili est confirmé à leur direction. Les Français financent
l'entreprise (par l'attaché militaire à Istanbul, Robert Leleu),
fournissent les armes, les appareils radios et les autres équipements. Les
Turcs aident à infiltrer les agents géorgiens en Géorgie et à les
exfiltrer au retour. Les renseignements politiques, militaires et
économiques seront transmis à la France, à la Grande-Bretagne et à la
Turquie. S'il est discrétement sollicité par les services turcs afin de
coopérer directement avec eux, son refus personnel gèle les opérations
pour quelques semaines.
Dans un 2ème temps, début avril, les Britanniques et les Français
s'accordent sur un plan d'attaque du Caucase.
"L'aviation
britannique bombardera Bakou. L'aviation française bombardera Batoumi et
Grozny. Les sous-marins alliés neutraliseront les pétroliers soviétiques
en mer Noire. Les voies ferrées seront détruites par des saboteurs".
Les groupes clandestins de Chalva Bérichvili ont pour mission de
recueillir des informations sur les possibilités de lâcher des
parachutistes sur l'Ouest de la Géorgie (7), de sabotage de l'oléoduc
Bakou - Batoumi, de trafic des pétroliers allemands et soviétiques entre
Batoumi / Poti en Géorgie et Constanta en Roumanie.
A mi-avril, il envoie Léo Pataridzé à Constanta, fait former et équiper
ses hommes de radio afin de pouvoir communiquer d'une rive à l'autre de la
mer Noire.
Début mai, il dirige le 1er groupe clandestin entré en Géorgie. Simon
Goguibéridzé et David Erkomaichvili (8) font de même avec un 2e groupe.
L'entrée de l'armée allemande sur le territoire français, et la défaite
française, mettent fin au projet.
Le recrutement par le NKVD soviétique
Selon l'historien d'origine géorgienne Georges Mamoulia, s'appuyant sur
les archives soviétiques, "A
l'été 1940, Chalva Bérichvili propose ses services au NKVD. A l'automne,
il est conduit de Tbilissi à Moscou, rencontre Lavrenti Béria et est
recruté sous le nom de code Omeri".
Il est renvoyé en Turquie et aurait transmis durant deux années des
informations sur les émigrations géorgiennes en Turquie, en France et en
Allemagne.
L'historienne française Françoise Thom, biographe de Lavrenti Beria,
apporte une hypothèse complémentaire : Chalva
Berichvili aurait été recruté par Beria "à titre privé" et le recrutement
par le NKVD n'aurait été qu'une couverture.
Beria, qui se considérait comme le dauphin de Staline, préparait
l'après-guerre et aspirait à remplacer l'URSS par une Fédération d'Etats
indépendants : il aurait eu besoin de Chalva Berichvili pour préparer un
gouvernement de coalition en Géorgie avec une partie des émigrés
géorgiens.
En avril 2011, la famille Bérichvili conteste ces versions et met en doute
la "qualité" d'historien de Georges Mamoulia : "Chalva
Bérichvili a effectué six missions clandestines en Géorgie sous contrôle
complet du gouvernement géorgien en exil (1930, 1934, 1936, 1939, 1940 et
1943). Lors de sa dernière mission, il est arrêté par le NKVD et condamné
à mort. Sa peine est commuée en emprisonnement, il sera libéré 25 ans
après".
En effet, fin 1942, il est arrêté par le NKVD.
En 1944, il est condamné à 25 ans de prison, peine qu'il accomplit à 280
kilomètres de Moscou.
Après sa libération, il vit une vingtaine d'années en Géorgie sous le
régime soviétique et meurt en 1988.
L'homme
Réputé courageux physiquement, Chalva Bérichvili était originaire d'une
région de Géorgie qui avait proclamé son indépendance au début du XXe
siècle afin de former une éphémère République sociale démocrate de Gourie.
Traversée par tous les courants "d'agitation et de propagande", cette
région a fourni de nombreux cadres politiques à l'Empire russe, à la
République démocratique de Géorgie, à l'URSS et aujourd'hui à la
République de Géorgie, de Noé Ramichvili à Edouard Chévardnadzé.
Marxiste intransigeant selon ses contemporains, s'opposant
fondamentalement aux composantes du mouvement national géorgien (9), il
aurait informé, à partir de l'automne 1940, le NKVD des agissements de
certains émigrés politiques géorgiens (selon l'historien Georges Mamoulia).
Il travailla directement auprès de Noé Jordania (2ème et 3ème président du
gouvernement de la Géorgie, son mentor, qui défendait de son exil à
Leuville-sur-Orge l'indépendance de son pays), et fut amené à rencontrer
Jozef Pilsudski (président de la Pologne, soucieux d'affaiblir l'URSS,
financier d'opérations tournées contre elle), le général Weygand (chef des
opérations françaises en Méditerrannée orientale, à l'époque de l'alliance
entre l'URSS et l'Allemagne), une noria d'officiers supérieurs de
différents services secrets (Turcs, Britanniques,..), ainsi que Lavrenti
Béria (Géorgien au service de l'URSS, adjoint direct de Staline et chef du
NKVD), toujours selon Georges Mamoulia.
Agent secret, voire agent double, deux versions s'opposent aujourd'hui au
sujet de Chalva Bérichvili, comme elles s'opposaient hier au sein de la
communauté géorgienne en exil en France.
Notes
(1) La famille Bérichvili est d'origine paysanne et compte 8 enfants,
Malakia (1893-1921), Nina (1896-1939), Chalva, Tité (1902-1939), Géronti
(1904-1984). Noé (1906-1996). Vincenti (1915-1942) et Mamia (1917-2003).
Ce dernier enrôlé comme médecin dans l'Armée rouge, sera fait prisonnier
par l'armée allemande et émigrera en France à la fin de la IIe Guerre
mondiale, avant d'être envoyé lui aussi en mission clandestine en Géorgie
par le gouvernement social-démocrate géorgien en exil, en 1949, 1951 et
1953.
(2)
[URL : 2494]
(3)
[URL : 2495]
(4) Si l'insurrection nationale géorgienne des 28 et 29 août 1924 permet
au gouvernement social-démocrate en exil d'attirer l'attention des grandes
puissances internationales sur le sort de la Géorgie et de différer la
reconnaissance de l'URSS, elle ne libère pas le pays : le prix en est
lourd, des milliers d'éxécutions sommaires et des milliers de déportations
sous la pression de la police politique soviétique, la Tchéka.
(5)
[URL : 2083]
(6)
[URL : 3218]
(7) Un bataillon géorgien, fort de 150 hommes, soldats de métier,
mobilisés, volontaires, tous d'origine géorgienne, est formé en mai 1940 à
Barcarès dans les Pyrenées Orientales, commandé par le capitaine Georges
Odichélidzé, issu de la Légion étrangère française : il est destiné à
rejoindre l'armée du général Weygand en Syrie et à participer à l'attaque
du Caucase : "Non
pour son efficacité numérique, mais pour le choc psychologique qu'il
provoquerait sur la population géorgienne occupée par l'URSS".
(8) En 1957, au lieu-dit Le Jubilé à Leuville-sur-Orge (Seine et Oise),
après être descendu d'un bus "Phocéens cars" en provenance de Paris, Porte
d'Orléans, David Erkomaïchvili s'engage pour traverser la Nationale 20 qui
semble dégagée de toute circulation, lorsqu'il est fauché par une voiture
qui prend la fuite : il est mortellement blessé. Certains témoignages
affirment que la voiture a accéléré avant l'impact, d'autres n'ont rien
remarqué de semblable. La gendarmerie ne relève aucune trace de freinage.
(9) Peuvent être cités, les "monarchistes géorgiens", le groupe "Tethri
Guiorgui" de Léo Kéresselidzé, l'Union des officiers géorgiens de Guiorgui
Kvinitadzé, le groupe des "Conjurés de Géorgie" de Khaïkhosro
Tcholokhachvili, le groupe "Caucase", le Parti national-démocrate fondé
par Spiridon Kédia.
Sources multiples dont
- "Les combats indépendantistes des Caucasiens entre URSS et puissances
occidentales. Le cas de la Géorgie (1921-1945)" de Georges Mamoulia,
Paris, L'Harmattan, 2009, basé sur les archives du gouvernement géorgien
en exil (BDIC, langue géorgienne), sur les archives du ministère de la
Sécurité de la Géorgie (langue russe) et sur les archives du NKVD de
l'URSS (langue russe),
- "Des Géorgiens pour la France, Itinéraires de résistance, 1939-1945" de
Françoise et Révaz Nicoladzé, L'Harmattan, 2007,
- Internet : blog Aimé Blutin,
- archives familiales.
Voir aussi:
- [URL : 3174]
David Charachidzé (1885-1935)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3871
Géorgie, Suisse et France : David Charachidzé (1885-1935), député et
journaliste
2013-04-02
David Charachidzé est né en 1885 en Géorgie occidentale, à Bakhvri (1).
Très tôt, au lycée, il s'éveille aux idées progressistes et se rapproche
du Parti social démocrate ouvrier géorgien qui vient de se créer.
Des études supérieures en Europe occidentale et des contacts avec les
socialistes européens
Ses parents, des intellectuels (2), l'envoient poursuivre ses études
supérieures en Europe occidentale, à Genève, puis à Leipzig.
Il lie des contacts avec les socialistes, plus particulièrement avec les
socialistes belges, Emile Vandervelde déjà député et Camille Huysmans
journaliste et futur député.
Un retour en Géorgie lors de la Révolution de 1905
En 1905, il rentre en Géorgie et participe aux mouvements sociaux contre
l'Empire russe, et commence une carrière de journaliste qu'il n'arrêtera
jamais.
Il devient rédacteur en chef de l'organe officiel du Parti social
démocrate ouvrier géorgien, "Borba".
Pourchassé par la police politique du tsar Nicolas II, il regagne l'Europe
et s'installe un temps à Genève, ville des proscrits. Il accueille, en
1908, son ami Sossipatré Assathiany, échappé des geôles de l'Empire russe
et de la déportation en Sibérie.
En 1918, après la restauration de l'indépendance de la Géorgie et la
proclamation (3) de la Ière République (4), il est élu député à
l'Assemblée constituante et soutient les réformes du gouvernement présidé
par Noé Jordania (5).
En mars 1921, après l'invasion de la Géorgie par l'Armée rouge, il prend
le chemin de l'exil comme toute la classe politique géorgienne, d'abord à
Constantinople, ensuite à Paris.
L'exil définitif en France
En 1924, il rejoint les positions de Nicolas Cheidzé et d'Irakli Tsérétéli
(6), avec d'autres anciens députés, estimant que l'implantation de l'Armée
rouge et de la Tchéka est trop profonde sur le territoire géorgien et
laisse peu de chance à une insurrection nationale (7).
En 1930, à la suite d'un publication d'Henri Barbusse, compagnon de route
du Parti communiste français, sur la Géorgie (8), il publie un livre
retentissant préfacé par le socialiste Karl Kautsky :
"Henri
Barbusse, les Soviets et la Géorgie".
David Charachidzé reprend point par point l'argumentaire d'Henri Barbusse.
Il argumente sur
- l'orientation profondément démocratique de la Ière République de
Géorgie, ses réussites sociales et économiques de mai 1918 à février 1921,
- le non-respect par la Russie soviétique du traité de paix signé le 7 mai
1920 avec la Ière République de Géorgie,
- la terreur instaurée à partir de mars 1921 par le pouvoir soviétique,
notamment par la Tchéka.
L'homme
L'écriture de ce livre lui vaudra la rencontre d'une jeune secrétaire
française, présentée par Irakli Tsérétéli, Héléne Toussaint qui deviendra
sa femme : ils auront deux enfants,
- Georges (1930-2010) qui s'illustrera comme linguiste (9),
- Thamar (née en 1934) qui deviendra responsable de l'action vers les pays
de l'Est au sein d'une ONG internationale et membre fondateur de
l'Institut Noé Jordania de Paris .
David Charachidzé meurt en 1935.
Notes :
(1) Certains biographes mentionne Ozourguetti comme lieu de naissance. La
confusion provient probablement des usages de la Légation géorgienne en
France (1921-1933) [et de l'Office des réfugiés géorgiens en France
(1933-1940) qui lui succède] : les grandes villes comme Tiflis, Koutaïs ou
Batoum sont systématiquement retenues comme lieu naissance. Ozourguetti
est la capitale de la Gourie.
(2) Sa famille compte dans ses membres le fondateur du journal satirique "Echmakis
matrakhi"
(Le fouet du Diable).
(3) La proclamation de la Ière République de Géorgie est effectuée le 26
mai 1918 par le Conseil national géorgien, conseil réunissant toutes les
obédiences politiques géorgiennes, nationale démocrate, sociale
fédéraliste et sociale démocrate.
(4)
[URL : 2495]
.
(5) Selon David Charachidzé "Le
gouvernement n'est qu'une sorte de commission exécutive du pouvoir
législatif. Il n'existe pas de poste de président de la République"
: page 77, "H. Barbusse. Les Soviets et la Géorgie".
(6) Selon Charles Urjewicz "Au
cours de l'année 1924, en compagnie d'I. Tsérétéli et de N. Tchkéidzé
(membre du Gouvernement provisoire de 1917 et dirigeant du soviet de
Petrograd), il s'oppose à la préparation de l'insurrection d'août qu'il
considérait comme suicidaire"
: page 296, "La Terreur sous Lénine", Le Sagittaire.
(7) L'insurrection nationale géorgienne sera brutalement réprimée par le
pouvoir soviétique : 7 000 personnes seront fusillées et des dizaines de
milliers envoyées en déportation.
(8) "Voilà
ce qu'on a fait de la Géorgie"
par Henri Barbusse, Editions Flammarion, Paris 1929. Dans ce livre
politique, l'écrivain français reprend les thèses défendues par les
marxistes-léninistes, ainsi que plus tard par les staliniens et par les
trotskistes : en février 1921 le prolétariat russe est venu au secours du
prolétariat géorgien suite à l'appel de ce dernier, au nom de la
solidarité internationale.
(9)
[URL : 3004]
.
*
Sources :
- archives familiales,
- "La
terreur sous Lénine"
de Jacques Raynac, avec Alexandre Skirda et Charles Urjewicz, Editions le
Sagittaire, Paris, 1975,
- "Henri
Barbusse, les Soviets et la Géorgie"
de David Charachidzé, Editions Pascal, Paris, 1930.
*
Remerciements à Thamar Bourand, née Charachidzé.
Voir aussi :
- [URL : 2084]
- [URL : 2083]
- [URL : 2087]
.
Georges Dékanozichvili
(1867-1910)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2980
Géorgie et France : Georges Dékanozichvili (1867-1910), ingénieur et homme
politique
2011-12-06
Giorgi Dekanozishvili
Georges Dekanozichvili est né en 1867 à Makhatra en Géorgie.
Il étudie à l'Ecole des mines de Saint-Pétersbourg et prend ensuite des
fonctions d'ingénieur dans les mines de manganèse de Tchiatoura, à l'Ouest
de la Géorgie.
Il s'intéresse rapidement à la politique et collabore à la presse
engagée, Iveria notamment.
En 1899, il rejoint l'Allemagne, puis la France, où il apprend la langue.
A partir de 1901, il participe au mouvement de quelques intellectuels
géorgiens comme Ivané Abachidzé (dit Kita), Chalva Alexis-Meskhichvili,
Andro Dekanozichvili, Artchil Djordadzé (1), Guiorgui Laskhichvili, Tedo
Sokhia et Varlam Tchekézichvili qui fondent le Pari social-fédéraliste
géorgien. Leurs objectifs sont d'une part de répondre aux revendications
sociales, mais aussi de répondre aux revendications nationales : ils
préconisent la transformation de l'Empire russe en fédération dans
laquelle la Géorgie bénéficierait d'un statut d'autonomie (2).
En 1902, il part au Brésil pour étudier le traitement du manganèse : il
écrit un livre relatant son périple et la condition de vie des mineurs "Voyage
au Brésil et sur l'île de Cuba".
En 1904 et 1905, durant la guerre entre le Japon et l'Empire russe, il
aurait noué des liens avec les services secrets japonais et obtenu une
aide financière afin de faire entrer clandestinement des armes en Géorgie.
Ces armes auraient joué un rôle essentiel durant les révoltes de 1905 (3)
.
Il meurt à Cannes en 1910 (4).
Notes
:
(1) En 1903, Artchil Djordjadzé publie à Paris le journal Sakartvelo,
en langue géorgienne, et acheminé secrètement en Géorgie.
(2) Voir [URL : 2502]
(3) Source : lettre de Georges Kéressélidzé citée par l'historien Georges
Mamoulia ("Les combats indépendantistes des Caucasiens entre URSS et
puissances occidentales. Le cas de la Géorgie", Edition l'Harmattan, Paris
2009).
(4) Les archives nationales de Paris disposent de 2 cartons (345AP/1 et
/2) contenant les journaux personnels de Georges Dekanozichvili (de 1904 à
1910), de sa femme Henriette Dekanozichvili (de 1888 à 1902), de papiers
de famille, de correspondances reçues, d'articles et de textes divers sur
la Géorgie, en langues géorgienne et française.
Evguéni Guéguétchkori
(1881-1954)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2081
Géorgie et France : Evguéni Guéguétchkori (1881-1954), homme d'Etat
transcaucasien
2011-12-06
Evgeni Gegetchkori ou Gegetjkori
Député social-démocrate à la IIème Douma de Saint-Pétersbourg (mars 1907),
haut-commissaire à la Transcaucasie (novembre 1917), ministre des Affaires
étrangères du 3ème gouvernement homogène social-démocrate (février 1919 à
mars 1921) de la Ière République de Géorgie, Evguéni Guéguétchkori meurt
en exil en France.
Issu d'une famille de l'Ouest de la Géorgie, dont l'un des ancêtres aurait
été anobli lors de la guerre contre les Ottomans, Evguéni Guéguétchkori
fut l'un des dirigeants les plus éminents du Caucase du début du XXème
siècle (1).
La sociale-démocratie et la Transcaucasie
De 1907 à 1912, il est député au titre de la Géorgie à la IIéme Douma
russe.
En octobre 1917, Il est nommé Haut-Commisaire à la Transcaucasie par le
gouvernement provisoire d'Alexandre Kerenski : cette juridiction réunit le
territoire de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie et des
territoires qui seront ensuite annexés par l'Empire ottoman.
Après la révolution d'octobre à Petrograd, il ne reconnaît pas les
autorités bolchéviques. Il reste sur l'idée d'une Russie parlementaire
dans laquelle les nationalités s'exprimeraient et la justice sociale
s'établirait ("ligne
politique dite russophile"
selon certains observateurs de l'époque) et est favorable à la poursuite
de la guerre sur le front turc, où les troupes tsaristes ont infligé une
sévère défaite aux troupes ottomanes.
Le 10 février 1918, il est reconduit à la tête de l'Exécutif par
l'Assemblée provisoire de Transcaucasie (la SEÏM) constituée avec les
représentants arméniens, azéris, géorgiens et russes qui avaient été élus
à l'Assemblée constituante russe.
Le traité de paix séparée signé à Brest-Litovsk par la Russie bolchévique
et l'Empire allemand accorde des districts arméniens et géorgiens à
l'Empire ottoman. Après le refus de la SEÏM et de son Exécutif d'accepter
cette clause, l'armée ottomane envahit Batoumi le 1er avril. Le
négociateur transcaucasien, Akaki Tchenkéli, réussit à convaincre la SEÏM
que la solution est d'accepter un protectorat de
fait de
l'Empire allemand pour contenir l'Empire ottoman ("ligne
politique dite germanophile")
: Evguéni Guéguétchkori est remplacé à la tête de l'Exécutif.
L'homme d'Etat géorgien
Après la restauration de l'indépendance de la Géorgie le 26 mai 1918,
après la défaite militaire de l'Empire allemand, il rejoint le
gouvernement homogène social-démocrate présidé par Noé Jordania pour y
prendre la responsabilité des Affaires étrangères.
L'action d'Evguéni Guéguétchkori rencontre différents écueils : la
division de la Transcaucasie, les réserves des Alliés franco-britanniques
vis-à-vis d'une Géorgie qui avait accepté un protectorat de
fait de
l'Empire allemand, les arrières-pensées de la Russie bolchévique, les
appétits territoriaux des "Jeunes
Turcs"
sur le point de prendre le pouvoir au sein de l'Empire ottoman.
Les questions de la reconnaissance internationale de la Géorgie et de
l'admission à la Société des Nations lui échappent. Le président du
Parlement provisoire géorgien, Nicolas Cheidzé, est envoyé début 1919 à la
Conférence de la Paix de Paris avec un ministre plénipotentiaire, Irakli
Tsérétéli. Evguéni Guéguétchkori n'en prend pas ombrage : sa complicité
personnelle avec Irakli Tsérétéli l'explique, ils appartiennent à la même
génération et ont siégé ensemble à la Douma russe.
Avec le départ des troupes allemandes, et celui prévisible des troupes
britanniques, les menaces potentielles russes (tant les armées blanches
que l'Armée rouge) et ottomanes se précisent : Evguéni Guéguétchkori tente
d'organiser une entente avec l'Arménie et avec l'Azerbaïdjan lors de
conférences à Tiflis, en avril et juin 1919, sans succès significatif.
En mai 1919, la Grande-Bretagne exprime son mécontentement. Elle aurait
souhaité que la Géorgie soutienne l'action de l'armée blanche de Denikine
contre l'Armée rouge de Trotski. Londres annonce le départ de ses troupes
d'Adjarie, afin de ne pas compromettre les négociations secrètes en cours
avec la Russie bolchévique.
A son tour, Tiflis négocie secrètement avec Moscou. Un secrétaire d'État,
Grigol Ouratadzé, y est discrètement envoyé. La Russie bolchévique accepte
de reconnaître l'indépendance de la Géorgie, aux conditions que cette
dernière s'interdise de faire stationner des armées étrangères sur son
territoire (la guerre civile russe est à son terme, différentes armées
blanches cherchent un sanctuaire) et légalise un parti communiste
géorgien. Evguéni Guéguétchkori s'oppose à ces clauses, il est mis en
minorité dans le gouvernement. Le traité est signé à Moscou le 7 mai 1920.
Le consulat russe s'ouvre à Tiflis en juin 1920 : il abrite plusieurs
centaines de personnes, diplomates, propagandistes et militaires. Le ton
monte, Evguéni Guéguétchkori et le représentant russe, Sergueï Kirov,
échangent propos et déclarations écrites, voire menaces vis-à-vis des
citoyens géorgiens résidants en Russie. La Géorgie n'est pas en mesure de
faire respecter la souveraineté retrouvée.
Le 27 janvier 1921, Aristide Briand, ministre français des Affaires
étrangères, envoie une dépêche à Evguéni Guéguétchkori pour l'informer que
le Conseil suprême de Versailles reconnaît de
jure l'indépendance
de la Géorgie, reconnue de
fait seulement
jusqu'alors : "...
qu'après avoir pris connaissance de la décision par laquelle le Conseil
suprême, à la date du 26 janvier 1921, a résolu de reconnaître de jure
l'indépendance de la Géorgie ... les puissances alliées sont heureuses de
pouvoir témoigner à nouveau la sympathie avec laquelle elles ont suivi les
efforts du peuple géorgien vers l'indépendance et de l'admiration que leur
inspire l'oeuvre qu'il a déjà accomplie ...".
La question de la frontière turco-géorgienne, héritée de la Fédération de
Transcaucasie, est toujours pendante : "les
Jeunes Turcs"
ne s'opposent pas à l'indépendance de la Géorgie, ils revendiquent
plusieurs territoires (dont l'Adjarie) et engagent un mouvement vers
Batoumi.
Le 12 février, l'Armée rouge envahit la Géorgie sur quatre fronts.
Le 16 mars, l'Assemblée constituante géorgienne, repliée à Batoumi, vote
l'expatriation du gouvernement pour continuer le combat.
Evguéni Guéguétchkori prend le chemin de Constantinople pour un exil
définitif.
*
La légende lui attribue, ainsi qu'à certains de ses pairs, l'idée de faire
libérer "les
bolcheviques géorgiens"
emprisonnés suite à leur tentative de coup d'État : ils pourraient
ralentir l'avancée de l'Armée rouge vers l'Adjarie et permettre aux
derniers détachements de l'armée géorgienne de repousser l'armée ottomane.
Le 20 mars, le général géorgien Mazniachvili défait Kyazim - Bey et son
armée, et sauve l'Adjarie. "Les
bolcheviques géorgiens"
au pouvoir à Tiflis depuis quelques jours entérinent la situation, en
dépit de la position de Moscou qui avait cédé ce territoire à l'Empire
ottoman lors du traité de Brest-Litovsk (2).
L'exil
Une autre légende attribue à Evguéni Guéguétchkori des échanges
épistolaires avec les hauts dignitaires soviétiques tout au long de son
exil en France. Dans les faits, il demeura profondément opposé à la
politique soviétique dans le monde, en URSS et plus particulièrement en
Géorgie.
En 1927, Evguéni Guéguétchkori est l'un des sept membres initiaux de la
Société Civile Immobilière propriétaire de la résidence d'exil en France
de la Ière République de Géorgie, aux côtés de représentants
sociaux-démocrates, nationaux-démocrates, sociaux-fédéralistes (3).
Evguéni Guéguétchkori s'éteint à Paris en 1954. Il était marié à Olia
Mgaloblichvili (1885-1963), avait eu un fils Sosiko (1911-1927) et une
fille Martha, épouse Stouroua (1910-2005), ainsi que des petites-filles
dont Roussoudane Stouroua (1933-2007). Ils reposent dans le "carré
géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.
Notes
:
(1) L'un des frères d'Evguéni Guéguétchkori, Sacha, fut ministre de
l'Intérieur et vice-Premier ministre de la Géorgie soviétique de 1921 à
1928. Il se suicida en 1928, sous la pression de Moscou qui n'admettait
pas que "les
bolchéviques géorgiens"
tentent de gouverner la Géorgie à la géorgienne. L'une de ses nièces
épousa le Géorgien Lavrenti Béria, responsable de la Tchéka, du Guépéou et
du NKVD, en Géorgie puis pour l'URSS.
(2) Depuis le XVème siècle, la lutte était acharnée entre Ottomans et
Géorgiens. Dans un choc inégal et continu, la Géorgie avait perdu
successivement le Lazistan, l'Ispir, l'Adjarie, la Meskhétie (Ardahan et
Akhaltsikhé), la Dvjavakhétie (Akhalkalaki). Les populations géorgiennes y
avaient été converties de force à l'Islam, les monuments chrétiens avaient
été rasés ou transformés en mosquées.
(3) [URL : 1756].
*
Sources multiples :
- [URL : 2468]
- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia.
Voir aussi
:
- [URL : 2502]
- [URL : 2495]
- [URL : 1033]
- [URL : 1720]
- photographie d'Evguéni Guéguétchkori aux obsèques de Nicolas Cheidzé, en
1926 à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]
- [URL : 1646]
Joseph Davrichachvili(1882-1975)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3131
Géorgie, Suisse et France : Joseph Davrichewy (1882-1975),
révolutionnaire, aviateur, agent de contre-espionnage et écrivain
2013-04-02
Iossif, dit Sosso ou Zozo, Davrichachvili
Joseph Davrichewy est né à Gori, le 23 octobre 1882, et est le fils de
Damian Davrichewy, officier de la police du tsar.
L'enfance
Il grandit dans sa ville natale, à 80 kilomètres à l'Ouest de Tiflis, dans
une Géorgie intégrée à l'Empire russe depuis 80 ans. Parmi ses compagnons
d'enfance se trouve Joseph Djougachvili (dit Sosso, Koba et plus tard
Staline). Après quelques années à l'école paroissiale de Gori, il poursuit
ses études au lycée de la perspective Golovinski, l'un des établissements
les plus renommés de Tiflis.
Il s'intéresse très jeune aux idées du mouvement social fédéraliste
géorgien qui prône le réveil de la nation géorgienne comme entité autonome
au sein de l'Empire russe.
Son père l'envoie étudier à Paris, à la Sorbonne, afin de le soustraire à
la tentation révolutionnaire.
La clandestinité en Géorgie
En 1905, il revient en Géorgie dès les prémices de soulèvement et s'engage
dans la branche armée du Parti social fédéraliste : il participe à
l'attaque de banques afin d'assurer son financement. Parfois allié à la
branche armée du Parti social démocrate, parfois concurrent, il croise et
recroise un autre "Sosso", bolchévique, que la police secrète du tsar
Nicolas II -l'Okhrana- confond avec lui (aspect physique et origine de
Gori).
Le 25 septembre, il prend part au soulèvement général de Tiflis contre les
autorités russes.
A la fin de l'année, il prend la direction de la branche armée du Parti
social fédéraliste. Il écrira dans ses mémoires "En
ces temps là tout le monde s'armait n'importe comment et à n'importe quel
prix".
Le 16 février 1906, il est le témoin de l'attentat qui coûte la vie au
général Griazanov, le "boucher de Tiflis" commandant des Cosaques ;
l'attentat est attribué à la branche armée du Parti social démocrate,
mencheviks et bolcheviks encore réunis, dont fait partie Joseph
Djougachvili.
Mi-1906, il attaque la Trésorerie de Doucheti, à la tête d'un commando et
s'empare de 100 000 roubles (environ 1 million de dollars d'aujourd'hui),
l'une des plus fortes sommes jamais dérobées par les révolutionnaires en
Géorgie. Une querelle éclate entre les hommes qui veulent se partager le
butin et qui s'entretuent. Les survivants émigrent pour échapper à l'Okhrana.
La légende veut que ces roubles soient réapparus sur les tables des
casinos de la Côte d'Azur française.
Devant la répression qui se développe en Géorgie et dans tout l'Empire
russe, il gagne la Suisse où sa femme le rejoint- afin d'échapper à la
déportation en Sibérie. Il affirmera plus tard qu'il avait été condamné à
mort par contumace par les autorités russes.
L'émigration en Suisse
Il inquiète également les autorités helvétiques qui l'arrêtent un temps.
Son fils Datho (1) naît à Lausanne en 1907. Sa femme, Anéta Tchidjavadzé,
et son fils quitte la Suisse et retournent en Géorgie en 1910.
L'émigration en France
Il gagne ensuite la France. Le 11 novembre 1912, il obtient son brevet de
pilote, numéro 1138.
A la déclaration de la Première guerre mondiale, il s'engage dans
l'aviation militaire et devient l'un des héros français.
Une liaison avec Mata Hari, exécutée pour trahison en 1917, lui est
parfois attribuée, mais elle tient de la légende journalistique selon ses
descendants.
En 1919, il a un deuxiéme fils, Serge (2), avec une infirmière polonaise.
Il entre dans les services secrets français au contre-espionnage, sous les
ordres du commandant Georges Ladoux. En mission, il se lie avec Marthe
Richard, soupçonnée d'être une espionne allemande (3) et l'innocente.
En 1936, il est contacté secrètement par Staline, mais ne donne pas suite.
De 1939 à 1944, sous le nom de Jean Violan, il dirige le 2e Bureau
clandestin des engagés volontaires étrangers à Saint Amand Montrond (Cher)
et mène des actions contre la milice et l'occupant allemand. Son parcours
est reconstitué en mai 2010, lors d'une enquête du journal "Le Berry" (en
septembre et octobre 1939 à l'hôtel Chevrette, puis en octobre 1940 au
même hôtel, et enfin 20 route de Bourges). En parallèle, il signe des
articles dans le journal "Le Nouvelliste du Centre".
En 1953, après la mort de Staline, il écrit au rédacteur en chef du
journal "Rivarol" "Le
fait que Sosso Djougachvili soit le fils de mon défunt père est
officiellement établi",
accréditant la thèse de certains historiens qu'Ekateriné Guéladzé, épouse
du cordonnier Vissarion Djougachvili, aurait été la maîtresse de Damian
Davrichewy.
Le 30 juin 1966, la Télévision Suisse Romande diffuse dans son émission "Continent
sans visa"
un document du journaliste Jean-Pierre Goretta et du réalisateur Alain
Tanner de 22 minutes, intitulé "Russes
blancs",
dans lequel il traite les Russes blancs de "cadavres
ambulants",
réitère le fait qu'il est le demi-frère de Staline et affirme qu'il a
passé à tabac deux fois Trotsky.
En 1975, il décède à Paris.
Il était titulaire de la Légion d'honneur, de la Croix de guerre et de la
Croix de Saint Georges.
L'écrivain
Il publie plusieurs ouvrages sous les noms de Jean Violan,
- *Dans
l'air et dans la boue. Mes missions de guerre",
Editions du Masque, Paris 1933,
- "Mémoires
de guerre secrète T.3.",
Editions du Masque, Paris 1933,
- "Astrakan,
l'espion du Quartier Latin",
Editions Baudinière, Paris, 1936,
ou de Joseph Davrichewy,
- "Ah!
ce qu'on rigolait bien avec mon copain Staline",
Edition J.C. Simon, Paris, 1979 (à titre posthume).
Notes
(1) Parmi sa descendance issue de David dit Datho (1907-1987), peuvent
être cités
- avec Marguerite Matignon (1908-2002) épouse Davrichewy,
Georges (1931-2004) dit Titi ou Yack (architecte DPLG) père de Kéthévane
-écrivain- et de Nathéla -comédienne et chanteuse-), Alexandre (né en
1936) dit Sandriko (musicien de jazz) père de Stéphane, Irakli (né en
1940) -trompettiste de jazz et référence française sur Louis Amstrong-
père de Jason,
- avec Tamar Vatchnadzé (née en 1931) épouse Davrichachvili,
Artchil (né en 1955) -recteur de la paroisse géorgienne Sainte Nino de
Paris- père de Vakhtang et Barbara, Hélène (née en 1956), Elisabeth (née
en 1958) dite Liziko mère de Tamar, Kéthévane (née en 1964) dite Kétino,
Anne (née en 1967) dite Anéta mère de Datho, Chalva (né en 1971) dit
Chaliko père de Lilé, Sophie(1972) dite Sopiko mère de Luka et Matéo.
(2) Parmi sa descendance issue de Serge Davri,
né en 1919, il convient de citer son petit-fils Bruno et son
arrière-petit-fils Philippe. Serge Davri débute dans le spectacle avec
Georges Dalibon accordéoniste / vibraphoniste -dit Dali-, il devient
ensuite fantaisiste à l'Alcazar, puis tourne dans une vingtaine de films
entre 1958 et 1974, et dans différentes séries télévisées au début des
années 1980.
(3) A partir d'un roman du commandant Ladoux, auquel Joseph Davrichewy
aurait fourni des faits d'armes imaginaires, Raymond Bernard tourne en
1937 un film avec Edwige Feuillère et Eric von Stroheim, Marthe
Richard, espionne au service de la France".
Ce film alimente la légende d'une espionne de haut vol, légende mise à mal
en 1976 par Charles Chenevier, qui voit en Marthe Richard une femme
légère, mensongère, depuis ses études à l'Institut catholique de
Cirey-sur-Vezouze (Meurthe et Moselle) -à la fin du XIXe siècle- jusqu'à
son élection au Conseil municipal de Paris -au milieu du XXe siècle- où
elle fera voter la fermeture des maisons closes.
Sources multiples, dont "Le Jeune Staline" de Simon Sebag, Calmann Levy,
Paris 2008.
Remerciements à Irakli, Annick et Stéphane Davrichewy, à Artchil
Davrichachvili et à Kéthévane Davrichachvili pour certaines précisions.
Voir aussi
- filmographie Serge Davri :
[URL : http://www.cinema-francais.fr/les_acteurs/acteurs_d/davri_serge.htm]
- arbre généalogique :
[URL : http://gw4.geneanet.org/quevilly?lang=fr&pz=youna+marie+maelle&nz=davrichewy+ou+davrichachvili+de&ocz=0&m=D&p=joseph&n=davrichewy+de&sosab=10&alwsurn=yes&t=T&color=&v=4]
- [URL : 3432]
- [URL : 3547]
Valiko Djoughéli (1887-1924)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/5290
Géorgie, France et Géorgie : Valiko Djoughéli (1887-1924), chef de la
Garde nationale
2014-01-14
Djougheli, Djureli
Intellectuel, militant social-démocrate, Valiko Djoughéli se voit confier
le commandement de la garde nationale lors de l'instauration de la Ière
République de Géorgie, le 26 mai 1918.
Chef de la garde nationale
Composée de miliciens et de volontaires, parfois indisciplinés et
échappant au contrôle de son encadrement, la Garde nationale -parfois
appelée garde populaire- est issue de la garde rouge qui s'était formée en
1905 : Valiko Djougheli rend compte directement à l'Assemblée
parlementaire (provisoire, puis Assemblée constituante) et non au
gouvernement.
Il se voit confier des missions "militaires" (1) et de "maintien de
l'ordre", à la frontière ottomane (relevant les gardes-frontières de
l'Empire russe et essayant de contenir les avancées turques), en Abkhazie
(essayant de contenir les avancées de l'armée russe tsariste de Denekine),
dans la région de Tskhinvali (insurrection ossète et exactions attribuées
en représaille à la Garde nationale) et enfin lors de l'invasion de
l'Armée rouge en février /
mars 1921.
L'exil à Leuville-sur-Orge
Il émigre avec la classe politique géorgienne à Constantinople, puis à
Leuville-sur-Orge : il y reste deux années avant de se voir confier -en
février 1924- une mission secrète (2) sur le territoire géorgien, la
préparation d'une insurrection nationale (3).
La préparation de l'insurrection nationale géorgienne d'août 1924
Selon certains témoignages, il aurait fait preuve d'imprudence dans les
rues de Tiflis, aurait été reconnu et ne se serait pas caché. Selon
d'autres témoignages, la lutte féroce entre la police politique
transcaucasienne (Tcheka) et la police politique géorgienne (à laquelle
appartenait Lavrenti Beria), disposant chacune de leurs indicateurs et de
leurs personnels infiltrés au sein du mouvement social-démocrate, ne lui
laissait aucune chance.
Il est arrête et emprisonné.
Plusieurs versions de témoignages se contredisent. Selon les uns, ayant
compris que la préparation de l'insurrection a été éventée. il aurait
proposé à la Tcheka de prévenir les conjurés afin d'annuler l'ordre
insurrectionnel; la Tcheka aurait refusé; il serait néanmoins parvenu à
faire passer clandestinement un message, reçu par ses amis comme une
provocation bochévique. Selon les autres, voyant sur le terrain le peu de
chance de réussite de l'insurrection, il aurait voulu éviter un bain de
sang.
Il est exécuté.
Notes
(1) Les gouvernements successifs de la Ière République de Géorgie ne
manifesteront pas toujours une totale confiance vis-à-vis de l'armée
régulière géorgienne composée d'officiers supérieurs et d'officiers formés
dans les académies militaires tsaristes. La conscription ne permetta pas
de former en 32 mois une armée professionnelle ; son encadrement se
plaindra à plusieurs reprises de son manque d'équipement, à l'inverse
-selon lui- de la garde nationale.
(2) D'autres dignitaires sociaux-démocrates sont envoyés clandestinement
en Géorgie, dont Noé Homériki (ancien ministre de l'Agriculture) et Bénia
Tchkivichvili (ancien maire de Tiflis).
(3)
[URL : 3908]
.
Joseph Eligoulachvili (1890-1952)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3541
Géorgie et France : Joseph Eligoulachvili (1890-1952), figure de la
communauté juive
2013-03-25
Joseph Eligoulachvili est né le 12 novembre 1890 à Koutaïssi, en Géorgie
occidentale, dans une famille juive dont le père, Aaron, est le
patriarche, et au sein d'une fraterie de trois soeurs et de sept frères
(1).
Des études à Moscou
Après ses études primaires et secondaires en Géorgie, il étudie l'économie
à l'Institut du commerce de Moscou.
Ses idées progressistes, en opposition avec le régime politique instauré
par le tsar Nicolas II, lui valent d'être arrêté et jeté dans les prisons
de l'Empire russe.
Libéré, il assiste en octobre 1917, à Moscou, à la prise de pouvoir par la
force des bolchéviks.
Des responsabilités politiques durant la Ière République de Géorgie
Il retourne en Géorgie et adhère au Parti ouvrier social démocrate
géorgien.
Après le 26 mai 1918, date de la restauration de l'indépendance et de la
proclamation de la Ière République de Géorgie -dont il signe l'acte-, il
est chargé d'une mission économique en Europe.
En février 1919, il est élu à l'Assemblée constituante, ainsi que deux
autres députés de confession juive.
Il est ensuite nommé secrétaire d'Etat aux finances auprès du ministre des
Finances, du commerce et de l'industrie, Constantiné Kandélaki (2), dans
le troisième gouvernement -homogène social démocrate- présidé par Noé
Jordania (3).
En février 1921, devant l'avancée des armées de la Russie soviétique, il
participe au sauvetage du trésor national géorgien conduit par Ekvtimé
Takhaïchvili (4), qui sera abrité en France durant 25 ans.
Une figure de la communauté juive géorgienne en France
Il quitte la Géorgie pour ne plus jamais y revenir, d'abord pour
Constantinople, puis pour Paris où le rejoindront la quasi totalité de ses
frères et soeurs.
Il fonde et dirige une entreprise de bonneterie et de soierie, devient une
figure de la communauté juive au sein de l'émigration géorgienne en
France.
En 1926, après le suicide à Leuville-sur-Orge de Nicolas Chéidzé
-président de l'Assemblée constituante et du Parlement géorgien- (5), la
famille Eligoulachvili et particulièrement Joseph apporte une aide morale
et matérielle à sa veuve et à sa fille Véronique, toutes deux dans une
grande détresse. Cette fidélité au meilleur tribun, et chef de
l'opposition, à la Douma russe dans les années 1910, ne sera jamais
démentie : les archives familiales de Véronique Cheidzé, devenue
Grassmann, en témoignent.
[... Dès octobre 1940, Adrien Marquet, ministre du maréchal Pétain (ancien
membre de la SFIO et de la délégation socialiste ayant visité la Géorgie
en 1919) intervient auprès d'Evguéni Guéguétchkori (6) pour l'informer du
danger qui menace les juifs géorgiens exilés en France. Quelques mois plus
tard, Michel Kédia (homme politique géorgien en exil proche des autorités
allemandes) (7) est sollicité pour une intervention. Les juifs géorgiens
sont dispensés de la mention "JUIF" sur leur pièce d'identité ...
... Joseph Eligoulachvili (8) oeuvre avec Sacha Korkia (9) et Sossipatré
Assathiany (10) au sein d'un comité restreint afin "d'élargir" le champ
d'application de la mesure d'exception. Ils sauvent deux cent cinquante
familles juives de la déportation en leur délivrant des "certificats
d'authenticité de nationalité géorgienne", dont une bonne part est
originaire des Balkans, d'Espagne, d'Iran et du Turkménistan ...]
Fin 1943, cette protection des juifs géorgiens ne joue plus : ils doivent
entrer dans la clandestinité pour échapper à la déportation.
Joseph Eligoulachvili meurt en 1952, figure respectée de la communauté
juive géorgienne en exil, personnalité de l'émigration géorgienne et
personnalité de la communauté juive en France.
Selon Françoise et Révaz Nicoladzé, le ministre Constantiné Kandélaki le
salue de la manière suivante :
[... L'unité
entre les Géorgiens, sa lutte pour l'indépendance, la générosité étaient
ses idéaux ... Il respectait toutes les nations et toutes les religions
... L'instance suprême restant pour lui l'Histoire de la Géorgie...].
En 1996, à Copenhague, lors d'une commémoration des victimes juives de la
IIème guerre mondiale, en présence de l'ambassadeur d'Israël en France et
de Léon Eligoulachvili, neveu de Joseph, est déclaré
[...Trois
Etats ont sauvé leurs juifs, les Danois, les Bulgares et une Nation sans
patrie, la Géorgie ...]
(11).
M.M.
Notes
:
(1) La fraterie Eligoulachvili est composée de Rapiel -Raphaël-, Mariam -Marie-
, Iakob -Jacques-, Solomon -Salomon-
, Joseb -Joseph-,
X , Beniamin -Benjamin-, Ana -Anne-, Douchky -Mathilde-
, Davit -David-
.
(2) [URL : 3121]
(3) [URL : 2083]
(4) En 1945, le Trésor national géorgien composé de centaines d'objets
pécieux (manuscrits anciens, pièces de toreutique et d'orfèvrerie, émaux
cloisonnés, îcones ciselés d'or et d'argent, croix d'autel et de
procession, coupes, ostensoirs, ...) prit le chemin du retour après que
Joseph Staline se soit engagé auprès de Charles De Gaulle à ce qu'il
revienne à la Géorgie et non à l'URSS. Voir [URL : 2082].
(5) [URL : 2084]
(6) [URL : 2081]
(7) [URL : 2922]
(8)Joseph Eligoulachvili est à l'époque président du groupement des
Géorgiens de confession mosaïque en France.
(9) Sacha Korkia est responsable de la section géorgienne de l'Office des
réfugiés caucasiens en France créé par l'occupant allemand. Ayant vécu en
Allemagne, ayant eu un fils de nationalité allemande, mobilisé dans
l'armée allemande et tué lors d'une opération en Crète, Sacha Korkia a la
confiance des autorités allemandes.
(10) Sossipatré Assathiany est responsable de la section géorgienne de la
délégation à Paris du Bureau des apatrides créé par l'Etat français de
Vichy. Voir aussi [URL : 3546]
(11) Si la Géorgie n'a pas connu de pogrom tout au long des siècles, le
professeur français Charles Urjewicz (INALCO) rappelle volontiers que des
violences et des saccages ont été exercées à l'encontre des juifs sur le
territoire géorgien durant les années 1870 et 1880, années de tentative de
russification des élites géorgiennes.
*
Sources .
- archives familiales,
- archives personnelles Véronique Grassmann, née Chéidzé,
- "Des Géorgiens pour la France. Itinéraires de résistance, 1939-1945" de
Françoise et Révaz Nicoladzé, Editions l'Harmattan, Paris, juin 2007,
pages 60 à 63,
- Office des réfugiés géorgiens par OFPRA,
- Websites, dont Jemal Simon Ajiachvili.
*
Remerciements à Dominique Gautier-Eligoulachvili.
Voir aussi :
- [URL : 2495]
- [URL : 1720]
- Photographie des hommes politiques géorgiens en exil aux obsèques de
Nicolas Cheïdzé
- [URL : 4374]
[URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]
Vladimer Gogouadzé (1880-1954)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3152
Géorgie et France : Vladimer Gogouadzé (1880-1954), commandant de trains
blindés
2011-12-24
Gogouadzé Volodia, Valodia dit Lado
L'enfance et le service militaire
Volodia Gogouadzé naît en 1880 (1) en Gourie, province occidentale de La
Géorgie, dans le village de Tchantchati. Ses parents, Elizabedi et Saba,
sont des petits cultivateurs et il doit quitter l'école à l'âge de 10 ans.
De 11 à 20 ans, il s'emploie tour à tour dans le commerce de bois, une
usine de pétrole à Batoumi, une scierie et une exploitation forestière,
avec des retours à la maison familiale lorsque la malaria le prend.
Il est appelé au service militaire dans les armées du tsar, à Odessa en
1900 : il se distingue lors des épreuves de tir. Il participe à la
campagne victorieuse de Mandchourie, en 1901. Avant d'être libéré fin
1902, il sort diplômé de l'Ecole des sous-officiers.
La révolution de 1905
Il suit ensuite l'Ecole des Chemins de fer de Tbilissi et est nommé
conducteur de train de marchandises à Bakou. En 1904, il rejoint la
section sociale démocrate des chemins de fer de Bakou dans laquelle
cohabitent encore bolcheviks et mencheviks.
En février 1905, il participe aux grandes grèves de Transcaucasie et est
emprisonné 40 jours à la prison Baïlov. A sa sortie, il se joint au groupe
armé de la section sociale démocrate des chemins de fer de Bakou et en
prend la responsabilité (2). La révolution est vaincue, mais il continue
la fabrication d'engins explosifs et l'entraînement des hommes. Au
printemps 1906, il est jugé par contumace par la Cour martiale et sa tête
est mise à prix.
La clandestinité
Au cours de différentes tentatives d'arrestation, il abat plusieurs
membres de la police secrète -l'Okhrana-, de la police et de la
gendarmerie. Au cours de missions en service commandé, il élimine un
certain nombre d'indicateurs ou de représentants du pouvoir tsariste qui
ont contribué à la neutralisation de sociaux démocrates, ainsi que des
brigands qui rançonnent petits et grands en toute impunité devant
l'incurie des autorités (3).
Il quitte la région de Bakou en 1909 et rejoint la Gourie. Le 11 mai 1916,
lors de la protection d'un ingénieur -bâtisseur de pont sur la rivière
Gobazoouli et rançonné pour pouvoir poursuivre son travail-, il est
grièvement blessé à la rotule. Soigné trop tardivement (les rançonneurs et
les gendarmes le pourchassent), il boitera définitivement.
La chute de l'Empire russe
En septembre 1917, ä Tbilissi, après de multiples opérations chirurgicales
et une courte période de convalescence, il est sollicité par le Soviet
d'ouvriers et de paysans afin d'entraîner militairement les premiers
éléments de la "Garde
rouge".
Le 12 décembre, cette "Garde
rouge"
s'empare de l'Arsenal afin de se procurer des armes et d'équiper un plus
grand nombre d'hommes (4).
En janvier 1918, il prend le commandement de son premier train blindé (5).
Il intervient contre les soldats russes libérés du front turc par la paix
soviético - ottomane de Brest - Litovsk et fauteurs de trouble (Bakou,
Koutaïssi, Tbilissi), contre des groupes armés "tatars"
(dénomination des Azeris à l'époque) (Gandja et Dzegami) et contre des
mutinerie de soldats géorgiens (Telavi).
L'indépendance de la Géorgie
En mars 1918, la pression militaire de l'Empire ottoman sur l'Adjarie
s'accentue et son train blindé participe aux combats de Kobouléti, Tchakvi
et Natanébi : le 8 avril, il l'introduit dans les lignes ennemies par le
pont de Tcholoki et surprend l'assaillant avec l'aide des renforts envoyés
par le général Mazniachvili (6). Avec trois trains blindés, il attaque
l'armée turque près du fleuve Khram, à Achagséra, le 9 juin, à Bortchalo,
à Alaverdi et à Sanaïan, le 14 juin (7).
En décembre 1919, les forces arméniennes -appuyées par des éléments de la
"Garde
blanche"
russe- s'emparent de la région de Bortchalo : il rejoint le front le 9
décembre avec deux trains blindés et combat jusqu'au 15 décembrere 1919 :
l'arrivée des forces britanniques, envoyées par la Conférence de la Paix
de Paris, met fin aux hostilités.
L'exil en France
Après l'invasion de la Géorgie par l'armée de la Russie soviétique, en
mars 1921, Volodia Gogouadzé et sa femme Namétia, née Berdzénichvili,
suivent l'exil de la classe politique en France. Ils s'installent dans la
résidence des Géorgiens à Leuville-sur-Orge (Seine et Oise), dans un petit
pavillon, à gauche de l'entrée du parc, gardiens de l'histoire des trains
blindés et gardiens de l'histoire de l'émigration dans une commune
française devenue un peu terre géorgienne.
Volodia Gogouadzé décède en 1954, à l'âge de 73 ans.
Namétia Gogouadzé décède en 1988, à l'àge de 97 ans, après avoir été,
durant des décennies, l'animatrice du Foyer qui rassemblait les Géorgiens
habitant la résidence et leur lien avec la population et les autorités de
Leuville-sur-Orge, sous le nom de Mme Lado (8).
Notes
:
(1) La pierre tombale de Volodia Gogouadzé porte 1881 comme année de
naissance.
(2) Volodia Gogouadzé cotoie les leaders de la sociale démocratie
géorgienne comme Isidore Ramichvili et Vlassa Mguéladzé.
(3) En 1908, à Bakou, le millionnaire "tatar"
Moussa Naguïev, enlevé pour rançon par des brigands, est libéré par le
groupe armé de Volodia Gogouadzé car l'enlévement est attribué à tort "aux
Géorgiens". Pour le remercier, Moussa Naguïev lui enverra plus tard,
clandestinement, de l'étranger des armes automatiques dont un fusil "Borkhate"
(Petit éclair) qu'il utilisera jusqu'en 1921.
(4) Dans ces mémoires, Volodia Gogouadzé affirme qu'il conduisit l'attaque
de l'Arsenal de Tbilissi.
(5) Ce premier train blindé était composé de deux locomitives (dont une
Westinghouse) et de deux wagons, transportants 90 personnes dont 70
soldats armés d'une carabine et d'un revolver chacun, disposant de 2
mortiers et de plusieurs mitrailleuses Maxim et Lewis.
(6) Le combat et la victoire sur le pont de Tcholoki, le 8 avril 1918,
vaut à Volodia Gogouadzé d'être invité à une séance de l'Assemblée de
Transcaucasie, le 12 avril. Conduit par Noé Jordania à la tribune, il
entend Irakli Tsérétéli et Evguéni Guéguétchkori louer son action
militaire et lui décerner la décoration de "Premier
héros de la Révolution".
(7) C'est au cours de cette campagne contre l'armée turque, en juin 1918,
que Volodia Gogouadzé conduisit un nouveau combattant au front, sa femme
Namétia alors âgée de 27 ans.
(8) Souvenirs : "Pour
les enfants issus de l'émigration géorgienne en France, Valodia, avec sa
démarche chancelante et sa canne, était un héros sorti d'un livre
d'histoire que l'on imaginait perché sur son "rkinis ouremi",
(littéralement chariot de fer), attaquant et vainquant les bandits et les
ennemis. Nametia était la dame, un peu autoritaire, chez qui l'on allait
acheter les fameux "fromages géorgiens" -introuvables ailleurs- : elle
reprenait les enfants s'ils ne s'exprimaient pas en langue géorgienne et
apostrophait le vacher "Sebasti" lorsqu'il ne vaquait pas assez vite à ses
occupations.
Source : feuilles manuscrites de souvenirs écrits en langue géorgienne par
Volodia Gogouadzé, rassemblées et classées par Namétia Gogouadzé et
traduites en langue française par Jacqueline Khabouliany
.
Noé Homériki (1883-1924)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2948
Géorgie, France et Géorgie : Noé Homériki (1883-1924), révolutionnaire et
ministre de l'Agriculture
2012-06-15
Noe Khomeriki
Noé Khomériki est né le 1er janvier 1883, en Gourie, province de l'Ouest
de la Géorgie.
Il se marie avec Ana Nikalaïchvili : ils auront un fils, Victor, en 1910
(1).
Le révolutionnaire
En 1905, il est l'un des fondateurs de la "République
de Gourie",
éphémère structure sociale-démocrate déclarée durant 6 mois, au sein de
l'Empire russe. Il est déporté une première fois.
En 1909, il est déporté une 2ème fois à Vologda (Russie du Nord), où son
état de santé se dégrade (angine de poitrine). Son ami Nicolas Cheidzé,
député à la Douma et chef de l'opposition, essaie d'intervenir par
l'intermédiaire du président de la Douma, en vain (2).
L'homme politique, artisan de la réforme agraire
En mai 1918, il est nommé ministre du Travail et de l'agriculture dans le
premier gouvernement de la Ière République de Géorgie, présidé par Noé
Ramichvili (3).
Il est reconduit dans les mêmes fonction en août 1918 dans le premier
gouvernement de Noé Jordania, puis devient ministre de l'Agriculture et
des communications jusqu'en février 1921 dans son second gouvernement.
En janvier 1919, après avoir été élu député à l'Assemblée constituante, il
conçoit , propose et fait voter une réforme agraire qui redistribue la
terre aux paysans sous forme de propriétés privées, à l'exception des
forêts, des rivières et de quelques pâturages qui restent la propriété de
l'Etat géorgien (4).
L'exil
En février 1921, devant l'avancée de l'armée de la Russie soviétique en
Géorgie, il prend le chemin de l'exil avec le gouvernement de la Ière
République de Géorgie (5). Il se réfugie à Constantinople, et à Paris.
En Géorgie, des révoltes spontanées éclatent, provoquées par la famine et
l'impôt en nature instauré par le régime soviétique, principalement en
Lechtkhoumie, Ratcha et Svanétie. Dès le printemps 1922, elles s'étendent
à toutes les régions montagneuses et sont coordonnées par des
organisations clandestines, le "Comité
de l'indépendance de la Géorgie"
(6) et le "Comité
militaire uni"
(7).
Noé Khomériki assure la liaison politique, à partir de Constantinople,
entre ces organisations et le gouvernement en exil à Paris.
Ce dernier y voit un moyen d'attirer l'attention de l'opinion publique
internationale et décide de préparer une insurrection nationale, d'autant
que la Grande-Bretagne s'oppose au souhait de la France de voir la Géorgie
représentée aux conférences de Cannes, de Gênes et de Lausanne.
En mars 1923, le "Centre
militaire uni"
est infiltré par la police politique bolchévique, la "Tchéka"
: ses dirigeants sont arrêtés et fusillés. Une "Commission
militaire",
subordonnée au "Comité
de l'indépendance de la Géorgie"
se reconstitue, mais elle ne dispose plus des contacts avec les
organisations de résistance des autres peuples du Caucase.
Le retour en Géorgie et la préparation de l'insurrection nationale
Noé Homériki entre clandestinement en Géorgie et joint ses efforts au "Comité
de l'indépendance de la Géorgie"
: il demande au gouvernement en exil financements, combattants
expérimentés dans l'action clandestine, armes et accommodements avec la
Turquie.
L'appui de Varsovie, après le démission de Pilsudski du poste de chef de
l'armée polonaise en juin 1923, semble se restreindre. Noé Homériki s'en
émeut auprès du gouvernement géorgien exil à Leuville-sur-orge par une
série de missives.
Il est arrêté par la "Tchéka"
.
L'insurrection nationale d'août 1924 et la mort
Au vu de la situation politique internationale qui semble favorable à la
Géorgie et au vu de la situation de l'armée soviétique en Géorgie qui est
en plein renouvellement d'effectif, la décision est prise de déclencher
l'insurrection nationale. La ville de Tchiatouri anticipe le 28 août : le
soulèvement se propage à partir du 29, perdant l'effet de surprise.
Certaines régions se libérent une semaine, mais Tbilissi et Batoumi
restent entre les mains de l'armée soviétique.
Sept mille insurgés seront fusillés, dont Noé Homériki le 1er septembre
1924.
*
Sa femme se suicide en Géorgie.
Son fils Victor, resté à Paris, se retrouve orphelin à 14 ans et sera pris
en charge par la communauté géorgienne en France.
Sources
- archives
familiales,
- "H. Barbusse, les Soviets et la Géorgie" par David Charchidzé,
- "Les combats indépendantistes des caucasiens entre URSS et puissances
occidentales. Le cas de la Géorgie" par Georges Mamoulia.
Notes
(1) [URL : 2944]
(2) Suite à la demande de Nicolas Cheidzé de soins médicaux à Pétrograd
pour Noé Homériki, le président de la Douma reçoit la réponse ci-dessous
du directeur du département de police de l'Empire du tsar :
"Il
y a plus de 10 ans que le susmentionné Khomeriki se trouve dans les rangs
du parti S.D. ouvrier de Russie. Dès le premier jour de son entrée dans
cette association criminelle, il se distingua de ses camarades par une
volonté particulièrement forte, par un talent d'organisateur et par un
dévouement presque fanatique à la cause du socialisme et de la révolution.
Aujourd'hui, il est déjà l'un des leaders des organisations caucasiennes
du parti S.D. et l'animateur de toutes leurs actions révolutionnaires,
dans le domaine de la propagande écrite, ainsi que de l'agitation orale en
vue de la propagation parmi les ouvriers de Bakou et de Tiflis des idées
socialistes. Les 3 campagnes électorales pour la Douma d'Etat dans le
Caucase, qui eurent pour résultat l'élection des socialistes extrémistes,
ont été menées sous la direction immédiate du susnommé Khomériki. En un
mot Khomériki appartient à la catégorie d'ennemis les plus redoutables et
les plus irréductibles de l'ordre social et politique existant. Et c'est
pourquoi, de l'avis du département de police, tout soulagement de son sort
aurait produit sur la population l'impression de démoralisation et aurait
inspiré aux révolutionnaires le sentiment d'impunité"
(3) [URL : 2495]
(4) Noé Homériki publie à Paris, en 1921 : "La Réforme agraire et
l'économie rurale en Géorgie. Rapport au Congrès du Parti Social Démocrate
de Géorgie, en juillet 1920".
(5) [URL : 1720]
(6) "Le
Comité d'indépendance de la Géorgie",
appelé aussi "Damkom",
organisation clandestine se fixant le but de rétablir la Ière République
de Géorgie, est né en 1922 et est paritaire : il est composé d'un
représentant des partis nationaux-démocrates, sociaux-démocrates,
sociaux-fédéralistes, sociaux-révolutionnaires et des sans-parti. Il est
présidé tour à tour par Gogui Pagava, Nikoloz Kartsivadze et Kote
Andronikachvili.
(7) "Le
Centre militaire uni"
est composé d'officiers géorgiens. Il est présidé par Konstantiné Abkhazi
(1867-1923), ancien général de l'armée de l'Empire russe. Il est arrêté
par la "Tcheka"
et exécuté le 19 mai 1923 avec 14 autres officiers géorgiens.
Noé Jordania (1868-1953)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2083
Géorgie, Suisse et France : Noé Jordania (1868-1953), président des 2e et
3e gouvernements de la Ière République
2013-04-02
Zhordania Noe
Député à la Douma russe, président du soviet de Tiflis, président du
gouvernement de la Ière République de Géorgie à deux reprises, Noé
Jordania reste pour l'histoire de son pays l'homme qui a proclamé la
restauration de l'indépendance de la Géorgie le 26 mai 1918, au nom du
Conseil national géorgien.
Noé Jordania est né le 2 janvier 1868 à Lanchkhouti dans la région de
Gourie, en Géorgie occidentale, dans une famille de petits propriétaires
terriens. Après ses études au séminaire à Tiflis en 1884, il entreprend
des études vétérinaires à l'Institut de Varsovie en 1891.
La clandestinité
Il est sensibilisé à Varsovie aux idées sociales démocrates et plus
particulièrement à celles de Karl Kautsky. Il participe à Varsovie à un
groupe d'étudiants marxistes, avec Pelipe Makharadzé, futur dirigeant
bolchévique géorgien.
En décembre 1892, en Imérétie (1), sous l'initiative d'Egnaté Ninochvili,
il prend part avec Nicolas Cheïdzé et Sylvestre Djibladzé à un groupe de
réfléxion appelé plus tard "Troisième Groupe", "Messamé
Dassi"
(2). En 1893, à Tiflis, sa proposition de doctrine, "Progrès économique et
question nationale", d'essence marxiste, est adoptée au premier congrès du
Parti social démocrate ouvrier géorgien.
Afin d'échapper à l'arrestation par la police du tsar Nicolas II, l'Okhrana,
il part à l'étranger pour quatre années. Il noue des contacts avec
d'autres socialistes en Suisse (Plekhanov), en France (Guesde), en
Allemagne (Kautsky) et en Grande- Bretagne, ou avec des compatriotes
exilés comme Varlam Tcherkézichvili (anarchiste à l'époque, il sera l'un
des fondateurs du Parti social fédéraliste géorgien en 1901).
En 1900, il devient rédacteur en chef du journal Le Sillon (Kvali).
En juillet et août 1903, aux congrès de Bruxelles et de Londres, il prend
une part active à la fusion des Partis sociaux-démocrates russe et
géorgien. Il se range aux côtés de Martov et de Plekhanov dans le combat
idéologique qui les oppose à Lénine.
De mars à septembre 1905, la Géorgie est en insurrection permanente. Les
Cosaques rétablissent l'ordre tsariste. Début 1906, Noé Jordania est élu,
au titre de la Géorgie, à la Ière Douma russe de Saint- Pétersbourg
accordée par Nicolas II. Le tsar se ravise et dissout l'assemblée. Noé
Jordania retrouve la clandestinité et gagne la Finlande. En 1914, il
collabore au journal La Lutte (Borba)
avec Trotski.
La Transcaucasie : président du groupe social-démocrate à la SEÏM
En février 1917, Noé Jordania est élu président du soviet de Tiflis.
En février 1918, il est président du groupe social démocrate
transcaucasien à la SEÏM, assemblée provisoire composée des représentants
arméniens, azéris, géorgiens et russes élus à l'Assemblée constituante
russe (novembre 1917) et dissoute par les Bolchéviques (janvier 1918). La
SEÏM ne reconnaît pas l'autorité bolchévique et préconise une Russie
parlementaire dans laquelle les nationalités s'exprimeraient et la justice
sociale s'établirait ("Ligne
politique dite russophile")
selon certains observateurs de l'époque).
Après la signature du traité de paix séparée entre la Russie bolchévique
et l'Empire allemand à Brest-Litovsk, l'Empire ottoman réclame à la
Transcaucasie les districts arméniens et géorgiens qui lui ont été
accordés, et prend Batoumi le 1er avril. Le négociateur transcaucasien,
Akaki Tchenkéli, réussit à convaincre Noé Jordania et une majorité de
sociaux démocrates que la seule tactique possible est d'accepter l'aide de
l'Empire allemand pour contenir l'Empire ottoman ("Ligne
politique dite germanophile".
Avec les voix de nationalistes déjà convaincus, ces voix sociales
démocrates font basculer la SEÏM, orientation qui marquera l'histoire
moderne du peuple géorgien.
La Ière République de Géorgie : président des 2e et 3e gouvernements
Devant les divergences d'intérêt apparues entre Arméniens, Azéris et
Géorgiens, au nom du Conseil National Géorgien qui réunit toutes les
tendances politiques, Noé Jordania proclame le 26 mai 1918 la restauration
de l'indépendance de la Géorgie et l'instauration de la "République
démocratique géorgienne".
En juillet 1918, il prend la présidence du 2ème gouvernement géorgien
d'union nationale et en février 1919 (après les élections de l'Assemblée
constituante géorgienne) celle du 3ème gouvernement, homogène social
démocrate. Selon la terminologie en vigueur en France à l'époque, la
dénomination "président du Conseil des ministres" pourrait également
convenir.
Le bilan intérieur
Ses gouvernements suivent une orientation réformiste : établissement de la
langue nationale géorgienne et alphabétisation, création de l'Université
de Tiflis, séparation de l'Eglise et de l'Etat, mise en place d'un pouvoir
judiciaire, abolition de la peine de mort, mise en place de pouvoir
locaux, réforme agraire, nationalisation des mines de manganèse. Ils
rencontrent des difficultés avec les ethnies abkhaze et ossète (3).
L'alliance avec l'Allemagne
Sur le plan international, Noé Jordania souhaite une certaine neutralité
tant vis-à-vis des Russies blanches et rouges ainsi que vis-à-vis de
l'Alliance germano-turque et de l'Entente franco-britannique, mais
l'Empire allemand exerce un protectorat de
fait sur
la Géorgie.
Dès la proclamation de l'indépendance, des troupes régulières bavaroises
débarquent par le port de Poti. Elles se déplacent jusqu'à la frontière
turco-géorgienne afin de bloquer toute velléité d'invasion ottomane : la
banière allemande n'est pas parfois suffisante, à plusieurs reprises des
coups de feu sont échangés. Des généraux allemands sont accueillis à
Tiflis. Des experts allemands mettent en place des moyens
radio-télégraphiques et s'intéressent à la vie économique, comme les
filières d'exportations.
La Légion géorgienne constituée dans l'armée ottomane pour combattre
l'armée russe tsariste sur le front turc est intégrée à l'armée
géorgienne.
La défaite allemande surprend le chef du gouvernement géorgien.
La courte présence britannique
L'armée britannique débarque à son tour, à Batoumi le 23 novembre 1918 :
elle trouve le matériel et l'artillerie laissés par l'armée allemande lors
de son évacuation précipitée. Elle joue à son tour les médiateurs : la
question des districts de Bortchalo, Djavakhétie et Lori a déclenché une
guerre arméno-géorgienne. La Grande-Bretagne en négocie la fin. Les
districts de Bortchalo et de Djavakhétie resteront géorgiens.
La déception de la Conférence de Paris
Noé Jordania et Nicolas Cheïdzé mettent au point, dans la plus grande
discrétion, une nouvelle tactique ("ligne
politique dite anglophile")
: "la
Géorgie serait prête à accepter le protectorat de la Grande-Bretagne, ou
de la France, à la condition que sa souveraineté soit reconnue sur ses
affaires intérieures"
(4). Nicolas Cheidzé est chargé de porter la proposition à la Conférence
de la Paix de Paris début 1919. Lloyd George (5) et Clémenceau refusent :
la reconnaissance de
jure de
la Géorgie viendra tardivement, en janvier 1921.
En août 1919, Georges Clémenceau accuse la Géorgie d'entraver l'aide à
l'Arménie, en mauvaise posture entre les Ottomans et les Azéris : Noé
Jordania doit récuser ces affirmations par une lettre diplomatique.
Le traité de non-agression avec la Russie soviétique
Il envoie l'un de ses proches à Moscou, le secrétaire d'Etat Grigol
Ouratadzé, négocier un traité de non-agression. Lénine en accepte le
principe, si Tiflis s'engage à s'interdire tout stationnement d'armée
étrangère et à autoriser l'établissement d'un parti communiste géorgien.
Le gouvernement géorgien est divisé sur la réponse à donner, le ministre
des Affaires étrangères Evguéni Guéguétchkori est contre : Noé Jordania
décide d'accepter et l'accord est signé le 7 mai 1920 (6).
L'agression de la Russie soviétique
Le traité n'empêche pas l'Armée rouge d'envahir la Géorgie le 12 février
1921, après l'Azerbaïdjan et l'Arménie, afin de porter secours aux
"bolcheviks locaux". Les Soviétiques alignent plus de 50 000 hommes sur
quatre fronts. Les Géorgiens alignent moins de 15 000 hommes : la Garde
Nationale et l'Armée régulière encadrée par des officiers de l'époque
tsariste et des élèves officiers (7).
Après s'être repliée à Batoumi, l'Assemblée constituante géorgienne
(renommée Parlement) vote le 16 mars 1921 l'expatriation du gouvernement
afin de continuer la résistance.
L'exil
L'exil conduit Noé Jordania dans un premier temps à Constantinople, puis
en France.
Il prépare l'insurrection nationale d'août 1924 et envoie clandestinement
des personnalités comme Noé Khomériki (ancien ministre de l'Agriculture)
ou Valiko Djouréli (ancien commandant de la Garde nationale).
En 1927, il est l'un des sept membres initiaux de la Société Civile
Immobilière propriétaire de la résidence d'exil en France de la Ière
République de Géorgie, aux côtés de représentants sociaux démocrates,
nationaux démocrates, sociaux fédéralistes (8).
A partir de 1930, après l'assassinat de Noé Ramichvili, il s'implique
personnellement dans le Mouvement Prométhée (9), soutenu par la Pologne,
mouvement qui a pour objectif de créer une Confédération d'Etats
indépendants du Caucase (Azerbaïdjan, Géorgie et Nord Caucase dans un 1er
temps) au détriment de l'URSS. Noé jordania est mis en difficulté à ce
poste et présente sa démission à plusieurs reprises : les Polonais
souhaitent que la représentation géorgienne réunisse tous les partis
politiques (sociaux démocrates, mais aussi nationaux démocrates) et qu'une
distance soit prise avec la IIe Internationale socialiste: le Bureau à
l'étranger du Parti social démocrate ouvrier géorgien s'oppose à ces
positions.
Grâce aux financement polonais, il envoie en Géorgie plusieurs missions
clandestines de renseignement et d'activation de cellules de résistance :
pratique qu'il renouvellera après la IIème Guerre mondiale.
Durant une trentaine d'années, les critiques exercées contre son action
par l'opposition politique en exil ne manquent pas, insuffisante
anticipation de l'attaque de l'Armée rouge en 1921, insuffisante
préparation à l'insurrection nationale géorgienne de 1924, main mise sur
le Comité national géorgien en exil, positions partiales au sein du
Mouvement Prométhée, etc ...
Il essaie avec obstination d'intéresser les grandes puissances et la
Société des Nations au sort de la population géorgienne, par ses
déclarations et par ses lettres, par l'action diplomatique de ses deux
anciens ministres des Affaires étrangères -Akaki Tchenkéli notamment-,
mais aussi par l'intermédiaire de la représentation géorgienne à la IIe
Internationale socialiste oû la Géorgie compte des amis (10).
L'homme
Homme de grande probité intellectuelle, reconnue par toutes les tendances
politiques géorgiennes, Noé Jordania a d'abord été un journaliste et un
écrivain, puis un théoricien du marxisme. L'exercice du pouvoir et l'exil
l'ont confronté à des réalités géopolitiques géorgiennes difficiles :
elles resurgiront en 1991 et en 2008.
Il a avec sa femme Ina (1875-1967) plusieurs enfants, Asmath (1905-1984),
Nathéla (née en 1918) et Rejeb (né en 1920).
Il meurt à Vanves le 11 janvier 1953 et est inhumé dans le "carré
géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.
Notes
(1) Selon les uns le "Troisième Groupe" de réflexion, "Messame
Dassi",
se serait réuni à Tchiatoura, selon les autres à Zestaponi, selon les
derniers dans la vallée de la rivière Kvirila, proche.
(2) Les "Premier Groupe" et "Deuxième Groupe" de réflexion, inspirés par
Ilia Tchavtchavadzé et Niko Nikoladzé dans les années 1860 et 1880, ont
contribué à éveiller le mouvement national géorgien et le libéralisme
économique.
(3) Les conflits ethniques se réveillent en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
La Garde nationale, qui dépend directement du Parlement (et non du
gouvernement), peu préparée à ces missions, est envoyée. Des exactions se
produisent de part et d'autre.
(4) La Géorgie a ainsi été amenée à suivre trois lignes politiques
différentes en trois années, "russophile, germanophile, anglophile
ou francophile selon",
illustrant que l'indépendance de ce pays de 1,7 million d'habitants ne
pouvait être assurée sans la garantie d'un puissant pays protecteur.
(5) La Grande- Bretagne aurait souhaité que la Géorgie devienne un
sanctuaire pour les armées "blanches" : l'armée de Denikine est présente
un temps à Batoumi, tout comme un détachement britannique. Leur évacuation
en juillet 1920 déclenche la liesse populaire.
(6) Les relations des dirigeants de la Russie bolchévique avec le
gouvernement Jordania sont ambiguës. Les uns, comme les Géorgiens Joseph
Djougachvili (dit Staline) et Sergueï Ordjonikidzé, souhaitent étendre au
plus vite l'emprise bolchevique au Caucase du Sud. Les autres, dont
Lénine, par souci de concentrer les efforts sur la guerre civile russe et
par souci d'éviter la vindicte internationale, sont prêts à composer (au
moins pour un temps) avec la jeune république géorgienne.
(7) Le général en chef de l'armée géorgienne, Guiorgui Kvinitadzé,
reprochera plus tard au gouvernement son manque de préparation. Certains
observateurs de l'époque ont attribué à Noé Jordania une réserve vis-à-vis
des membres de l'État-Major militaire géorgien, formés aux côtés du futur
encadrement des armées blanches dans les écoles militaires du tsar.
(8)
[URL : 1756]
(9)
[URL : 3217]
(10) Selon Malkhaz Matsabéridzé, professeur à l'Université d'Etat Ivané
Djavakhishvili de Tbilissi et constitutionnaliste : "l'institution
du président de la République était considérée comme inappropriée pour le
développement de la démocratie. Afin de prévenir des crises parlementaires
et de garantir une gestion stable de l'Etat entre les sessions
parlementaires, il était convenu d'élire le chef de gouvernement pour un
délai d'un an et de le doter de certains pouvoirs de chef d'Etat.
L'élection du chef de gouvernement se limitait à deux mandats successifs".
De facto, trois hommes politiques ont exercé certains pouvoirs de chef
d'Etat durant la Ière République de Géorgie (mai 1918 - mars 1921), Noé
Ramichvili (président du Ier gouvernement), Nicolas Cheidzé (président du
Conseil national, de l'Assemblée provisoire, de l'Assemblée constituante
et du Parlement) à la Conférence de la Paix de Paris en 1919 et Noé
Jordania (président des 2ème et 3ème gouvernements). De jure, aucun des
trois ne fut ni président de la République, ni chef d'Etat.
*
Sources multiples :
- Archives familiales,
-
[URL : 2468]
- Sites Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists,
Wikipedia .
Voir aussi :
- [URL : 2502]
- [URL : 2495]
- [URL : 1720]
- photographie de Noé Jordania aux obsèques de Nicolas Cheidzé, en 1926 à
Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]
-
[URL : 1646]
- [URL : 877]
- [URL : breve729]
Constantiné Kandélaki (1883-1958)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3121
Géorgie et France : Constantiné Kandélaki (1883-1958), révolutionnaire et
ministre
2013-02-18
Constantiné Kandélaki, dit Kotsia (1), est né en Géorgie en 1883.
Jeune ouvrier, il adhère au mouvement social démocrate, qui réunit encore
un temps la tendance menchévique prônant la voie parlementaire avec Martov
(majoritaire dans le Caucase) et la tendance bolchevique prônant la
dictature du prolétariat avec Lénine.
Révolutionnaire
En novembre 1901, il accueille à Batoumi Joseph Djougachvili, dit Sosso,
et participe avec lui à des réunions politiques clandestines (2).
Le 4 janvier 1902, il est le témoin de l'incendie des installations
Rotschild dont il attribue la responsabilité à Joseph Djougachvili dans
ses Mémoires, bien que ce dernier soit en contact secret avec la direction
de ces établissements.
En janvier et février 1902, il participe à l'installation d'une presse
d'imprimerie clandestine - et itinérante afin d'échapper à la police
secrète du tsar Nicolas II, l'Okhrana- et distribue des tracts appelant à
la grève les ouvriers de chez Rotschild.
Le 7 mars 1902, toujours à Batoumi, sous l'impulsion de Joseph
Djougachvili, il conduit une garde de partisans -essentiellement des
Gouriens, ouvriers d'origine paysanne- et attaque la prison de la ville
afin de libérer les grévistes arrêtés. Les Cosaques chargent :
"...
Des rafales de balles retentirent. Tout le monde courait et hurlait. Des
gens tombaient sur le sol. C'était la panique, l'enfer absolu. La place
bientôt désertée était jonchée de morts et de mourants qui gémissaient
sous les yeux des soldats. Les mourants criaient de l'eau ou à l'aide ..."
30 morts et 54 blessés sont dénombrés.
Il est arrêté et emprisonné en avril. Il obtient du médecin de la prison
d'être interné à l'infirmerie en compagnie de Joseph Djougachvili. Le 17
avril, il participe à une violente manifestation contre la visite aux
prisonniers de l'Exarque de l'Eglise orthodoxe géorgienne.
Nicolas Cheïdzé, directeur de l'hôpital de Batoumi, l'un des fondateurs du
Parti ouvrier social démocrate géorgien, condamne ces actions estimant
qu'elles font le jeu des autorités tsaristes.
Ministre
La République Démocratique Géorgienne est proclamée le 26 mai 1918.
En février 1919, il est appelé au poste de ministre des Finances, du
commerce et de l'industrie dans le second gouvernement du second président
du Conseil des ministres, Noé Jordania, gouvernement homogène social
démocrate après que les ministres sociaux fédéralistes et nationaux
démocrates se soient retirés.
En violation avec le traité de non-agression du 7 mai 1920, les armées de
la Russie soviétique envahissent la Géorgie en février 1921.
L'exil
Le 17 mars, Contantiné Kandélaki prend le chemin de l'exil avec le
gouvernement : il rejoint bientôt la France.
Après 1933, il devient trésorier de l'Office des réfugiés géorgiens en
France, et -un temps- gérant de la Société civile immobilière du Château
de Leuville, résidence d'exil de la classe dirigeante géorgienne.
Il publie articles et documents, ainsi que ses mémoires, dont
"The
Georgian question before the free world",
Paris, 1953.
Il meurt en 1958, et repose dans le "carré géorgien" du cimetière communal
de Leuville-sur-Orge.
Notes
:
(1) Constantiné Kandélaki ne doit pas être confondu avec David Kandélaki,
émissaire secret envoyé par Staline à Hitler en 1936 afin de préparer un
accord entre l'URSS et l'Allemagne nazie, démarche qui aboutira au pacte
Molotov-Ribbentrop de 1939.
(2) La ville de Batoumi compte 16 000 ouvriers géorgiens, arméniens,
grecs, perses, russes et turcs oeuvrant dans l'industrie pétrolière
(oléoduc reliant Bakou, raffineries, port) et dans l'exportation du
manganèse, du réglisse et du thé. Les Nobel et les Rotschild -branche
française- contrôlent ces activités.
(3) D'après un témoignage cité par Simon Sebag Montefiore, "Le Jeune
Staline", Edition Calmann-Levy, 2008.
*
Sources multiples :
- Archives familiales
- Archives de l'Office des réfugiés géorgiens en France
- [URL : 2468]
- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxistes, Wikipedia.
Voir aussi
:
- [URL : 2502]
- [URL : 2495]
- [URL : 1720]
- photographie de Constantiné Kandélaki aux obsèques de Nicolas Cheidzé,
en 1926, à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]
- [URL : 1646]
Michel Kédia (1902-1952)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2922
Géorgie, Allemagne, France et Suisse : Michel Kédia
(1902-1952), homme politique
2013-02-13
Mikheil Kedia, dit Micha Kedia
Michel Kédia est né en 1902 à Zougdidi (Mingrélie).
Exilé en Allemagne
Après l'invasion de la Géorgie par l'armée de la Russie soviétique en
1921, il s'exile en Allemagne et poursuit des études de droit à
l'Université d'Heidelberg : il acquiert la connaissance de la langue et la
culture allemande. Il participe à la fondation du mouvement nationaliste
géorgien "Tetri
Guiorgui"
(1) en 1925.
Exilé en France
Au début des années 1930, il rejoint la France et adhère au mouvement des
jeunes nationaux-démocrates créé par Spiridon Kédia.
Un second exil en Allemagne
Il voit dans l'offensive allemande contre l'U.R.S.S., une opportunité qui
pourrait faciliter la restauration de l'indépendance de la Géorgie. Il
retourne en Allemagne et se tient dans la mouvance du Comité national
géorgien (2). Il se constitue un puissant réseau de relations, le met à la
fois à disposition de la "Légion
géorgienne"
(3) de l'armée allemande afin de recruter des soldats, et à la fois à
disposition de certains de ses compatriotes juifs afin qu'ils ne se
fassent pas arrêter (4).
En 1943, il fait partie de l'etat-major de liaison géorgien à Berlin. On
lui a prêté postérieurement des sympathies pour un cercle d'opposants à
Hitler, qui tenta un complot le 20 juillet 1944 et qui échoua.
Un dernier exil en Suisse
En avril 1944, il quitte l'Allemagne pour la Suisse, afin d'éviter un
procès pour collaboration : les autorités soviétiques exigent un
internement et il est assigné à résidence ä Genève. Il s'y serait suicidé,
dans des conditions mal élucidées, en 1952.
Il repose dans le "carré géorgien" du cimetière communal de
Leuville-sur-Orge.
Notes
:
(1) [URL : 2502]
(2) Le Comité national géorgien constitue l'une des parties du Comité
caucasien créé par les autorités allemandes afin de préparer la situation
après la chute de l'U.R.S.S.
(3) La "Légion
géorgienne"
de l'armée allemande, forte de 30 000 soldats, est composée
essentiellement de prisonniers géorgiens faits à l'Armée rouge et de
quelques centaines d'hommes issus de l'émigration géorgienne en Europe
antérieure à la IIème guerre mondiale (dont une centaine en provenance de
France).
(4) Alertés par Adrien Marquet (ministre de l'Intérieur du gouvernement de
Vichy, mais ancien membre de la SFIO et ancien membre de la délégation
socialiste en Géorgie en 1919), le gouvernement géorgien en exil fait
appel à Michel Kédia pour qu'il intervienne auprès des autorités
allemandes. Les juifs géorgiens résidant en France voient leurs papiers
officiels français dispensés de la mention "JUIF". Un comité délivrant des
"certificats
d'authenticité de nationalité géorgienne"
est créé à Paris, en liaison avec la section géorgienne de l'Office des
émigrés caucasiens (dirigée par Sacha Korkia et sous autorité allemande)
et avec la section géorgienne du Bureau des apatrides (conseillée par
Sossipatré Assathiany et sous l'autorité de Vichy) : il sauve deux cent
cinquante familles juives, dont bon nombre sont originaires d'Asie
centrale, des Balkans, d'Espagne et dont les noms sont "géorgianisés".
*
Sources :
- archives familiales,
- "Les combats indépendantistes des Caucasiens entre U.R.S.S. et
puissances occidentales. Le cas de la Géorgie (1921-1945)" de Georges
Mamoulia, Editions L'Harmattan, Paris, juillet 2009,
- "Des Géorgiens pour la France" de Françoise et Révaz Nicoladzé, Editions
L'Harmattan, Paris, juin 2007,
- Websites.
*
Spiridon Kédia (1884-1948)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2921
Géorgie et France : Spiridon Kédia (1884-1948), homme
politique
2011-12-06
A vingt-ans, Spiridon Kédia participe en Géorgie aux mouvements
révolutionnaires qui secouent l'Empire russe, en restant proche de la
sensibilité sociale fédéraliste.
Un premier exil
Après la Révolution de 1905, il doit s'exiler et gagne Paris où il
séjourne jusqu'en 1914 : il y poursuit ses études supérieures à la Faculté
des sciences.
Le retour provisoire
Emprisonné par la police politique tsariste
Il regagne ensuite l'Empire russe et est arrêté par la police tsariste :
il reste emprisonné trois mois à Petrograd.
Le retour au pays
Il rejoint ensuite Tiflis et tente de convaincre ses contacts
sociaux-fédéralistes d'infléchir leurs préconisations dans le sens d'une
plus grande aspiration nationale.
Des groupes d'intellectuels et de représentants de la noblesse, opposés
aux théories sociales démocrates, se constituent progressivement sur
l'idée de la nécessité de l'indépendance du pays : Spiridon Kédia les
rassemble et fonde (1) en 1917 le Parti national démocrate, dont il est
élu président.
Après la proclamation de l'indépendance de la Géorgie, et l'élection d'une
Assemblée constituante, il est élu député (1919 - 1921).
Emprisonné par la police politique soviétique
Après l'invasion de la Géorgie par l'armée de la Russie soviétique, il est
arrêté une nouvelle fois par la police politique et séjourne en prison en
1922 - 1923.
L'exil définitif
En 1923, il s'installe en France.
En novembre 1924, il fonde avec Noé Ramichvili et Akaki Tchenkéli pour la
Géorgie, ainsi qu'avec des représentants azerbaïdjananis et Nord
caucasiens en exil, le comité parisien du Mouvement Prométhée (2), soutenu
par la Pologne. L'objectif en est une Confédération d'Etats indépendants
(Azerbaïdjan, Géorgie, Nord Caucase) au détriment de l'URSS.
Très rapidement, les relations se détériorent avec le gouvernement social
démocrate géorgien en exil, et il animera jusqu'en 1939 la tendance du
Parti national démocrate qui s'oppose à ce dernier.
En 1925, il propose, par l'intermédiaire de Charles Karoumidzé (un
officier géorgien qui avait collaboré avec les services secrets allemands
durant la Ière Guerre mondiale) de relancer une coopération
germano-géorgienne. Des contacts sont pris avec le général Hoffmann, ainsi
qu'avec Alfred Nobel et Henri Deterding de la Royal Dutch (qui ont perdu
leurs gisements pétroliers du Caucase) : l'idée d'une libération de cette
région est étudiée. Godfrey Locker Lampson (Sous-secrétaire au Foreign
Office britannique) est associé à la réflexion. En 1927, des plans
militaires allemands et britanniques sont élaborés. En 1928, Henri
Deterding renonce au projet qui dépasse ses capacités financières.
En 1934, il participe à la fondation du groupe "Caucase" (3) soutenu par
le Japon et l'Allemagne, dont l'objectif est la restauration de
l'indépendance des pays du Caucase et la formation d'une Confédération du
Caucase.
Durant cette période, il assure l'édition de plusieurs journaux, "Samchoblosatvis"
(Pour la Patrie, "Sakartvelos
gouchagui"
(La Sentinelle de la Géorgie).
En 1943, il voit dans l'offensive allemande contre l'URSS une opportunité
qui pourrait faciliter la restauration de l'indépendance de la Géorgie et
se joint au Comité national géorgien (4) à Berlin présidé par Mikheïl
Tséréthéli.
Spiridon Kédia meurt en 1948, il repose dans le "carré géorgien" du
cimetière communal de Leuville-sur-Orge.
*
Sources multiples dont
-
[URL : 2468]
"Les combats indépendantistes des Caucasiens entre URSS et puissances
occidentales. Le cas de la Géorgie" de Georges Mamoulia, L'Hamattan,
Paris, 2009
Notes
:
(1) Participent à la fondation du Parti national démocrate Koté Abkhazi,
Ioseb Dadiani, Jason Djavakhichvili, Parten Gogoua, Guiorgui Gvazava, Niko
Nikoladzé, Ekvtimé Takhaïchvili, Vasil Tsérétéli.
(2)
[URL : 3217]
(3)
[URL : 3218]
(4) En 1943, le Comité national géorgien de Berlin constitue l'une des
parties du Comité caucasien créé par les autorités allemandes afin de
préparer la situation après la chute de l'URSS. Il sera à l'origine d'une
"Légion
géorgienne"
dans l'armée allemande, forte de 30 000 hommes (essentiellement des
prisonniers géorgiens faits à l'Armée rouge, une centaine d'hommes issus
de l'émigration), dissoute en 1945.
Voir aussi :
- [URL : 2495]
- [URL : 1720]
Grigol Ouratadzé (1880-1959)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2501
Géorgie et France : Grigol Ouratadzé (1880-1959),
secrétaire d'Etat
2011-12-06
Gregory ou Gregorii Uratadze
Grigol Ouratadzé, appelé familièrement Gricha, est né en 1880 en Géorgie.
Il s'engage très jeune dans le mouvement social démocrate et milite dans
la clandestinité pour les thèses menchéviques (assemblée constituante et
régime parlementaire) en opposition aux thèses bolchéviques (dictature du
prolétariat par l'intermédiaire du Parti communiste).
En avril 1903, il est arrêté par la police tsariste et enfermé à la prison
impériale de Koutaïssi pour activité subversive.
A partir du 10 avril 1906, il participe au IVe Congrès socialiste de
Stockholm avec 105 autres délégués, menchéviques, bolchéviques,
socialistes polonais et bundistes juifs : l'une des résolutions est le
renoncement officiel au terrorisme.
A partir du 9 septembre 1906, il participe à la conférence sociale
démocrate du Caucase qui se déroule pour partie à Tiflis et pour partie à
Bakou, avec 41 autres délégués dont 6 bolchéviques.
A l'issue du vol à main armé du 13 juin 1907, à Tiflis, et qui conduit à
une cinquantaine de morts, il fait état de l'exclusion du Parti social
démocrate de Joseph Djougachvili, dit Sosso, dit Koba et enfin Staline, -à
qui est imputé la responsabilité des évènements dramatiques- , par les
commissions d'enquête dirigées par Noé Jordania à Tiflis, Silibistro
Djibladzé à Bakou et Georgui Tchitchérine à l'étranger.
En 1911, en France, lors d'un entretien avec Vladimir Oulianov, dit
Lénine, il rappelle au leader bolchévique les résolutions du Congrès de
Stockholm et l'exclusion de Koba du Parti social démocrate. Lénine lui
répond : "C'est
exactement le genre d'homme dont j'ai besoin",
couvrant les actions terroristes de Joseph Djougachvili et signifiant que
les mencheviks (minoritaires dans la partie russe du mouvement social
démocrate, mais majoritaire dans la partie caucasienne) n'avaient pas le
pouvoir d'exclure un bolchevik : les bolcheviks s'étaient exclus
d'eux-mêmes.
L'accord du 7 mai 1920 entre la Russie soviétique et la
Géorgie
Début 1920, la situation est difficile pour la Ière République de Géorgie.
Si elle a été reconnue de fait à
la Conférence de la Paix de Paris et si son territoire est théoriquement
garanti, "les Jeunes Turcs" de l'Empire ottoman ne l'entendent pas ainsi.
De l'autre côté, un conflit l'oppose à l'Arménie sur la question des
frontières. Sur le plan intérieur, les minorités abkhazes et ossètes
manifestent. Restent les relations avec la Russie soviétique.
Noé Jordania, Président du Conseil des ministres, décide d'y envoyer en
avril un émissaire, ce sera Grigol Ouratadzé (1), l'un de ses proches. Il
est arrêté à Rostov-sur-le-Don par le Conseil militaire révolutionnaire
pour le Caucase : le bolchévique Sergo Ordjonikidzé en informe Lénine et
reçoit le 14 avril la réponse suivante :
... Vous pouvez dire à M. Ouratadzé en votre nom que le gouvernement ne
voit aucune objection à sa venue à Moscou mais je suis pleinement d'accord
avec vous qu'il n'y a aucune urgence à son départ de Rostov-sur-le-Don
pour Moscou, en conséquence de quoi je compte sur vous pour fixer la date
de son départ dans la plus grande discrétion ....
Arrivé à Moscou, Lénine demande à Grigol Ouratadze de négocier avec Lev
Karakhan. La Russie soviétique est prête à reconnaître la République
Démocratique Géorgienne à
la condition que la Géorgie s'interdise le stationnement de toute armée
étrangère sur son territoire.
Le gouvernement géorgien se divise sur la clause, le ministre des Affaires
étrangères, Evguéni Guéguétchkori, y est est opposé.
En pleine négociation, le 3 mai 1920, les bolchéviques géorgiens tentent
un coup de main sur l'Ecole militaire de Tbilissi : son directeur, le
général Guiorgui Kvinitadzé, et les élèves officiers repoussent les
assaillants qui sont arrêtés et emprisonnés.
Moscou affirme qu'ils ont agit sans son accord et ajoute une deuxième
clause à l'accord, la légalisation d'un Parti communistre géorgien.
En définitive, le gouvernement géorgien accepte : Grigol Ouratadzé et Lev
Karakhan signe l'accord à Moscou le 7 mai 1920.
L'exil
En violation avec le traité de non-agression, les armées de la Russie
soviétique envahissent la Géorgie en février 1921.
Grigol Ouratadzé prend le chemin de l'exil le 17 mars avec le
gouvernement.
Il rejoint bientôt la France (2).
Il meurt à Leuville-sur-Orge en 1959 et est inhumé au"carré géorgien" du
cimetière communal, auprès de son épouse Ariane (1895-1955), née
Tsouloukidzé, avec qui il a eu une fille, Médéa (3).
*
Il a écrit, en langue russe, un certain nombre d'articles et de livres sur
le mouvement révolutionnaire en Géorgie et sur la politique soviétique des
nationalités, dont
- La
République Démocratique Géorgienne,
publié à Munich, en 1956,
- Réminiscences
de la sociale démocratie géorgienne,
publié à titre posthume par l'Université de Standford, aux Etats-Unis, en
1968 (4).
Différents historiens se sont intéressés à ses ouvrages
- A.O. Sarkissian "The American Historical Review" (The Founding and
Consolidation of Georgian Democratic Republic), 1958,
- Alice Pate, Associate Professor of History, Colombus State University, (Grigorii
Uratadze and Georgian Mensheviks), 2006.
Notes
:
(1) La photographie de Grigol Ouratadzé figure au Salon du château
géorgien de Leuville-sur-Orge, comme celles des ministres et secrétaires
d'Etat de la Ière République de Géorgie.
(2) Souvenir : "La
vie des exilés géorgiens était encore difficile à la fin des années
quarante et au début des années cinquante, dans la région de
Leuville-sur-Orge, en Seine-et-Oise. Gricha Ouratadzé était employé par un
"commissionnaire". Flanqué d'un chauffeur de camion, Monsieur Georges,
communiste français (premier clin d'oeil de l'histoire), il ramassait
plusieurs fois par semaine les récoltes de cornichons cultivés par ses
compatriotes et destinés à une conserverie d'Alfortville qui fabriquait
des malossols russes (deuxième clin d'oeil de l'histoire). Respecté pour
son passé, respecté pour son présent, secouant son opulente chevelure
blanche, il coupait court aux éventuels litiges sur les poids emportés et
sur les prix accordés".
(3) Médéa Ouratadzé devient, un temps, journaliste à Radio Free Europe, à
Munich, en charge d'émissions culturelles en langue géorgienne.
(4) Dans ses propos et ses écrits, Grigol Ouratadzé était convaincu que
Joseph Djougachvili - qu'il avait croisé au début du XXe siècle dans
l'action clandestine et dans les prisons impériales- avait travaillé avec
la police secrète du tsar Nicolas II, l'Okhrana. Il rapporte plusieurs
témoignages en ce sens, parfois pour dénoncer des personnes qui "gênaient"
le futur Staline, dont le bolchevik Stepane Chaoumian -rival potentiel-
arrêté à Bakou alors que seul Joseph Djougachvili connaissait sa cachette.
*
Sources multiples :
- [URL : 2468]
- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia.
Voir aussi
:
- [URL : 2502]
- [URL : 2495]
- [URL : 1720]
- photographie de Grigol Ouratadzé aux obsèques de Nicolas Cheïdzé, en
1926, à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]
- [URL : 1646]
Samson Pirtskhalava (1872 - 1952)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2851
Géorgie, France et URSS : Samson Pirtskhalava (1872 -
1952), vice-président de l'Assemblée constituante
2013-04-04
Par Thamaz Naskidachvili
"Bidzia Samson" (oncle
Samson), c'est ainsi qu'au château de Leuville-sur-Orge, enfants, nous
appelions un Monsieur toujours correctement vêtu, la barbe soigneusement
taillée, la voix douce, le regard bienveillant. Il occupait une pièce
(impeccablement tenue) qui donnait directement sur le grand salon du
château.
C'est chez lui que, comme beaucoup d'autres, j'ai appris à lire et à
écrire en géorgien (jusqu'en 1947, pendant plus de 20 ans, presque tous
les enfants -petits et grands- ont appris la langue et l'histoire de la
Géorgie avec Samson Pirtskhalava). En douceur, sans jamais élever la voix
il enseignait et nous faisait aimer le pays de nos parents.
Qui était réellement cet homme paisible ?
Déjà une piste : dans le grand salon du château où donnait sa chambre, il
y avait au mur (il y a toujours) l'Acte d'indépendance de la République de
Géorgie signé le 26 mai 1918 par les membres de l'Assemblée constituante.
Parmi les signataires, celle de Samson Pirtskhalava ! Renseignements pris,
on apprend qu'en fait il avait, au nom du Parti Social-Fédéraliste, été le
vice-président de cette Assemblée constituante aux côtés de Carlo Cheïdzé. "Bidzia
Samson",
le pédagogue tranquille avait donc un passé historique.
C'est dans un village sur la rive gauche du Tskhenis-Tskhali qu'il est né
en 1872 dans une famille de paysans pauvres, très pauvres. La famille
était originaire de l'autre rive du fleuve, de Mingrélie. Ces gens simples
vont réussir à le scolariser, d'abord à Khoni puis, avec l'aide d'un oncle
au "guimnaz" de Koutaïssi où, déjà, il se fera remarquer par ses maîtres.
Ses parents souhaitaient que Samson devienne médecin mais, rebuté par le
sang et les dissections, il choisit d'aller étudier le Droit à Saint
Pétersbourg où débutent, avec d'autres étudiants de l''Empire, ses
activités politiques en 1893.
Il écrit dans la presse et, sous différents pseudonymes, se fait remarquer
pour la pertinence de ses commentaires et analyses tant littéraires que
politiques et historiques. Il participe aux grandes manifestations de
1905.
Auparavant, en Géorgie, il avait adhéré à la Société pour la propagation
de la langue géorgienne (à une époque où les autorités tsaristes
combattaient l'utilisation du géorgien), association patriotique dont il
sera le secrétaire général de 1902 à 1910 et où il cotoiera les plus
grands intellectuels géorgiens du moment (poètes, romanciers, historiens,
géographes, archéologues, linguistes ...) parmi lesquels Ilia
Tchavtchavadzé et Akaki Tsérétéli. Il est l'un des créateurs de la célèbre
"Feuille d'avis" ("Tsnobis
Pourtskheli"),
revue patriotique qu'il fait vivre en menant de front ses activités
littéraires et politiques.
C'est lui qui, avec l'aide de G. Salaridzé, écrira après l'assassinat en
1907 d'Ilia Tchavtchavadzé, un texte fameux : "La
Mort et l'Enterrement d'Ilia Tchavtchavadzé"
qui eut un énorme retentissement dans toute la Géorgie.
Bien sûr, en 1909, c'était inévitable, il sera condamné à la déportation.
Ce qui ne l'empêche pas de produire des textes qui le rendent de plus en
plus populaire et le font remarquer des leaders politiques du moment.
De retour au pays, en 1913, il se lance dans la rédaction d'ouvrages
historiques et d'articles et, en 1914, il publie une anthologie de la
Poésie géorgienne. Il devait participer à la création d'une presse de
qualité, d'une presse indépendante géorgienne. Et c'est surtout à lui que
le Parti Social-Fédéraliste de Géorgie doit la mise en forme de son
programme et de ses statuts. Cet homme tranquille a été de tous les
combats patriotiques. Il a cotoyé les plus grands écrivains et publicistes
géorgiens, les plus éminents savants ; il a travaillé avec eux (1).
En 1948, Samson Pirtskhalava choisit de rentrer en Géorgie où un emploi de
bibliothécaire lui est donné au Musée national. Il laisse, rédigé avant
son départ, un merveilleux message de quatre pages à ses élèves de France
qu'il énumère tous; après de sages recommandations, il écrit qu'il ne nous
oubliera jamais (2).
Et nous, nous n'oublierons jamais le grand patriote, l'homme bon que fut
Samson Pirtskhalava.
En 1951, le pouvoir stalinien condamne ce pédagogue honnête à l'exil en
Asie centrale. Il mourra en route ! (3)
Thamaz Naskidachvili (4)
Notes
(1) Ce devait être émouvant pour lui de nous enseigner le géorgien sur le "Deda
Ena" de
Iakob Goguébachvili qui fut son ami ( "Deda
Ena" est
un manuel d'apprentissage du géorgien toujours en usage dans les écoles).
(2) Je peux en témoigner : j'ai une carte postale envoyée de Géorgie où il
nous écrit être allé prendre le thé chez ma grand'mère maternelle pour
fêter l'anniversaire de Ramine, mon frère aîné. Même au loin, fidèle en
amitié, ce grand homme continuait de penser à ses petits élèves.
(3) Samson Pirtskhalava était né le 26 mai 1872, à Koutaïssi (Géorgie
occidentale).
(4) [URL : 2918]
Voir aussi
- [URL : 2502]
- [URL : 2495]
- [URL : 1720]
- [URL : 1756]
- photographie des leaders politiques géorgiens aux obsèques de Nicolas
Cheïdzé en 1926 [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]
Noé Ramichvili (1881-1930)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2494
Géorgie et France : Noé Ramichvili (1881-1930), président
du 1er gouvernement de la Ière République
2013-04-02
Ramishvili Noe
Premier Président du Conseil des ministres de la Ière
République de Géorgie (République Démocratique Géorgienne), Noé Ramichvili
laisse dans l'histoire de ce pays l'image d'un homme d'action, en charge
de la Défense nationale : la jeune armée géorgienne ne pouvait rien contre
les forces conjuguées des armées bolcheviques russes (Armée rouge) et des
armées ottomanes (déjà sous le contrôle d'Ataturk), sans oublier celles
des armées blanches qui voyaient dans le Caucase un sanctuaire pour
reconquérir la Russie.
Noé Ramichvili est né en 1881 en Géorgie.
Ministre de la Transcaucasie
En 1902, il rejoint le Parti social démocrate. En mars 1905, à Batoumi, il
défend les thèses mencheviques au sein du Comité Central de Transcaucasie
et met en minorité Joseph Djougachvili (Staline), partisan des thèses
bolcheviques.
Le 22 avril 1918, il est nommé ministre de l'Intérieur dans l'Exécutif de
la Fédération de Transcaucasie regroupant les territoires de l'Arménie,
l'Azerbaïdjan, la Géorgie et des territoires annexés plus tard par
l'Empire ottoman.
Président du 1er gouvernement, puis ministre de la Géorgie
Le 26 mai 1918, la Géorgie proclame son retour à l'indépendance. Noé
Ramichvili est élu président du gouvernement par l'Assemblée parlementaire
provisoire géorgienne. Selon la terminologie en vigueur en France à
l'époque, la dénomination de "président du Conseil des ministres" pourrait
également convenir. Il constitue un gouvernement d'union nationale, avec
des représentants des Partis social démocrate, social fédéraliste et
national démocrate géorgiens (1).
Le 24 juillet 1918, il est remplacé par Noé Jordania et devient ministre
de l'Intérieur.
A partir de mars 1919, il cumule les responsabilités de ministre de
l'Intérieur, de ministre de la Défense et de ministre de l'Education
nationale dans un gouvernement social-démocrate homogène.
L'armée géorgienne (dont le pouvoir social démocrate se méfie un peu) et
la Garde nationale (sous contrôle de l'Assemblée constituante) se battent
au Sud contre les armées ottomanes (Akhalkalaki, Akhaltsikhé, Borjomi,
Bortchalo) et au Nord contre les armées bolchéviques russes (col du Darial).
Les armées blanches du russe Dénékine ne sont pas bientôt en reste, à
l'Ouest.
Des troubles sécessionnistes, attribués aux bolcheviques russes, éclatent
en Ossétie du Sud : Noé Ramichvili fait donner l'armée géorgienne,
l'Assemblée Constituante fait donner la Garde nationale, peu préparée à
ces missions. Des exactions sont commises de part et d'autre.
En juin 1919, Noé Ramichvili participe aux négociations avec l'Azerbaïdjan
et co-signe avec Evguéni Guéguétchkori, ministre des Affaires étrangères,
un traité de défense mutuelle.
En octobre 1919, des troubles, également attribués aux bolcheviques
russes, éclatent à Batoumi : Noé Ramichvili fait à nouveau donner l'armée
géorgienne. La Garde Nationale intervient.
Après la signature du traité de paix entre la Russie bolchévique et la
Ière République de Géorgie, le 7 mai 1920 à Moscou, les bolcheviques
géorgiens emprisonnés à Tiflis pour tentative de coup d'Etat sont libérés.
Ils se restructurent en Parti communiste géorgien et avec l'appui de
l'ambassade russe (forte de 700 hommes), ils entreprennent à nouveau des
actions contre le gouvernement social démocrate : Noé Ramichvili n'hésite
pas à les faire arrêter.
En mars 1921, l'Armée rouge envahit la Géorgie : l'armée géorgienne, déjà
plus faible en effectif, ne bénéficie pas des renforts d'armement et de
munition promis par la Grande - Bretagne et par la France. Noé Ramichvili
émigre en France avec la classe politique géorgienne.
L'exil
Il participe, à distance, à la préparation de l'insurrection nationale
géorgienne d'août 1924.
En novembre 1924, Il fonde avec Akaki Tchenkéli et Spiridon Kédia pour la
Géorgie, ainsi qu'avec des représentants azerbaïdjanais et Nord caucasiens
en exil, le comité parisien du Mouvement Prométhée (2), soutenu par la
Pologne. L'objectif est la constitution d'une Confédération d'Etats
indépendants (Azerbaïdjan, Géorgie, Nord Caucase dans un 1er temps), dotée
d'une unité militaire et douanière, au détriment de l'URSS. Des militaires
géorgiens sont accueillis dans l'armée polonaise (3) ; un projet de
constitution pour la Confédération est élaboré ; des missions clandestines
de renseignement et d'activation de cellules de résistance sont envoyées
en territoire soviétique.
En 1927, Noé Ramichvili est l'un des sept membres initiaux de la Société
Civile Immobilière propriétaire de la résidence d'exil en France de la
Ière République de Géorgie, aux côtés de représentants sociaux démocrates,
nationaux démocrates, sociaux fédéralistes (4).
Le 7 décembre 1930, il est assassiné à Paris par un exilé social démocrate
géorgien, Parmen Tchanoukvadzé : la justice française verra en l'assassin
un déséquilibré et il sera libéré quelques mois après (5). La plupart des
témoins de l'époque estime que Parmen Tchanoukvadzé a été manipulé par la
police secrète soviétique, l'OGPU.
L'homme
Marié avec Maro Goguiachvili (1888-1972), il a eu plusieurs enfants, Béno
(1907-1989), Akaki (1916-1999) (6), Nina (1920-2011) et Thamar
(1926-1949).
Noé Ramichvili est souvent décrit par ses contemporains comme un homme
d'action, orateur tant en langue géorgienne qu'en langue russe, peu enclin
aux contacts et aux compromis avec les bolchéviks, et qui a présenté un
réel danger pour le pouvoir soviétique.
Il est inhumé dans le "carré géorgien" du cimetière communal de
Leuville-sur-Orge.
Mirian Méloua.
Notes
(1) De facto, trois hommes politiques ont exercé certains pouvoirs de chef
d'Etat durant la Ière République de Géorgie (mai 1918 - mars 1921), Noé
Ramichvili (président du Ier gouvernement), Nicolas Cheidzé (président du
Conseil national, de l'Assemblée provisoire, de l'Assemblée constituante
et du Parlement) à la Conférence de la Paix de Paris en 1919 et Noé
Jordania (porte parole du Conseil national, président des 2ème et 3ème
gouvernements). De jure, aucun des trois ne fut ni président de la
République, ni chef d'Etat.
(2)
[URL : 3217]
(3) En 1921, un millier de militaires géorgiens rejoint l'armée polonaise.
Après formation dans les académies, certains y deviendront officiers
supérieurs comme les généraux Alexander Chkheidzé, Ivané Kazbegui,
Alexander Koniachvili, Kirilé Koutéladzé, Alexander Zakariadzé : durant la
Seconde Guerre mondiale, ils combattront, et souvent périront, sur le
front allemand ou sur le front soviétique.
(4)
[URL : 1756]
(5) Selon le témoignage de Mme T.P. , une Géorgienne ayant vécu en exil en
Pologne, puis en France : "Parmen
Tchanoukvadzé a quitté la France peu après sa libération, a entrepris des
études de médecine et est devenu professeur à l'Université".
(6) Dans les années quatre-vingt, Akaki Ramichvili -après avoir mené une
carrière de médecin en Grande-Bretagne-, est président du Foyer géorgien
de Leuville-sur-Orge, association de gestion de la résidence d'exil de la
Ière République de Géorgie.
*
Sources multiples :
- Archives familiales
- Archives de l'Office des réfugiés géorgiens en france
-
[URL : 2468]
,
- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia .
Voir aussi:
- [URL : 2502]
- [URL : 2495]
- [URL : 1720]
- photographie de Noé Ramichvili aux obsèques de Nicolas Cheïdzé en 1926 à
Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]
-
[URL : 1646]
Ekvtimé Takhaïchvili (1863-1953)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2082
Géorgie, France et URSS : Ekvtimé Takhaïchvili (1863-1953),
savant et homme politique
2013-04-04
Ekvtime Takaishvili
Professeur à l'Université de Tiflis, député à l'Assemblée
Constituante géorgienne en 1919, vice-président de cette même assemblée,
convoyeur du trésor national géorgien vers la France en mars 1921, Ekvtimé
Takhaïchvili en assure le retour en 1945 après que les autorités
soviétiques aient pris l'engagement de le conserver en Géorgie auprès de
Charles De Gaulle.
Ekvtimé Takhaïchvili est né le 3 janvier 1863 dans un petit village de
Gourie, à Likhaouri, en Géorgie occidentale. En 1887, il sort diplômé de
l'Université de Saint-Pétersbourg et devient professeur d'histoire à
Tiflis jusqu'en 1904. Il est ensuite nommé directeur de lycée, tout en
continuant à enseigner l'histoire. Il contribue au renouveau de la Société
d'Histoire et d'Ethnographie de Géorgie, dont il prend rapidement la
direction.
En mai 1917, à la faveur de l'avancée des troupes russes sur le territoire
ottoman (Trébizonde, Erzéroum et Van), il conduit une expédition
archéologique, inventorie et étudie des monuments d'architecture
chrétienne géorgienne des IXème et Xème siècles, inaccessibles depuis des
décennies : cathédrale de Bana (Péniak), églises et monastère du défilé de
Kakhouli, église d'Ekek, cathédrale d'Ochki, église d'Ichkhan et basilique
de Parhal. Ses travaux restent un témoignage scientifique relatif à des
édifices aujourd'hui endommagés ou disparus.
Au retour de l'indépendance de la Géorgie, en mai 1918, il devient
professeur à l'Université de Tiflis. En février 1919, il est élu à
l'Assemblée Constituante au titre de l'opposition nationale-démocrate (1)
et en devient vice-président aux côtés de Nicolas Cheidzé.
Le 16 mars 1921, après l'entrée de l'Armée rouge en Géorgie, l'assemblée
vote l'expatriation du trésor national géorgien pour le mettre à l'abri et
en confie la garde à Ekvtimé Takhaïchvili, pourtant opposé à l'opération.
Le 17 mars, il convoie ces objets d'une valeur inestimable de Batoumi à
Constantinople, sur le bateau Ernest
Renan.
Il organise ensuite leur transfert à Marseille sur le bateau Bien
Hoa,
escorté par la marine nationale français à l'approche du port de
destination.
*
En 1927, Ekvtimé Takhaïchvili est l'un des sept membres initiaux de la
Société Civile Immobilière propriétaire de la résidence d'exil en France
de la Ière République de Géorgie, aux côtés de représentants
sociaux-démocrates et sociaux-fédéralistes (2).
Dans les années trente, les péripéties parisiennes sont multiples : la
représentation diplomatique de la Ière République de Géorgie disparaît,
les coûts de location de coffre-forts abritant le trésor national géorgien
peuvent difficilement être assumés.
Au début des années quarante, il soustrait dicrètement ce trésor de la vue
de l'occupant allemand.
Le 11 avril 1945, le professeur Ekvtimé Takhaïchvili atterrit à l'aéroport
de Tbilissi, de retour d'exil. Il convoie trente-neuf caisses et est
porteur d'une garantie écrite du général De Gaulle et du maréchal Staline.
Le vieil homme, âgé de 82 ans, veille au transfert du trésor national
géorgien au Musée des Arts de Géorgie (3). Il est nommé à l'Académie des
Sciences et retrouve sa chaire à l'Université de Tbilissi.
Il meurt le 21 février 1953, non sans avoir fait rapatrier auparavant la
sépulture de son épouse décédée en France et inhumée dans le "carré
géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.
Notes
(1) Aux élections de l'Assemblée Constituante géorgienne de février 1919
le parti national-démocrate recueille 5,9 % des voix et 8 sièges (sur
130). Il ne participe pas au 3éme gouvernement, homogène social-démocrate.
Son influence reste pourtant grande dans le pays tant par ses chefs de
file historiques que par certains de ses membres précédemment ministres
dans les gouvernement d'union nationale. Il convient de citer en
particulier Seït Devdariani, Iason Djavakhichvili, Révaz Gabachvili,
Guiorgui Gvazava, Guiorgui Jourouli (ministre des Finances, du Commerce et
de l'Industrie de mai à août 1918), Ivané Lordkipanidzé (ministre des
Transports de mai à août 1918), Niko Nikoladzé, Pétré Sourgouladzé, Vasil
Tsérétéli, David Vachnadzé, Ivané Zourabichvili.
(2) [URL : 1756]
(3) Le Musée des Beaux-Arts de Tbilissi dispose d'environ 60 000 pièces,
parmi lesquelles figurent en bonne place manuscrits anciens, pièces de
toreutique et d'orfèvrerie, émaux cloisonnés, icônes ciselés d'or et
d'argent, croix d'autel et de procession, coupes, ostensoirs provenant des
caisses d'Ekvtimé Takhaïchvili. Lors du retour du trésor national géorgien
à Tbilissi, les autorités géorgiennes en exil avaient affirmé qu'aucune
pièce ne manquait. Le pouvoir soviétique n'avait pas démenti. Certains
témoignages, difficiles à vérifier soixante années après, ont affirmé le
contraire.
*
Sources multiples :
- [URL : 2468]
- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia.
Voir aussi
:
- [URL : 2502]
- [URL : 2495]
- [URL : 1720]
- photographie d'Ekvtimé Takhaïchvili aux obsèques de Nicolas Cheidzé, en
1926 à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]
- [URL : 1646]
Nicolas Tchéidzé (1864-1926)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2084
Géorgie, Russie et France : Nicolas Chéidzé (1864-1926),
homme d'État russe et géorgien
2014-01-09
Chkheidze, Tcheidze, Tchkheidze Karlo ou Nikolay
Député et porte-parole du groupe social-démocrate aux 3ème
et 4ème Douma russes (1907 à 1916), président du Soviet de Pétrograd et du
Soviet central de Russie (février à octobre 1917), président de
l'Assemblée parlementaire provisoire de Transcaucasie (SEIM, février
1918), président de l'Assemblée parlementaire provisoire géorgienne (mai
1918), président de l'Assemblée constituante géorgienne (février 1919),
Nicolas Chéidzé conduit la délégation géorgienne à la Conférence de la
Paix de Paris en 1919. Il se suicide à leuville-sur-Orge en 1926.
Nicolas Chéidzé est né en 1864 à Poti, dans la région d'Imérétie en
Géorgie occidentale, dans une famille aristocratique. Après des études au
lycée de Koutaïssi, il entre à l'Université d'Odessa, puis à l'Institut
vétérinaire de Kharkov qu'il quitte lors de mouvements estudiantins en
1889.
Le militant géorgien
Avec son frère Kaléniké, il est sensibilisé très jeune aux idées
marxistes. En décembre 1892 en Imérétie (1), sous l'initiative d'Egnaté
Ninochvili, il prend part avec Silibistro Djibladzé et Noé Jordania à un
groupe de réflexion appelé plus tard "Troisième Groupe", "Messamé
Dassi"
(2).
En 1893 à Tiflis, il participe à la naissance du Parti ouvrier
social-démocrate de Géorgie : il y croise Pelipe Makharadzé, futur
dirigeant bolchévique géorgien.
Il devient directeur de l'hôpital de Batoumi et entreprend avec d'autres
sociaux-démocrates géorgiens (dont le professeur Isidore Ramichvili) des
cours d'alphabétisation et de formation politique pour les ouvriers (3).
Fin 1901, après l'arrivée clandestine à Batoumi de Joseph Djougachvili,
dit Sosso et futur Staline, il s'oppose à ses méthodes. Il le convoque
pour lui infliger un blâme, mais l'impétrant ne se présente pas.
Assassinats (comme l'agent de renseignement Karzhiya), incendies, grèves
violentes se succèdent jusqu'à l'attaque de la prison impériale le 7 mars
1902 : les Cosaques chargent, 30 morts et 54 blessés sont dénombrés.
Joseph Djougachvili est arrêté le 5 avril 1902. Nicolas Chéidzé estime que
ses activités ont fait le jeu des autorités tsaristes et s'interroge sur
l'hypothèse qu'il soit un agent provocateur.
Il participe aux réunions de la IIème Internationale socialiste, en
particulier à celles du B.S.I. (Bureau Socialiste International). A
Londres, les 13 et 14 décembre 1913, il représente, avec Litvinov et
Roubanovitch, le Parti ouvrier social-démocrate de Russie dans lequel le
Parti ouvrier social-démocrate de Géorgie s'est fondu. L'un des points à
l'ordre du jour concerne "l'unité
des sociaux-démocrates de Russie",
divisés par la scission en fraction bolchévique (préconisant la dictature
du prolétariat avec Lénine) et en fraction menchévique (préconisant le
pouvoir parlementaire avec Plékhanov), mais divisés également par
l'existence du Parti social révolutionnaire non-marxiste. Malgré la
résolution proposée par Karl Kautsky, leader de la sociale démocratie
allemande, l'accord ne sera pas réalisé : les germes des deux révolutions
successives de février et d'octobre 1917 sont ainsi semés.
Le parlementaire russe
De 1898 à 1902, il est porte-parole de l'assemblée locale de Batoumi. En
1907, il devient celui de Tiflis.
Il lance alors sa véritable carrière d'homme politique avec son élection,
au titre de la Géorgie, à la IIIéme Douma russe de Saint Pétersbourg
accordée par le tsar Nicolas II. Douze députés sociaux-démocrates sont
élus, six mencheviks et six bolcheviks : il prend la présidence du groupe,
avec le bolchevik Roman Malinovski comme adjoint (4).
Son mandat est renouvelé à la IVème Douma (5).
Brillant orateur en langue russe, émaillant ses propos d'anecdotes
humoristiques, il profite de son statut de président de l'opposition
sociale-démocrate parlementaire pour prononcer des discours réformistes à
la tribune. Les débats ne pouvant être atteints par la censure, leur
diffusion à des millions d'exemplaires par le canal de la presse
officielle donne un retentissement inespéré aux nouvelles idées.
En 1913, après une prise de position résolument républicaine, son
arrestaion et sa déportation sont décidées. La visite de Raymond Poincaré
en Russie empêche l'éxécution de ces mesures.
En juillet 1914, il refuse avec le groupe social- démocrate de la Douma de
voter les crédits pour la guerre.
Le président du Soviet central de Petrograd
Le 1er mars 1917, Nicolas Chéidzé est élu président du Comité exécutif du
Soviet d'ouvriers et de soldats de Pétrograd, composé de mencheviks, de
bolcheviks et de sociaux-révolutionnaires, organisme qui exerce un
"certain" pouvoir législatif sur le gouvernement provisoire du Prince Lvov
composé de conservateurs et de constitutionnels démocrates aux idées
libérales. Il refuse le poste de ministre du Travail.
Le 12 mars, au Palais des Taurides, il accueille Staline, de retour de
déportation et nouvellement élu représentant bolchévique au Comité
exécutif (6).
Le 3 avril, à la gare de "Finlande", il accueille Lénine au milieu
d'ouvriers, de soldats et de Gardes rouges (ouvriers bolcheviks armés),
après que ce dernier ait transité par l'Allemagne -en guerre avec la
Russie- de Zurich à Petrograd, dans un wagon plombé (7).
Le 5 juillet, il accepte la reddition des insurgés bolchéviques auteurs
d'une tentative de coup d'Etat afin d'éviter un bain de sang. Lénine prend
la fuite vers l'étranger (8).
Il préside le Soviet central de toutes les Russies, après une élection
avec plus d'un millier de voix contre une petite centaine au candidat
bolchévique.
Afin de contenir le désordre qui s'empare de l'ex-empire russe, il
maintient la position de soutien au nouveau gouvernement provisoire
d'Alexandre Kerenski et condamne une nouvelle fois les thèses bolchéviques,
en particulier la paix séparée avec l'Empire allemand.
En octobre, Trotski le renverse à la tête du Soviet central.
En janvier 1918, l'Assemblée constituante russe (élue en novembre 1917)
est réunie pour la première et la dernière fois : les bolchéviques la
dissolvent car elle leur est défavorable.
Le président de l'Assemblée parlementaire provisoire de Transcaucasie
De retour à Tiflis, Nicolas Chéïdzé est élu le 10 février 1918 président
de l'Assemblée parlementaire provisoire de Transcaucasie (la SEÏM),
constituée des représentants arméniens, azerbaïdjanais, géorgiens et
russes précédemment élus à l'Assemblée Constituante russe.
La SEÏM ne reconnaît pas l'autorité bolchévique de Pétrograd tout en
maintenant l'idée d'une Russie parlementaire dans laquelle les
nationalités s'exprimeraient et la justice sociale s'établirait ("ligne
politique dite russophile"
selon certains observateurs de l'époque).
Paradoxalement la politique étrangère de Lénine conduit la SEÏM à prendre
une autre ligne politique. La Russie bolchévique signe un traité de paix
séparée avec l'Empire allemand à Brest-Litovsk : il accorde des districts
arméniens et géorgiens à l'Empire ottoman. Ce dernier les réclame manu
militari à
la Transcaucasie et accentue même ses exigences territoriales. Le
négociateur transcaucasien, Akaki Tchenkéli, réussit à convaincre la
majorité de la SEÏM de s'allier avec l'Empire allemand, qui s'engage à
contenir l'Empire ottoman aux clauses du traité à condition que la
Transcaucasie se sépare de la Russie ("ligne
politique dite germanophile")
(9).
Nicolas Chéidzé, et quelques autres sociaux-démocrates transcaucasiens qui
croient toujours à la stratégie d'une Russie parlementaire, sont en
minorité. L'indépendance de la Fédération de Transcaucasie est proclamée
le 9 avril 1918 ; confrontée à des intérêts arméniens, azéris et géorgiens
différents, elle est dissoute à l'issue de quelques semaines.
Le président parlementaire géorgien et négociateur international
L'indépendance de la Géorgie est proclamée le 26 mai 1918.
Nicolas Chéïdzé est élu président de l'Assemblée parlementaire provisoire
géorgienne.
L'Empire allemand envoie des troupes en Géorgie, conformément aux accords
passés et contient la pression militaire ottomane, exerçant de
fait un
protectorat sur le pays.
Le gouvernement géorgien est surpris par sa défaite. En janvier 1919,
l'assemblée provisoire sollicite Nicolas Cheïdzé afin qu'il conduise la
délégation géorgienne à la Conférence de la Paix de Paris : plusieurs
membres de cette délégation sont récusés par les Alliés, comme Niko
Nikoladzé, trop marqués pour leurs positions pro-allemandes (10).
Nicolas Cheïdzé porte le message confidentiel, connu de lui seul et du
président de gouvernement, Noé Jordania :
"La
Géorgie serait prête à accepter un protectorat de la Grande-Bretagne, ou
de la France, à la condition que sa souveraineté soit reconnue sur ses
affaires intérieures".
Georges Clemenceau, Lloyd George, Thomas Woodrow Wilson et Vittorio
Emanuele Orlando tiennent rigueur à la Géorgie de son alliance avec
l'Empire allemand, récusent l'idée de protectorat, mais reconnaissent de
fait la
Ière République de Géorgie (11).
En février 1919, Nicolas Chéidzé est élu président de l'Assemblée
constituante géorgienne (12). Avec les vice-présidents représentants tous
les partis, une Constitution est établie. Le pouvoir législatif est donné
à un Parlement élu au suffrage universel. Le pouvoir exécutif est donné à
un président de gouvernement (président du Conseil des ministres), élu par
le Parlement dans la limite de deux mandats consécutifs.
Plus d'une centaine de lois sont votées concernant les droits civiques
(vote des femmes et des hommes de plus de 20 ans de toutes nationalités,
instruction publique), les droits judiciaires, les droits économiques
(propriété de la terre cultivée aux paysans), les droits sociaux (journée
de travail limitée à 8 heures) et la défense nationale (Garde nationale
sous contrôle du Parlement, conscription pour les jeunes classes).
Compte-tenu de son audience internationale, il continue à assurer des
missions extérieures, notamment à Londres, à Rome et à Genève.
Le 16 mars 1921, il préside à Batoumi la dernière réunion de l'Assemblée
constituante géorgienne (renommée Parlement), après que les armées de la
Russie soviétique aient envahi la Géorgie : mandat est donné au
gouvernement géorgien de s'expatrier afin de continuer le combat.
L'exil
A Paris, puis à Londres auprès de Ramsay Mac Donald, Nicolas Chéïdzé ne
cesse d'alerter ses amis sociaux- démocrates "du
crime politique commis par la Russie bolchévique en Géorgie".
La Grande-Bretagne préfère négocier un accord commercial avec Lénine pour
un partage hypothétique du pétrole de Bakou.
Il ne supporte pas l'indifférence internationale au sort de la Géorgie
(13). Il supportait déjà assez mal "la
trahison des idéaux socialistes" dont
se rendent coupables Trotski et Lénine. Il émet au sein du Parti ouvrier
social-démocrate géorgien en exil des réserves sur la préparation de
l'insurrection nationale de 1924, estimant que l'Armée rouge et la Tchéka
sont trop profondément implantées sur le territoire géorgien : l'échec du
soulèvement et la terrible répression bolchévique qui s'en suit le marque
profondément. Il se suicide le 7 juin 1926 à Leuville-sur-Orge (14).
laissant sa veuve Alexandra et sa fille Véronique (15). Il est inhumé au
cimetière du Père-Lachaise ä Paris.
Notes
(1) Selon les uns le "Troisième Groupe" de réflexion se serait réuni à
Tchiatoura, selon les autres à Zestaponi, selon les derniers dans la
vallée de la rivière Kvirila, proche.
(2) Les "Premier Groupe" et "Deuxième Groupe" de réflexion inspirés par
Ilia Tchavtchavadzé et Niko Nikoladzé dans les années 1860 et 1880 ont
contribué à l'éveil du mouvement national géorgien et à un certain
libéralisme.
(3) La ville de Batoumi compte 16 000 ouvriers géorgiens, arméniens,
grecs, perses, russes et turcs oeuvrant dans l'industrie pétrolière
(oléoduc reliant Bakou, raffineries, port) et dans l'exportation du
manganèse, du réglisse et du thé. Les Nobel et les Rothschild -branche
française- contrôlent ces activités.
(4) Roman Malinovski, représentant bolchévique à la IIIème Douma, sera
plus tard décrit comme un voleur et un violeur, espion à la solde de la
police secrète du tsar Nicolas II, l'Okhrana.
(5) En novembre 1907, Y. O. Martov écrit de Paris à P. B. Axelrod : "Les
sociaux-démocrates locaux disent que Chéidzé est le marxiste le mieux
formé du Caucase".
(6) Staline propose en mars 1917 une alliance avec les mencheviks, la
poursuite d'une guerre défensive contre l'Allemagne et la convocation
d'une Assemblée constituante : il se fera fortement tancé par Lénine lors
du retour de ce dernier à Petrograd.
(7) Rapidement il apparait que Lénine prépare la dictature du prolétariat
-c'est à dire la prise exclusive du pouvoir par les bolcheviks- et la paix
avec l'Allemagne.
(8) La révélation que l'Allemagne a financé le retour en Russie de Lénine
en avril 1917 et la tentative de coup de force bolchévique du 3 juillet
1917 confortent Nicolas Cheidzé dans l'idée que l'appui de la
Grande-Bretagne, de la France, voire de l'Italie, est nécessaire.
(9) Akaki Tchenkéli rejoint la position de certains nationalistes
géorgiens, qui dès 1914, de Berlin, avaient constitué un Comité
d'Indépendance de la Géorgie, appuyé par l'Empire allemand, contre
l'Empire russe. Les sociaux-démocrates géorgiens, approchés, avaient
récusé cette "ligne
politique dite germanophile".
(10) Trois hommes politiques ont exercé certains pouvoirs de chef d'Etat
durant la Ière République de Géorgie (mai 1918 - mars 1921), Nicolas
Chéidzé (président du Conseil national, de l'Assemblée parlementaire
provisoire, de l'Assemblée constituante et du Parlement) à la Conférence
de la Paix de Paris en 1919, Noé Ramichvili (président du 1er
gouvernement) et Noé Jordania (porte parole du Conseil national, président
des 2ème et 3ème gouvernements). Aucun des trois ne fut ni président de la
République, ni chef d'Etat.
(11) La Grande-Bretagne et la France reconnaîtront de
jure la
Ière République de Géorgie en janvier 1921.
(12) Les élections à l'Assemblée constituante géorgienne de février 1919
donnent 79,5 % des voix au Parti social démocrate géorgien, soit 109
sièges (sur 130).
(13) La Tribune de Genève du 27 mai 1924 écrit sous la plume de Ed. C. :
"Un
assez grand nombre d'invités se sont rendus chez M. et Mme Jean Martin, à
Martigny, pour y rencontrer M. Nicolas Tcheïdzé, président de l'Assemblée
constituante de Géorgie, et considéré, bien qu'en exil, comme le véritable
chef de l'Etat par tous les Géorgiens opprimés. ... L'essentiel est de ne
pas désespérer, de croire en la vitalité du peuple géorgien. Sa volonté de
vivre finira par triompher. La sympathie des peuples libres, à défaut de
l'aide de gouvernements trop lointains et impuissants, raffermira son
courage et l'aidera à surmonter ses épreuves. ... "
(14) Albert Thomas, ancien ambassadeur plénipotentiaire de la France en
Russie et directeur du Bureau International du Travail à Genève écrit le
15 juin 1926 :
"J'ai
été douloureusement frappé par la nouvelle de la mort de Tcheidzé. Je l'ai
rencontré pour la première fois en 1917, au Soviet de Petrograd, à un
moment bien angoissant où il importait au premier chef que le cabinet
Kerenski fût maintenu. L'admirable sens politique de notre ami retarda
l'avènement du désordre. Que se serait-il passé, si la paix de
Brest-Litovsk eût été conclue plus tôt ? Que s'en serait-il suivi pour la
France ? Tcheidzé, avec une sérénité un peu bourrue qu'il conservait au
milieu de l'agitation révolutionnaire, voyait clairement l'avenir".
(15) Souvenir : "La
fille de Nicolas Chéidzé, Véronique, que ses proches appelait Lala, resta
toute sa vie très pudique sur les années difficiles qu'enfant, elle
traversa"
: [URL : 4940]. Nicolas Chéidzé avait également une fille d'un premier
mariage : elle resta en Géorgie et devint alpiniste renommée à l'ère
soviétique.
Sources
- [URL : 2468]
- Archives personnelles Véronique de Grassmann (née Chéidzé),
- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia.
Voir aussi
- [URL : 2502]
- [URL : 2495]
- [URL : 1720]
- photographie des dirigeants politiques géorgiens en exil aux obsèques de
Nicolas Cheïdzé en 1926, à Paris, au cimetière du Père Lachaise [URL :
http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]
Akaki Tchenkéli (1874-1959)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2496
Géorgie et France : Akaki Tchenkéli (1874-1959), homme
d'Etat transcaucasien
2013-02-18
Akaki Chkhenkeli ou Tchkhenkeli
Akaki Tchenkéli est né en 1874 à Khoni (ou le 19 mai 1880 à Okoumi selon
les sources) dans une famille noble. Il est tour à tour diplômé des
universités de Kiev, Berlin et Londres, en droit et en littérature.
Il épouse Makriné Tourkia, née le 24 juillet 1880, à Soukhoumi. Ils
adoptent, le 27 septembre 1910, devant le Tribunal civil de Tiflis, Alexis
né le 1er juillet 1905 à Okumi.
La politique
En 1898, Akaki Tchenkéli rejoint le mouvement social-démocrate et prend
parti pour la tendance menchevique. En septembre 1912, il est élu député à
la IVème Douma de Saint Petersbourg accordée par le tsar Nicolas II.
A l'étranger, il représente à plusieurs reprises la fraction menchévique
du Parti Ouvrier Social Démocrate de Russie, dans lequel s'est fondu le
Parti Ouvrier Social Démocrate de Géorgie (1).
L'homme d'Etat transcaucasien
En février 1917, il est membre du soviet de Tiflis et en juin, de
l'Assemblée provisoire russe.
En novembre 1917, il devient ministre des Affaires étrangères du Haut
Commissariat à la Transcaucasie (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie), qui
déclare vouloir rester dans la Russie sans reconnaître l'autorité
bolchévique ("ligne
politique dite russophile"
selon certains observateurs de l'époque).
Le 10 février 1918, une Assemblée provisoire de Transcaucasie (la SEÏM,
présidée par Nicolas Cheïdzé) est réunie à Tiflis : elle déclare, elle
aussi, vouloir rester dans la Russie sans reconnaître l'autorité
bolchévique. Le même jour, l'Empire ottoman lui envoie des propositions de
négociation. Le 17 février, Lénine lui fait envoyer par Lev Karakhan
(représentant soviétique aux négociations de Brest-Litovsk entre la Russie
bolchévique et l'Empire allemand), une dépêche informant que sont cédés à
l'Empire ottoman les districts géorgiens d'Ardahan, d'Artvin et de Batoumi
et le district arménien de Kars (2).
La SEÏM désigne Akaki Tchenkéli pour conduire une délégation
transcaucasienne : elle déclare ne pas reconnaître le traité de
Brest-Litovsk et vouloir conserver ses frontières de 1914.
Le 4 mars, à Trébizonde, les négociations entre l'Empire ottoman et la
Transcaucasie s'engagent. Les représentants ottomans considèrent à la fois
que le traité de Brest-Litovsk est valide (donc que l'autorité bolchévique
s'exerce sur la Transcaucasie) et que la Transcaucasie doit proclamer son
indépendance (donc que l'autorité bolchévique ne s'y exerce plus).
Le 26 mars, ils envoient un ultimatum demandant l'évacuation d'Ardahan, d'Artvin,
de Batoumi et de Kars. Coupé de toute communication avec Tiflis, Akaki
Tchenkéli prend sur lui d'accepter. Il sait que sa position n'est pas
celle pour laquelle il a été mandaté. Au contact des officiels allemands,
présents à la conférence, il a acquis deux convictions. D'une part, la
Transcaucasie ne peut plus se réclamer d'un Etat qui n'existe plus : elle
doit se séparer de la Russie bolchévique. D'autre part, en l'absence du
contrepoids russe, la Transcaucasie ne pèsera pas lourd face à l'Empire
ottoman : l'Empire allemand est le seul recours ("ligne
politique dite germanophile")
(3).
Le 31 mars, la SEÏM désavoue sa délégation. Les troupes turques avancent
en Géorgie : Batoumi est pris le 1er avril.
De retour à Tiflis, Akaki Tchenkéli réussit à convaincre une majorité de
chefs de file sociaux-démocrates transcaucasiens ; beaucoup de
nationalistes l'étaient par avance. Le 9 avril, la SEÏM proclame
l'indépendance de la Fédération de Transcaucasie : il remplace Evguéni
Guéguétchkori à la tête de l'exécutif.
Le 10 avril, une nouvelle conférence s'ouvre à Batoumi avec les
représentants ottomans, en présence de représentants allemands et
autrichiens : Akaki Tchenkéli accepte une nouvelle fois les conditions de
Trébizonde. Le 14 avril, il donne l'ordre aux troupes arméniennes et
russes du général Nazardekov d'évacuer le district de Kars au profit de
l'Empire ottoman, au mécontentement de la France et de la Grande-Bretagne.
Début mai, de nouvelles revendications ottomanes apparaissent concernant
les districts d'Akhaltsikhé, d'Akhalkalaki, d'Alexandropol et le chemin de
fer d'Alexandropol à Djoulfa, afin de prévenir tout mouvement armé
hostile.
Les intérêts divergents des musulmans azéris (sensibles aux positions
ottomanes), des représentants arméniens (profondément hostiles ä l'Empire
ottoman qui occupe leur territoire) et des représentants géorgiens
(cherchant la protection de l'Empire allemand vis-à-vis de l'Empire
ottoman) s'affrontent au sein même de la délégation et conduisent à
l'éclatement de la Transcaucasie.
L'homme d'Etat géorgien
Les différentes négociations menées avec les représentants allemands
aboutissent à une protection de
fait de
la Géorgie.
L'Empire allemand est l'une des premières puissances à reconnaître la Ière
République de Géorgie, proclamée le 26 mai.
Akaki Tchenkéli est nommé ministre des Affaires étrangères dans le
gouvernement de Noé Ramichvili.
Le 13 juin, il lui fait diffuser le communiqué suivant : "Le
gouvernement géorgien fait savoir à la population que les troupes
allemandes arrivées à Tiflis, ont été invitées par lui, et qu'elles ont
pour but de défendre les frontières de la république géorgienne
conformément aux instructions du gouvernement géorgien".
Akaki Tchenkéli est reconduit dans le premier gouvernement de Noé Jordania
en juillet 1918.
Il devient ensuite ministre plénipotentiaire en Europe : en octobre, de
Berlin, il fait dire par le publiciste Niko Nikoladzé que la victoire
allemande est probable et encourage Tiflis à poursuivre ses orientations
de politique étrangère.
En décembre 1918, de Berlin, il s'oppose à toute conciliation avec
Dénikine, général d'une armée russe tsariste, soutenu par les Britanniques
présents militairement en Géorgie depuis le départ des armées allemandes.
Akaki Tchenkéli est élu député à l'Assemblée Constituante géorgienne début
1919. Il reste ministre plénipotentiaire et est en poste à Paris à partir
de janvier 1921.
L'émigration
En mars 1921, après l'invasion de la Géorgie par l'Armée rouge, il se
joint à l'émigration des autres dirigeants politiques géorgiens.
En 1927, il est l'un des sept membres initiaux de la Société Civile
Immobilière propriétaire de la résidence d'exil en France de la Ière
République de Géorgie, aux côtés de représentants sociaux-démocrates,
nationaux-démocrates et sociaux-fédéralistes (4).
Akaki Tchenkéli meurt à Paris en 1959. Il est inhumé au "carré géorgien"
du cimetière communal de Leuville-sur-Orge ; son épouse Makriné
(1881-1967) le rejoindra quelques années plus tard. Son fils Alexis
(1904-1985), saint-cyrien, colonel de la Légion étrangère et ancien des
Forces Françaises Libres, repose également dans ce "carré géorgien" .
En 2005, ses petits-enfants, Thamar et Guivi, seront les premiers à
signifier au président Mikheïl Saakachvili qu'ils souhaitent le retour à
l'Etat géorgien de la résidence d'exil en France de la Ière République de
Géorgie (5).
Notes
:
(1) Akaki Tchenkéli aurait du représenter le P.O.S.D.R. , avec Axelrod,
Kameneff et Roubanovitch, au Congrès socialiste international (IIème
Internationale) de Vienne du 23 au 29 août 1914 ; ce congrès fut annulé
suite au déclenchement de la Première Guerre Mondiale. Il avait été
précédé d'une réunion du Bureau socialiste international, à Bruxelles, du
16 au 18 juillet 1914 ; "l'unification
des sociaux-démocrates en Russie"
avait été débattue en vain tant les positions des partisans de Lénine
(dictature du prolétariat) et celles des partisans de Plékhanov (pouvoir
parlementaire) étaient éloignées.
(2) Lors de la campagne militaire de 1914 / 1915, les troupes tsaristes
commandées par le général Lébidinski avaient infligé une sévère défaite
aux armées ottomanes : elles tenaient non seulement la frontière d'avant
la guerre, mais s'étaient enfoncées profondément sur le territoire de
l'Empire ottoman. La paix séparée de Brest-Litovsk entre la Russie
bolchévique et l'Empire allemand permet aux représentants ottomans non
seulement de récupérer leur territoire, mais de pouvoir annexer des
territoires transcaucasiens.
(3) La délégation transcaucasienne à Trébizonde est partagée quant à la
réponse à apporter à l'ultimatum ottoman. Les représentants arméniens et
géorgiens (dans leur majorité) sont favorables au maintien de la
Transcaucasie dans une Russie libérée des bolchéviques et de ce fait
rejettent la position ottomane. Les représentants musulmans (à dominante
azérie) et le représentant nationaliste géorgien sont favorables à la
proclamation de l'indépendance de la Transcaucasie et acceptent la
position ottomane comme base de négociation.
(4) [URL : 1756]
(5) en 2005, Guivi Tchenkéli, musicien, fera don d'instruments à l'Ecole
de Musique de Tbilissi lors d'une cérémonie présidée par la ministre
géorgienne des Affaires étrangères de l'époque, Salomé Zourabichvili.
*
Sources multiples :
- Archives familiales
- Archives de l'Office des réfugiés géorgiens en France
- [URL : 2468]
- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia.
Voir aussi
- [URL : 2502]
- [URL : 2495]
- [URL : 1720]
- photographie d'Akaki Tchenkéli aux obsèques de Nicolas Cheïdzé, en 1926
à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]
- [URL : 1646]
Bénia Tchkhikvichvil
(1881-1924)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/5291
Géorgie, France et Géorgie : Bénia Tchkhikvichvili,
président de la République auto-proclamée de Gourie (1905-1906)
2014-01-14
Bénia Tchkhikvichvili milite clandestinement au Parti ouvrier
social-démocrate russe et participe à la Révolution de 1905 qui secoue
l'Empire russe.
Il est élu président du comité révolutionnaire qui dirige la République
auro-proclamée de Gourie (1905-1906)
(1), dans une province géorgienne fortement politisée, échappant au
contrôle russe depuis 1902 et que seul un régiment de Cosaques envoyé par
Nicolas II mettra au pas. Il est arrêté et déporté en Sibérie.
Durant la Ière République de Géorgie (1918-121), il est élu maire de
Tiflis.
Après l'invasion du territoire géorgien par l'Armée rouge, il émigre avec
la classe politique géorgienne d'abord à Constantinople, puis à
Leuville-sur-Orge.
Il participe à l'achat du domaine "le Château des Géorgfiens" qui
deviendra la résidence d'exil de la Ière République de Géorgie (2) et en
devient l'un des propriétaires -au nom des autorités géorgiennes- jusqu'au
début 1924.
Il rejoint ensuite clandestinement le territoire géorgien afin de préparer
une insurrection nationale (3).
Il est arrêté et exécuté en août 1924.
Notes
(1)
[URL : 4527]
(2)
[URL : 1720]
(3)
[URL : 3908]
Irakli Tsérétéli (1881-1959)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2087
Géorgie, Russie, France et Etats-Unis : Irakli Tsérétéli
(1881-1959), homme d'État
2013-04-02
Cereteli, Tseretelli Irakly
Député social démocrate à la IIème Douma russe (mars 1907),
président du Soviet d'Irkoutsk (février 1917), ministre des Postes et
ministre de l'Intérieur du gouvernement provisoire (mai à octobre 1917),
ministre plénipotentiaire du 3ème gouvernement homogène social démocrate
de la Ière République de Géorgie (février 1919 à mars 1921), Irakli
Tsérétéli reste membre du bureau exécutif de la IIéme Internationale
socialiste jusqu'en 1939. Il meurt en exil aux États-Unis.
Irakli Tsérétéli est né à Gorisa, en Géorgie, en 1881, dans une famille
aristocratique qui compte un écrivain célèbre, Guiorgui Tsérétéli. Après
ses années de lycée, il rejoint l'Université de Moscou pour y étudier le
droit de 1900 à 1902.
L'homme politique russe
Ayant pris part à une manifestation estudiantine, il est frappé de
déportation en Sibérie en 1902 et 1903. Après sa libération, il rejoint le
Parti social démocrate russe. Au congrès de Londres, il défend les thèses
de Martov et s'oppose à celles de Lénine. À son retour en Géorgie, il
publie différentes communications dans le journal Le Sillon (Kvali),
puis il s'exile en Europe occidentale devant la pression de la police
tsariste.
Il revient à Tiflis lors des mouvements populaires de 1905 et est élu en
mars 1907, au titre de la Géorgie, à la IIème Douma accordée par le tsar
Nicolas II. Il s'affirme comme l'un des chefs de file de l'opposition
sociale démocrate. Après la dissolution de l'assemblée, il est condamné à
5 années de prison et est exilé une nouvelle fois en Sibérie.
Lors de la révolution de février 1917, il est élu président du Soviet
d'Irkoutsk en Sibérie.
Le 12 mars 1917, il accueille au Comité exécutif du Soviet de Petrograd,
présidé par Nicolas Cheidzé, Joseph Djougachvili dit Staline, de retour de
déportation et nouvellement élu représentant bolchévique (1).
En mai, il devient ministre des Postes et Télégraphes dans le gouvernement
provisoire de Georges Lvov.
Le 3 juin, il s'oppose aux bolcheviks lors du Ier Congrès du Soviet de
Petrograd et affirme à la tribune : "Il
n'y a pas un parti en Russie qui ose dire, placez tout le pouvoir entre
nos mains".
Lénine lui répond "Un
tel parti existe. Aucun parti n'a le droit de refuser le pouvoir et notre
parti ne le refuse pas. Il est prêt à tout moment à prendre tout le
pouvoir entre ses mains".
Le 9 juin, il dénonce lors d'une séance du Soviet de Petrograd "La
conspiration bolchévique pour s'emparer du pouvoir"
(2).
Le 5 juillet, il accepte la reddition des insurgés bolchéviques auteurs
d'une tentative de coup d'Etat afin d'éviter un bain de sang. Lénine prend
la fuite vers l'étranger (3).
Il devient ensuite ministre de l'Intérieur du gouvernement provisoire
d'Alexandre Kerenski (4).
En octobre, Trotski et Lénine prennent le pouvoir : ils chassent Nicolas
Cheïdzé du Soviet de Petrograd et le gouvernement provisoire d'Alexandre
Kerenski, dont Irakli Tsereteli.
En novembre, l'Assemblée constitutionelle russe est élue sur tout le
territoire de l'ex-Empire russe, conformément à la décision antérieurement
prise par le gouvernement provisoire : la majorité n'est pas favorable aux
bolchéviques, qui la dissolvent à sa première et dernière réunion en
janvier 1918.
Malgré des conditions précaires de sécurité personnelle, Irakli Tsérétéli
y prend la parole. Morgan Philip Prices témoigne "Lors de son chant du
cygne, Irakli Tsérétéli resta le même, réfléchi, sans émotion inutile,
philosophe, calme comme Zeus sur l'Olympe contemplant les conflits entre
les autres dieux" :
... L'Assemblée constituante élue démocratiquement par toutes les Russies
devrait être la plus haute autorité du pays. Si c'est le cas pourquoi le
Soviet central -dont
Trotski s'était emparé manu militari évinçant Cheïdzé- a-t-il
envoyé un ultimatum ? Cet ultimatum signifie l'intensification de la
guerre civile. Est-ce aider à la réalisation du socialisme ? Au contraire,
les militaires allemands n'en briseront que plus facilement le front
révolutionnaire. La dissolution de l'Assemblée constituante servira les
intérêts bourgeois que les bolchéviques prétendent combattre. Seule
l'Assemblée constituante sauvera la révolution ....
Lénine tente de le faire arrêter quelques heures plus tard, une
indiscrétion le sauve.
L'homme politique transcaucasien
De retour à Tiflis, il siège à l'Assemblée provisoire de Transcaucasie (la
SEÏM), constituée des représentants arméniens, azerbaïdjanais, géorgiens
et russes élus à l'Assemblée constituante russe,
La SEÏM ne reconnaît pas l'autorité bolchévique de Pétrograd tout en
maintenant l'idée d'une Russie parlementaire dans laquelle les
nationalités s'exprimeraient et la justice sociale s'établirait ("ligne
politique dite russophile"
selon certains observateurs de l'époque).
Paradoxalement la politique étrangère de Lénine conduit la SEÏM à prendre
une autre ligne politique. La Russie bolchévique signe un traité de paix
séparée avec l'Empire allemand à Brest-Litovsk : il accorde des districts
arméniens et géorgiens à l'Empire ottoman. Ce dernier les réclame manu
militari à
la Transcaucasie et accentue même ses exigences. Le négociateur
transcaucasien, Akaki Tchenkéli, réussit à convaincre la majorité de la
SEÏM à s'allier avec l'Empire allemand, qui s'engage à contenir l'Empire
ottoman aux clauses du traité à condition que la Transcaucasie se sépare
de la Russie ("ligne
politique dite germanophile").
Irakli Tsérétéli, et quelques autres sociaux démocrates transcaucasiens
qui croient toujours à la stratégie d'une Russie parlementaire, sont en
minorité. L'indépendance de la Fédération de Transcaucasie est proclamée
le 9 avril 1918. Mais confrontée à des intérêts arméniens, azéris et
géorgiens différents, elle est dissoute à l'issue de quelques semaines.
Lors de la dernière séance de la SEÏM, en réponse à la question du député
constitutionnel démocrate russe Semenov, Irakli Tsérétéli répond :
"Si
une grande nation comme le peuple russe peut survivre, quoique bien
affaiblie, à une crise bolchéviste, un petit peuple risque d'en périr, et
que, pour les petites nations surtout, l'intérêt national est primordial".
C'est l'abandon de la "ligne
politique dite russophile",
évolution qui marquera l'histoire moderne du peuple géorgien.
L'homme politique géorgien
La Ière République de Géorgie est proclamée le 26 mai 1918.
Compte tenu de son audience internationale, Irakli Tsérétéli remplit les
missions de ministre plénipotentiaire dans le 3éme gouvernement homogène
social démocrate présidé par Noé Jordania.
Il se joint à Nicolas Chéïdzé pour représenter la Géorgie à la Conférence
de la Paix à Paris en janvier 1919.
Il représente aussi le Parti social démocrate géorgien auprès de la IIème
Internationale socialiste et s'active afin que la communauté
internationale soit sensibilisée au sort de la Géorgie.
Une délégation visite plusieurs régions géorgiennes en septembre 1920.
Elle est composée de sociaux démocrates britanniques conduits par Ramsay
MacDonald, français conduits par Pierre Renaudel et belges conduits par
Emile Vandervelde. Les sociaux démocrates allemands conduits par Karl
Kautsky viennent plus tard. L'accueil de la population est chaleureux,
elle pense y voir une reconnaissance définitive de l'indépendance de la
Géorgie.
Irakli Tsérétéli siège à l'exécutif de l'Internationale socialiste
jusqu'en 1939.
*
Adversaire politique redouté de Lénine depuis la scission bolchévique,
Irakli Tsérétéli combat d'abord face à face à Petrograd et ensuite à
distance. Leur principal différent provient de la nature des moyens
permettant de parvenir au socialisme, la dictature du prolétariat par
l'intermédiaire du Parti communiste (le pouvoir aux soviets) pour Lénine,
la voie démocratique (l'Assemblée constituante et le régime parlementaire)
pour Tsérétéli. Redouté également de Trotski, ce dernier lui répondra en
1922 par un pamphlet public, Entre
l'impérialisme et la révolution,
afin de justifier à postériori l'intervention des armées de la Russie
soviétique en Géorgie et la dictature bolchévique.
L'exil
Irakli Tsérétéli s'exile d'abord en France en 1921.
En 1924, il émet des réserves sur la préparation d'une insurrection
nationale en Géorgie, estimant que l'Armée rouge et la Tchéka y sont trop
profondément implantés, rejoignant les positions de Nicolas Cheidzé.
Durant les années 1940, il refuse toute compromission avec l'occupant et
tout encouragement aux jeunes Géorgiens exilés qui veulent rejoindre
l'armée allemande afin de libérer la Géorgie.
Durant une vingtaine d'années, il anime un courant informel -Opozitzia- au
sein du Parti social démocrate ouvrier géorgien en exil, qualifié par
certains observateurs de "socialisme de droite" car résolument
anti-bolchévique et pro-occidental, par d'autres de "socialisme de gauche"
car résolument anti-nazi et favorable aux conquêtes ouvrières (5).
En 1948, en pleine montée de la guerre froide, il rejoint les Etats-Unis
(6). Il y décède en 1959 (7).
Notes
:
(1) Joseph Djougachvili, de retour de déportation de Sibérie en mars 1917,
propose une alliance avec les mencheviks, la poursuite d'une guerre
défensive contre l'Allemagne et la convocation d'une Assemblée
constituante. Il se fera fortement tancé par Lénine, après son retour à
Petrograd.
(2) La partie la plus radicale du mouvement bolchévique, l'Organisation
militaire qui déclare réunir soixante mille soldats, prépare une
manifestation armée qui aura lieu le 3 juillet 1917 à Petrograd.
(3) La révélation que l'Allemagne a financé le retour en Russie de Lénine
en avril 1917 et la tentative de coup de force bolchévique du 3 juillet
1917 confortent Irakli Tsérétéli dans l'idée que l'appui de la
Grande-Bretagne, de la France, voire de l'Italie, est nécessaire.
(4) Témoignage de George Buchanan, ambassadeur de Grande-Bretagne en
Russie : "Irakli
Tsérétéli a une personnalité raffinée et sympathique. Il me plaisait par
l'honnêteté transparente de ses propos et ses manières loyales. Il était,
comme beaucoup de sociaux démocrates, un idéaliste mais je ne pouvais pas
le lui reprocher. Il faisait l'erreur d'approcher les problèmes de
politique pratique avec un point de vue purement théorique".
(5) La dernière manifestation publique de ce courant informel est publiée
le jeudi 22 février 1962 dans le Populaire de Paris, journal officiel de
la SFIO -le Parti socialiste français de l'époque-, à la signature de
Raymond Naegelen, faisant référence au Parti social démocrate géorgien,
groupe Irakli Tsérétéli.
(6) Souvenir : "Au
milieu des années cinquante, vraisemblablement lors de son dernier voyage
en Europe, Irakli Tsérétéli revient à Leuville-sur-Orge, conduit par l'un
de ses fidèles partisans, Martiané Mguéladzé, chauffeur de taxi. Après le
repas traditionnel et les discours verre à la main, après que les femmes
et les enfants aient quitté la table, les hommes parlent politique. Le
leitmotiv en est, si Alexandre Fédorovitch (Kérenski) avait accepté
d'éliminer Vladimir Ilitch (Lénine) par la manière forte, la révolution de
février aurait-elle été sauvée ? Le vieil homme, caressant longuement sa
barbiche de la main, en semble persuadé".
(7) Les cendres d'Irakli Tsérétéli reposent au "carré géorgien" du
cimetière communal de Leuville-sur-Orge.
*
Sources multiples :
- [URL : 2468]
- Archives personnelles Martiané Mguéladzé,
- Archives familiales,
- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia.
Voir aussi
:
- [URL : 2502]
- [URL : 2495]
- [URL : 1720]
- photographie d'Irakli Tsérétéli aux obsèques de Nicolas Cheidzé, en 1926
à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]
- [URL : 1646]
II) CLASSE MILITAIRE (9)
Guiorgui Kvinitadzé (1874-1970)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2516
Kakoutsa Tcholokhachvili (1888-1930)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2033
Dimitri Amilakvari (1906-1942)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2535
Alexandre Djintcharadzé (1896-1970)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3635
Alexandre Kintzourichvili (1900-1976)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3638
Georges Odichélidzé (1899-1970)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3634
Alexis Tchenkéli (1904-1985)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3639
Nicolas Tokadzé (1901-1975)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3637
Jean Vatchnadzé (1899-1976)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3636
III) PERSONNALITES nées en Géorgie (21)
Thamar Alchibaya (1908-2010)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3116
Mariam Alikhanachvili
(1920-1994)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3605
Roland Assathiany (1910-2008)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/4593
Kéthévane Barnovi (1921-2015)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3750
Coca Djakéli (1919-2005)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2056
Martha Guéguétchkori (1910-2005)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2146
Nathéla Jordania (1919-2016)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3946
Jacques Khotcholava (1889-19XX)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/4365
Michel Khoundadzé (1898-1983)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3580
Georges Lomadzé (1907-2005)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/1767
Famille Mdivani (branche Zacharias)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/4103
Nelly Mdivani (1916-2012)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3736
Vera Pagava (1907 -1988)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2603
Grigol Péradzé (1899-1942)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2451
Nina Ramichvili (1920-2011)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3417
Nicolas Saralidzé (1914-1991)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/4434
Michel Tchavtchavadzé (1898-1965)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/4651
Véronique Tchéidzé (1909-1986)
https://www.colisee.org/old/public/article/fiche/4940
Achille Tzitzichvili de Panaskhet (1916-2010)
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Serge Tsouladzé (1916-1977)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3510
Félix Varlamichvili (1903-1986)
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IV) Association géorgienne en France : présidents
(17)
Guiorgui Jourouli (1865-1951)
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David Skhirtladzé (1881-1965)
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Yosseb Tsintsadzé (1889-1960)
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Vakhtang Hambachidzé
(1872-1951)
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Chalva Skamkotchaïchvili (1904-1949)
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Chalva Abdoucheli (1889-1966)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2924
Elissé Pataridzé (1896-1975)
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Lévan Zourabichvili (1906-1975)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2942
Victor Homériki (1910-1994)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2944
Thamaz Naskidachvili,(1936)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2918
Othar Pataridzé (1943)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2923
Serge Méliava (1937-2011)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2982
Lia Vodé (1949)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2981
Nodar Odichélidzé (1940)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2983
Tariel Zourabichvili (1930)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2984
Guia Sardjveladzé (1947)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2910
Othar Zourabichvili (1950)
https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2985
D’autres sources
sont disponibles, en particulier sur Wikipédia en langue française, en
langue anglaise et en langue géorgienne, ou sur la Bibliothèque nationale
du Parlement géorgien (https://www.nplg.gov.ge/geo/home).
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