Numéro spécialIInfos Brèves France Géorgie

 

L’année 2021 verra le 100ème anniversaire de l’invasion du Caucase par les armées de la Russie soviétique, en particulier du territoire géorgien, malgré le traité de paix signé le 7 mai 1920 à Moscou par les autorités russes (Lev Karakhan accrédité par Vladimir Lénine) et géorgiennes (Grigol Ouratadzé accrédité par Noé Jordania).

 

Les classes politiques  -pour leur plus grande part-  et militaires  -pour une petite part-  se réfugieront ensuite en France (moins d’un millier de personnes).

 

À la suite  

- de consultations d’archives publiques et privées disponibles en France,

- d’une centaine d’entretiens,  avec en particulier Thamar Alchibaya (1908-2010), Georges Assathiany (1923-2015), Nathéla Jordania (1919-2016), Nano Kvinitadzé (1920-2020), Petre Kvédélidzé (1918-2014) et Nina Ramichvili (1920-2011),

- de l’exploitation des documents personnels de Véronique Tchéidzé (1909-1986),

70 biographies de quelques-uns de ces émigrés politiques ont été publiées entre 2004 et 2014 sur le site du Comité de liaison pour la solidarité avec l’Europe de l’Est

(https://fr.wikipedia.org/wiki/Comité_de_liaison_pour_la_solidarité_avec_l’Europe_de_l’Est).

 

 

I) CLASSE POLITIQUE (23)

 

Rajden Arsénidzé (1880-1965) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2514

 

Géorgie et France : Rajden Arsénidzé (1880-1965), ministre
2011-12-06

Arsenidze Razhden ou Razdem

Rajden Arsénidzé est né le 1er octobre dans le village de Sotchkhéto en Géorgie occidentale. Après le séminaire de Koutaïssi, il étudie le droit à l'Université. Il s'engage très jeune dans le mouvement social - démocrate, tendance menchévique.

Durant les premières années du XXème siècle, il est propagandiste : il croise en 1904, à Batoumi, Joseph Djougachvili (le futur Staline, qui se fait encore appelé Koba) (1). Puis journaliste et polémiste, il est déporté en Sibérie par l'administration du tsar Nicolas II.

Il revient en Géorgie après la première révolution de Pétrograd (février 1917) et prend part à la rédaction de l'acte de restauration de l'indépendance de la Géorgie (26 mai 1918).

Il est élu à l'Assemblée Constituante géorgienne en janvier 1919 et succède au social - fédéraliste Chalva Alexis - Meskhichvili à la tête du ministère de la Justice, dans le gouvernement homogène social - démocrate de Noé Jordania.

Il a en charge le secrétariat du Comité Central du Parti Social - Démocrate géorgien lorsque l'Armée rouge envahit la Géorgie en février 1921. Il émigre avec les principaux dirigeants politiques vers la Turquie, puis vers la France.

Il publie différents ouvrages à Paris, notamment en 1963 ses mémoires sur le jeunesse de Staline (2) et une étude sur Vakhtang VI, roi géorgien du XVIIIème siècle.

Rajden Arsénidzé, que ses proches appelaient Micha, repose dans le "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.

Notes

:

(1) Il écrit : "A l'époque tsariste ... Staline avait le culte de Lénine. Il déifiait Lénine. Il vivait avec les pensées de Lénine. Il le copiait tellement que nous l'appelions entre nous la jambe gauche de Lénine ... ".

(2) En particulier, l'attaque de la trésorerie centrale de Tiflis le 26 juin 1907 par une équipe dirigée par Kamo Pétrossian, à laquelle appartenait Joseph Djougachvili.

 


 

 

 

Sossipatré Assathiany (1876-1971) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3546

Sossipatré Assathiany est né le 8 septembre 1876 (1) à Dgnorissa, district de Letchkhoumi (Géorgie), d'Edith et de Samson Assathiany, dans une famille aisée.

Il effectue ses études secondaires au lycée de Koutaïssi, puis rejoint l'Ecole d'agriculture de Kichinev, en Bessarabie (Moldavie actuelle).

Il se mariera une première fois en Géorgie avec Olga Guelovani : ils auront une fille, Paraskevi, dite Dodona (1903-1970). D'une deuxième union, à Genève, avec Sarah Koutik, ukrainienne, (1892-1966), il aura trois enfants, Roland (1910-2008) (2), Lucette (1921-1995) et Mireille (née en 1927) (3).

 

L'opposition à l'Empire russe, la prison et l'exil en Suisse



En 1903, il s'engage clandestinement au sein du Parti ouvrier social-démocrate de Russie. Il est arrêté à plusieurs reprises, notamment après avoir détruit au revolver un portrait du tsar Nicolas II, et est exilé au Turkestan pour une année.

Il revient à temps pour la révolution de 1905, y prend part et est à nouveau arrêté et incarcéré à Koutaïssi. Connaissant sa future destination, la Sibérie, il décide de creuser un souterrain avec plusieurs détenus et de s'échapper. Il parvient à ses fins. Pourchassé une nouvelle fois par les gendarmes russes, il se réfugie un temps au monastère de Guélati, puis prend le chemin de l'exil, passager clandestin d'un bateau de la compagnie Paquet voguant de Batoumi à Marseille.

Courant 1908, il atteint Genève, refuge des proscrits politiques, et y retrouve des camarades de lutte, dont David Charachidzé (4). Il s'inscrit à l'Université et obtient une licence de droit.

 

Le retour en Géorgie, les missions diplomatiques



En 1917, il revient à Tbilissi après huit années d'exil et un long périple par l'Allemagne et la Russie en guerre, et participe au développement de la Ière République de Géorgie.

Fin 1917, il est nommé gouverneur de deux provinces de la Géorgie occidentale.

En 1918, il devient chef de la mission diplomatique géorgienne en Ukraine, puis en Roumanie.

En 1919, il fait partie, aux côtés de Nicolas Cheïdzé et d'Irakli Tsérétéli, de la délégation géorgienne à la Conférence de la Paix de Paris.

 

L'opposition au régime soviétique et l'exil en France



 

La Légation géorgienne



Le 27 janvier 1921, la France reconnaît de jure la Ière République de Géorgie (5). Une Légation géorgienne est ouverte à Paris : Sossipatré Assathiany, en est nommé Premier secrétaire et en devient ensuite le Chargé d'affaires.

En février, les armées de la Russie soviétique envahissent la Géorgie. La classe politique se réfugie d'abord à Constantinople, puis en France. La Légation géorgienne reste le dernier symbole de l'indépendance.

 

L'Office des réfugiés géorgien



Le 16 mai 1933, la signature du pacte de non-agression entre l'URSS et la République française a pour conséquence la fermeture de la Légation de Géorgie. Elle est remplacée par un Office des réfugiés géorgiens, organisme reconnu par le ministère français de Affaires étrangères : il a pour mission de délivrer des pièces administratives d'identité et de voyage aux apatrides géorgiens. Sossipatré Assathiany en est nommé directeur.

 

La période mouvementée de la guerre et de l'immédiat après-guerre



En 1942, après la fermeture des Office de réfugiés et la création d'un Bureau des apatrides avec délégation pour les territoires occupés (6 Cité Martignac, Paris VII) par les autorités de Vichy, Sossipatré Assathiany intervient au titre des réfugiés géorgiens.

En paralléle, les autorités allemandes créent un Office des réfugiés caucasiens dont la section géorgienne est confiée à un émigré géorgien ayant vécu en Allemagne, Sacha Korkia.
[... Dès octobre 1940, Adrien Marquet (ancien membre de la SFIO et de la délégation socialiste ayant visité la Géorgie en 1919, ministre du maréchal Pétain), informe Evguéni Guéguétchkori (6) du danger qui menace les juifs géorgiens exilés en France. Quelques mois plus tard, Michel Kédia (homme politique géorgien en exil, proche des autorités allemandes) (7) est sollicité pour une intervention. En juillet 1941, Ferdinand de Brinon (ambassadeur et délégué général du gouvernement de Vichy à Paris) fait exempter officiellement par ordonnance les juifs géorgiens de l'enregistrement et du tampon "JUIF" sur les papiers d'identité...]

Un trio, hors structures officielles, composé de Sossipatré Assathiany, Sacha Korkia et Joseph Eligoulachvili (représentant de la communauté juive d'origine géorgienne en France) (8) oeuvre afin "d'élargir" le champ d'application de la mesure d'exception : il sauve 243 familles juives de la déportation en leur délivrant des "certificats d'authenticité de nationalité géorgienne", dont une bonne part est originaire d'Espagne, des Balkans, d'Iran et du Turkménistan et dont les patronymes ont été "géorgianisés" (9).

En février 1943, Sossipatré Assathiany est arrêté, sur dénonciation, par les autorités allemandes et conduit au fort de Romainville, d'où il sera libéré un mois et demi plus tard grâce à l'intervention de Sacha Korkia.

En avril 1943, sa femme Sarah sera arrêtée à son tour et conduite au camp de Drancy, d'où elle sera libérée également grâce à l'intervention de Sacha Korkia.

En 1945, avant même le rétablissement des Offices de réfugiés par les autorités françaises, il reprend ses missions d'avant-guerre dans le cadre du Conseil géorgien des réfugiés.

A partir de janvier 1947 et jusqu'en décembre 1951, il oeuvre comme conseiller technique auprès de l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) créée par les Nations unies.

 

L'OFPRA



De janvier 1952 à septembre 1952, période séparant la fin de mission de l'OIR et la mise en place d'un organisme français de protection des réfugiés, il milite activement aux côtés de Vassili Maklakof et de Mentor Bouniatian (10), en particulier, pour accélérer la décision de création de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Il intègre ensuite l'OFPRA, où il prend la responsabilité de la section géorgienne jusqu'en 1958.

 

Le dernier repos à Leuville



Il meurt en 1971 : il repose auprès de sa femme Sarah (1892-1966) au "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge, lieu symbolique du combat des Géorgiens de sa génération.

Mirian Méloua

 

Notes



(1) L'année de naissance de Sossipatré Assathiany n'est pas connue avec exactitude : 1876 sur sa pierre tombale, 1879 selon son fils Roland dans son autobiographie, 1881 à l'OFPRA. Cette imprécision est attribuée au fait qu'il a voyagé sous de fausses identités, changeant d'Etat-civil.

(2) [URL : 4593].

(3) Mireille épousera Jacques Moreau, et après une carrière à l'UNESCO rejoindra la CIMADE.

(4) [URL : 3871]

(5) La reconnaissance par la France de la Ière République de Géorgie est annoncée par une lettre d'Aristide Briand à Evguéni Guéguétchkori.

(6) [URL : 2081]

(7) [URL : 2922]

(8) [URL : 3541]

(9) Le 16 octobre 1944, le Grand Rabbin, au nom du Consistoire de Paris, écrit la lettre suivante au gouvernement géorgien en exil : ... J'ai été informé par Monsieur Joseph Eligoulachvili de la sollicitude et de la générosité que vous avez bien voulu témoigner à vos compatriotes de religion juive. Grâce à vos bons offices, ils ont été préservés, au cours des quatre années d'occupation, des pénibles conséquences de l'application des lois raciales. Je sais la profonde gratitude qu'ils conservent pour vous. J'ai à coeur, au nom de la communauté israélite de paris, de m'associer aux sentiments qu'ils éprouvent pour votre grande bonté et votre esprit de justice. ....

(10) Vassili Maklakof était président de l'Office central des réfugiés russes en France (organisme qui coiffait trois offices à Paris, Marseille et Nice). Mentor Bouniatian, Arménien de Géorgie et ancien professeur d'économie à l'Université de Tiflis, était directeur de l'Office central des réfugiés arméniens issu de la fusion de plusieurs offices et comités. Au premier semestre 1952, un vif débat parlementaire oppose en France les partisans d'un organisme international ayant une vision globale des réfugiés d'Europe de l'Est (Daniel Mayer en particulier) et les partisans d'un organisme national plus près des réalités du terrain (Robert Schuman et Maurice Schumann en particulier). Un compromis est adopté : le débat décale la date de création de l'OFPRA.

 

Sources



- entretiens avec Mme Mireille Moreau Assathiany, fille de Sossipatré Assathiany,

- archives familiales,

- archives de l'Office des réfugiés géorgiens,

- archives de l'OFPRA,

- "Des Géorgiens pour la France. Itinéraires de résistance. 1939-1945" de Françoise et Révaz Nicoladzé, Editions l'Harmattan, Paris, juin 2007,

- "Les combats indépendantistes des Caucasiens entre URSS et puissances occidentales. Le cas de la Géorgie (1921-1945)" de Georges Mamoulia, Editions l'Harmattan, Paris, juillet 2009.

- "Roland Assathiany. Un militant de l'éducation spécialisée" de Martine Ruchat et Alain Vilbrod, Editions L'Harmattan, Paris, 2011.

 



 

 

Chalva Bérichvili (1899-1988) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3214

 

Géorgie, France et URSS : Chalva Bérichvili (1899-1988), agent secret
2014-01-17

Shalva Berishvili

Chalva Bérichvili naît en 1897 ou en 1899, selon les sources, dans une famille du Sud-Ouest de la Géorgie, la Gourie, de Marta Ramichvili (1870-1952) et de Nestor Bérichvili (1867-1935) (1). Il est le neveu de Noé Ramichvili (2) qui deviendra le 1er président du 1er gouvernement de la Ière République de Géorgie (3).

 

Une jeunesse militante



Il commence ses études à l'Université de Tiflis, nouvellement créée, dans le domaine de l'économie. Militant du Parti ouvrier social-démocrate géorgien (POSDG), il est arrêté et emprisonné en 1921, durant une année, après l'entrée des armées de la Russie soviétique sur le territoire géorgien.

En 1924, il prend part à l'insurrection nationale géorgienne à Tchiatouria, déclenchée avec une journée d'avance sur le plan prévu, émoussant l'effet de surprise (4).

 

L'exil et les premières missions clandestines en Géorgie



Il parvient à quitter la Géorgie par la Turquie et rejoint la France. En 1930, 1934, 1936 notamment, il est envoyé clandestinement en Géorgie par le gouvernement social-démocrate géorgien en exil à Leuville-sur-Orge (Seine et Oise) afin de recueillir des informations sur l'état de la société géorgienne et de communiquer avec les cellules de résistance qui subsistent.

Il devient membre du Bureau étranger du POSDG, dont le leader est Noé Jordania (5), 2àme et 3ème président du gouvernement de la Ière République de Géorgie, parti divisé en plusieurs tendances :

- les uns sont disposés à quitter la IIe Internationale socialiste comme le souhaite

[URL : 3217]

-qui finance les actions clandestines en Géorgie- afin de coaliser tous les partis politiques en exil,

- les autres relèvent d'un marxisme plus intransigeant dont Chalva Bérichvili est partisan.

Sur le terrain, il agit parallèlement aux missions clandestines du groupe "Caucase" (6), qui ne reconnaît plus l'autorité du gouvernement social-démocrate en exil.

Le 31 mai 1939, le colonel Zakaïa et A. Zourabichvili, président et secrétaire général de l'association des Anciens combattants géorgiens résidant en France -affiliée à la Fédération nationale des associations de mutilés, de victimes de guerre et d'anciens combattants-, lui délivre la carte numéro 147.

Il est choisi par le gouvernement social-démocrate géorgien en exil pour prendre la responsabilité des futurs groupes géorgiens de renseignement basés en Iran et en Turquie. A ce titre, il est nommé conseiller officieux pour les questions caucasiennes auprès de l'état-major du général Weygand, chef des Opérations de l'armée française pour la Méditerrannée orientale, résidant en Syrie.

En septembre 1939, il établit le contact à Alep.

 

Plan soviétique en Asie mineure éventé



En octobre 1939, Chalva Bérichvili entre une nouvelle fois clandestinement en Géorgie et rejoint Tbilissi. Il contacte des membres de l'organisation secrète social-démocrate et grâce à des ramifications jusqu'à Moscou, il amasse un maximum d'informations militaires et politiques. Considérant l'énorme risque auquel il expose ses interlocuteurs, il revient deux jours après en Turquie.

Il livre le résultat de sa mission aux officiers de renseignement britanniques, français et turcs réunis dans une alliance contre le pouvoir soviétique,

"Les forces soviétiques ont été renforcées dans le Caucase. Batoumi dispose de l'artillerie la plus avancée. Toutes les villes du Caucase sont équipées de DCA. Des exercices de protection civile sont régulièrement partiqués. Des forces soviétiques supplémentaires ont été déployées à la frontière de l'Iran.

Staline aurait pour plan d'étendre le territoire soviétique au détriment de la Turquie. Il exigera la fermeture des Détroits de la mer Noire, l'installation d'une base soviétique dans le Bosphore et le retour aux frontières de 1914. En cas de refus, il suscitera une soviétisation de la Turquie : les commissaires politiques de l'Armée rouge du Caucase suivent des cours de langue turque, des propagandistes sont formés à Moscou afin d'encadrer les futures administrations soviétiques en Turquie. Staline aurait également planifié l'annexion de l'Azerbaïdjan iranien
".

La majorité de ces informations sera ensuite recoupée par les différents services de renseignement concernés.

 

Participation à la préparation du plan des Alliés dans le Caucase



En mars 1940, il adresse différentes lettres à Alexandre Ménagarichvili, secrétaire du Conseil de la confédération du Caucase (instrument du Mouvement Prométhée), dans lesquelles il apparaît qu'il a informé le pouvoir turc de l'infiltration par le NKVD de la branche des nationaux-démocrates géorgiens antérieurement adhérente au Mouvement Prométhée et qui s'en est désolidarisée (tendance Alexandre Assathiani). Non seulement, il dissuade ainsi les autorités turques de les aider en cas de missions clandestines vers la Géorgie, mais il les discrédite auprès du 2e Bureau de l'armée française et de la Sûreté nationale auprès de qui ils se sont manifestés. Il rend plus difficile encore toute tentative de réconciliation des partis politiques géorgiens en exil, hypothèse à laquelle il s'est toujours opposé.

Il est sollicité par les Britanniques et les Français pour la préparation du plan qui viserait à couper l'approvisionnement de l'Allemagne en pétrole caucasien, que lui fournit l'URSS.

Dans un 1er temps, les services secrets britanniques, français et turcs s'accordent sur le rôle de chacun vis-à-vis des groupes clandestins géorgiens de renseignement basés sur le territoire turc (et iranien). Chalva Bérichvili est confirmé à leur direction. Les Français financent l'entreprise (par l'attaché militaire à Istanbul, Robert Leleu), fournissent les armes, les appareils radios et les autres équipements. Les Turcs aident à infiltrer les agents géorgiens en Géorgie et à les exfiltrer au retour. Les renseignements politiques, militaires et économiques seront transmis à la France, à la Grande-Bretagne et à la Turquie. S'il est discrétement sollicité par les services turcs afin de coopérer directement avec eux, son refus personnel gèle les opérations pour quelques semaines.

Dans un 2ème temps, début avril, les Britanniques et les Français s'accordent sur un plan d'attaque du Caucase.

"L'aviation britannique bombardera Bakou. L'aviation française bombardera Batoumi et Grozny. Les sous-marins alliés neutraliseront les pétroliers soviétiques en mer Noire. Les voies ferrées seront détruites par des saboteurs".

Les groupes clandestins de Chalva Bérichvili ont pour mission de recueillir des informations sur les possibilités de lâcher des parachutistes sur l'Ouest de la Géorgie (7), de sabotage de l'oléoduc Bakou - Batoumi, de trafic des pétroliers allemands et soviétiques entre Batoumi / Poti en Géorgie et Constanta en Roumanie.

A mi-avril, il envoie Léo Pataridzé à Constanta, fait former et équiper ses hommes de radio afin de pouvoir communiquer d'une rive à l'autre de la mer Noire.

Début mai, il dirige le 1er groupe clandestin entré en Géorgie. Simon Goguibéridzé et David Erkomaichvili (8) font de même avec un 2e groupe.

L'entrée de l'armée allemande sur le territoire français, et la défaite française, mettent fin au projet.

 

Le recrutement par le NKVD soviétique



Selon l'historien d'origine géorgienne Georges Mamoulia, s'appuyant sur les archives soviétiques, "A l'été 1940, Chalva Bérichvili propose ses services au NKVD. A l'automne, il est conduit de Tbilissi à Moscou, rencontre Lavrenti Béria et est recruté sous le nom de code Omeri". Il est renvoyé en Turquie et aurait transmis durant deux années des informations sur les émigrations géorgiennes en Turquie, en France et en Allemagne.

L'historienne française Françoise Thom, biographe de Lavrenti Beria, apporte une hypothèse complémentaire : Chalva Berichvili aurait été recruté par Beria "à titre privé" et le recrutement par le NKVD n'aurait été qu'une couverture. Beria, qui se considérait comme le dauphin de Staline, préparait l'après-guerre et aspirait à remplacer l'URSS par une Fédération d'Etats indépendants : il aurait eu besoin de Chalva Berichvili pour préparer un gouvernement de coalition en Géorgie avec une partie des émigrés géorgiens.

En avril 2011, la famille Bérichvili conteste ces versions et met en doute la "qualité" d'historien de Georges Mamoulia : "Chalva Bérichvili a effectué six missions clandestines en Géorgie sous contrôle complet du gouvernement géorgien en exil (1930, 1934, 1936, 1939, 1940 et 1943). Lors de sa dernière mission, il est arrêté par le NKVD et condamné à mort. Sa peine est commuée en emprisonnement, il sera libéré 25 ans après".

En effet, fin 1942, il est arrêté par le NKVD.

En 1944, il est condamné à 25 ans de prison, peine qu'il accomplit à 280 kilomètres de Moscou.

Après sa libération, il vit une vingtaine d'années en Géorgie sous le régime soviétique et meurt en 1988.

 

L'homme



Réputé courageux physiquement, Chalva Bérichvili était originaire d'une région de Géorgie qui avait proclamé son indépendance au début du XXe siècle afin de former une éphémère République sociale démocrate de Gourie. Traversée par tous les courants "d'agitation et de propagande", cette région a fourni de nombreux cadres politiques à l'Empire russe, à la République démocratique de Géorgie, à l'URSS et aujourd'hui à la République de Géorgie, de Noé Ramichvili à Edouard Chévardnadzé.

Marxiste intransigeant selon ses contemporains, s'opposant fondamentalement aux composantes du mouvement national géorgien (9), il aurait informé, à partir de l'automne 1940, le NKVD des agissements de certains émigrés politiques géorgiens (selon l'historien Georges Mamoulia).

Il travailla directement auprès de Noé Jordania (2ème et 3ème président du gouvernement de la Géorgie, son mentor, qui défendait de son exil à Leuville-sur-Orge l'indépendance de son pays), et fut amené à rencontrer Jozef Pilsudski (président de la Pologne, soucieux d'affaiblir l'URSS, financier d'opérations tournées contre elle), le général Weygand (chef des opérations françaises en Méditerrannée orientale, à l'époque de l'alliance entre l'URSS et l'Allemagne), une noria d'officiers supérieurs de différents services secrets (Turcs, Britanniques,..), ainsi que Lavrenti Béria (Géorgien au service de l'URSS, adjoint direct de Staline et chef du NKVD), toujours selon Georges Mamoulia.

Agent secret, voire agent double, deux versions s'opposent aujourd'hui au sujet de Chalva Bérichvili, comme elles s'opposaient hier au sein de la communauté géorgienne en exil en France.

 

Notes



(1) La famille Bérichvili est d'origine paysanne et compte 8 enfants, Malakia (1893-1921), Nina (1896-1939), Chalva, Tité (1902-1939), Géronti (1904-1984). Noé (1906-1996). Vincenti (1915-1942) et Mamia (1917-2003). Ce dernier enrôlé comme médecin dans l'Armée rouge, sera fait prisonnier par l'armée allemande et émigrera en France à la fin de la IIe Guerre mondiale, avant d'être envoyé lui aussi en mission clandestine en Géorgie par le gouvernement social-démocrate géorgien en exil, en 1949, 1951 et 1953.

(2)

[URL : 2494]



(3)

[URL : 2495]



(4) Si l'insurrection nationale géorgienne des 28 et 29 août 1924 permet au gouvernement social-démocrate en exil d'attirer l'attention des grandes puissances internationales sur le sort de la Géorgie et de différer la reconnaissance de l'URSS, elle ne libère pas le pays : le prix en est lourd, des milliers d'éxécutions sommaires et des milliers de déportations sous la pression de la police politique soviétique, la Tchéka.

(5)

[URL : 2083]



(6)

[URL : 3218]



(7) Un bataillon géorgien, fort de 150 hommes, soldats de métier, mobilisés, volontaires, tous d'origine géorgienne, est formé en mai 1940 à Barcarès dans les Pyrenées Orientales, commandé par le capitaine Georges Odichélidzé, issu de la Légion étrangère française : il est destiné à rejoindre l'armée du général Weygand en Syrie et à participer à l'attaque du Caucase : "Non pour son efficacité numérique, mais pour le choc psychologique qu'il provoquerait sur la population géorgienne occupée par l'URSS".

(8) En 1957, au lieu-dit Le Jubilé à Leuville-sur-Orge (Seine et Oise), après être descendu d'un bus "Phocéens cars" en provenance de Paris, Porte d'Orléans, David Erkomaïchvili s'engage pour traverser la Nationale 20 qui semble dégagée de toute circulation, lorsqu'il est fauché par une voiture qui prend la fuite : il est mortellement blessé. Certains témoignages affirment que la voiture a accéléré avant l'impact, d'autres n'ont rien remarqué de semblable. La gendarmerie ne relève aucune trace de freinage.

(9) Peuvent être cités, les "monarchistes géorgiens", le groupe "Tethri Guiorgui" de Léo Kéresselidzé, l'Union des officiers géorgiens de Guiorgui Kvinitadzé, le groupe des "Conjurés de Géorgie" de Khaïkhosro Tcholokhachvili, le groupe "Caucase", le Parti national-démocrate fondé par Spiridon Kédia.

Sources multiples dont

- "Les combats indépendantistes des Caucasiens entre URSS et puissances occidentales. Le cas de la Géorgie (1921-1945)" de Georges Mamoulia, Paris, L'Harmattan, 2009, basé sur les archives du gouvernement géorgien en exil (BDIC, langue géorgienne), sur les archives du ministère de la Sécurité de la Géorgie (langue russe) et sur les archives du NKVD de l'URSS (langue russe),

- "Des Géorgiens pour la France, Itinéraires de résistance, 1939-1945" de Françoise et Révaz Nicoladzé, L'Harmattan, 2007,

- Internet : blog Aimé Blutin,

- archives familiales
.

 

 

Voir aussi:

- [URL : 3174]

 


 

 

David Charachidzé (1885-1935) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3871

Géorgie, Suisse et France : David Charachidzé (1885-1935), député et journaliste
2013-04-02

David Charachidzé est né en 1885 en Géorgie occidentale, à Bakhvri (1).

Très tôt, au lycée, il s'éveille aux idées progressistes et se rapproche du Parti social démocrate ouvrier géorgien qui vient de se créer.

 

Des études supérieures en Europe occidentale et des contacts avec les socialistes européens



Ses parents, des intellectuels (2), l'envoient poursuivre ses études supérieures en Europe occidentale, à Genève, puis à Leipzig.

Il lie des contacts avec les socialistes, plus particulièrement avec les socialistes belges, Emile Vandervelde déjà député et Camille Huysmans journaliste et futur député.

 

Un retour en Géorgie lors de la Révolution de 1905



En 1905, il rentre en Géorgie et participe aux mouvements sociaux contre l'Empire russe, et commence une carrière de journaliste qu'il n'arrêtera jamais.

Il devient rédacteur en chef de l'organe officiel du Parti social démocrate ouvrier géorgien, "Borba".

Pourchassé par la police politique du tsar Nicolas II, il regagne l'Europe et s'installe un temps à Genève, ville des proscrits. Il accueille, en 1908, son ami Sossipatré Assathiany, échappé des geôles de l'Empire russe et de la déportation en Sibérie.

En 1918, après la restauration de l'indépendance de la Géorgie et la proclamation (3) de la Ière République (4), il est élu député à l'Assemblée constituante et soutient les réformes du gouvernement présidé par Noé Jordania (5).

En mars 1921, après l'invasion de la Géorgie par l'Armée rouge, il prend le chemin de l'exil comme toute la classe politique géorgienne, d'abord à Constantinople, ensuite à Paris.

 

L'exil définitif en France



En 1924, il rejoint les positions de Nicolas Cheidzé et d'Irakli Tsérétéli (6), avec d'autres anciens députés, estimant que l'implantation de l'Armée rouge et de la Tchéka est trop profonde sur le territoire géorgien et laisse peu de chance à une insurrection nationale (7).

En 1930, à la suite d'un publication d'Henri Barbusse, compagnon de route du Parti communiste français, sur la Géorgie (8), il publie un livre retentissant préfacé par le socialiste Karl Kautsky :

"Henri Barbusse, les Soviets et la Géorgie".

David Charachidzé reprend point par point l'argumentaire d'Henri Barbusse. Il argumente sur

- l'orientation profondément démocratique de la Ière République de Géorgie, ses réussites sociales et économiques de mai 1918 à février 1921,

- le non-respect par la Russie soviétique du traité de paix signé le 7 mai 1920 avec la Ière République de Géorgie,

- la terreur instaurée à partir de mars 1921 par le pouvoir soviétique, notamment par la Tchéka.

 

L'homme



L'écriture de ce livre lui vaudra la rencontre d'une jeune secrétaire française, présentée par Irakli Tsérétéli, Héléne Toussaint qui deviendra sa femme : ils auront deux enfants,

- Georges (1930-2010) qui s'illustrera comme linguiste (9),

- Thamar (née en 1934) qui deviendra responsable de l'action vers les pays de l'Est au sein d'une ONG internationale et membre fondateur de l'Institut Noé Jordania de Paris .

David Charachidzé meurt en 1935.

 

Notes :



(1) Certains biographes mentionne Ozourguetti comme lieu de naissance. La confusion provient probablement des usages de la Légation géorgienne en France (1921-1933) [et de l'Office des réfugiés géorgiens en France (1933-1940) qui lui succède] : les grandes villes comme Tiflis, Koutaïs ou Batoum sont systématiquement retenues comme lieu naissance. Ozourguetti est la capitale de la Gourie.

(2) Sa famille compte dans ses membres le fondateur du journal satirique "Echmakis matrakhi" (Le fouet du Diable).

(3) La proclamation de la Ière République de Géorgie est effectuée le 26 mai 1918 par le Conseil national géorgien, conseil réunissant toutes les obédiences politiques géorgiennes, nationale démocrate, sociale fédéraliste et sociale démocrate.

(4)

[URL : 2495]

.

(5) Selon David Charachidzé "Le gouvernement n'est qu'une sorte de commission exécutive du pouvoir législatif. Il n'existe pas de poste de président de la République" : page 77, "H. Barbusse. Les Soviets et la Géorgie".

(6) Selon Charles Urjewicz "Au cours de l'année 1924, en compagnie d'I. Tsérétéli et de N. Tchkéidzé (membre du Gouvernement provisoire de 1917 et dirigeant du soviet de Petrograd), il s'oppose à la préparation de l'insurrection d'août qu'il considérait comme suicidaire" : page 296, "La Terreur sous Lénine", Le Sagittaire.

(7) L'insurrection nationale géorgienne sera brutalement réprimée par le pouvoir soviétique : 7 000 personnes seront fusillées et des dizaines de milliers envoyées en déportation.

(8) "Voilà ce qu'on a fait de la Géorgie" par Henri Barbusse, Editions Flammarion, Paris 1929. Dans ce livre politique, l'écrivain français reprend les thèses défendues par les marxistes-léninistes, ainsi que plus tard par les staliniens et par les trotskistes : en février 1921 le prolétariat russe est venu au secours du prolétariat géorgien suite à l'appel de ce dernier, au nom de la solidarité internationale.

(9)

[URL : 3004]

.

*

Sources :

- archives familiales,

- "
La terreur sous Lénine" de Jacques Raynac, avec Alexandre Skirda et Charles Urjewicz, Editions le Sagittaire, Paris, 1975,

- "
Henri Barbusse, les Soviets et la Géorgie" de David Charachidzé, Editions Pascal, Paris, 1930.

*

Remerciements à Thamar Bourand, née Charachidzé.

 

 

Voir aussi :

- [URL : 2084]

- [URL : 2083]

- [URL : 2087]

.
 


 

 

 

Georges Dékanozichvili (1867-1910) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2980

Géorgie et France : Georges Dékanozichvili (1867-1910), ingénieur et homme politique
2011-12-06

Giorgi Dekanozishvili

Georges Dekanozichvili est né en 1867 à Makhatra en Géorgie.

Il étudie à l'Ecole des mines de Saint-Pétersbourg et prend ensuite des fonctions d'ingénieur dans les mines de manganèse de Tchiatoura, à l'Ouest de la Géorgie.

Il s'intéresse rapidement à la politique et collabore à la presse engagée, Iveria notamment.

En 1899, il rejoint l'Allemagne, puis la France, où il apprend la langue.

A partir de 1901, il participe au mouvement de quelques intellectuels géorgiens comme Ivané Abachidzé (dit Kita), Chalva Alexis-Meskhichvili, Andro Dekanozichvili, Artchil Djordadzé (1), Guiorgui Laskhichvili, Tedo Sokhia et Varlam Tchekézichvili qui fondent le Pari social-fédéraliste géorgien. Leurs objectifs sont d'une part de répondre aux revendications sociales, mais aussi de répondre aux revendications nationales : ils préconisent la transformation de l'Empire russe en fédération dans laquelle la Géorgie bénéficierait d'un statut d'autonomie (2).

En 1902, il part au Brésil pour étudier le traitement du manganèse : il écrit un livre relatant son périple et la condition de vie des mineurs "Voyage au Brésil et sur l'île de Cuba".

En 1904 et 1905, durant la guerre entre le Japon et l'Empire russe, il aurait noué des liens avec les services secrets japonais et obtenu une aide financière afin de faire entrer clandestinement des armes en Géorgie. Ces armes auraient joué un rôle essentiel durant les révoltes de 1905 (3) .

Il meurt à Cannes en 1910 (4).

 

Notes

:

(1) En 1903, Artchil Djordjadzé publie à Paris le journal Sakartvelo, en langue géorgienne, et acheminé secrètement en Géorgie.

(2) Voir [URL : 2502]

(3) Source : lettre de Georges Kéressélidzé citée par l'historien Georges Mamoulia ("Les combats indépendantistes des Caucasiens entre URSS et puissances occidentales. Le cas de la Géorgie", Edition l'Harmattan, Paris 2009).

(4) Les archives nationales de Paris disposent de 2 cartons (345AP/1 et /2) contenant les journaux personnels de Georges Dekanozichvili (de 1904 à 1910), de sa femme Henriette Dekanozichvili (de 1888 à 1902), de papiers de famille, de correspondances reçues, d'articles et de textes divers sur la Géorgie, en langues géorgienne et française.


 

 

Evguéni Guéguétchkori (1881-1954) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2081

Géorgie et France : Evguéni Guéguétchkori (1881-1954), homme d'Etat transcaucasien
2011-12-06

Evgeni Gegetchkori ou Gegetjkori

Député social-démocrate à la IIème Douma de Saint-Pétersbourg (mars 1907), haut-commissaire à la Transcaucasie (novembre 1917), ministre des Affaires étrangères du 3ème gouvernement homogène social-démocrate (février 1919 à mars 1921) de la Ière République de Géorgie, Evguéni Guéguétchkori meurt en exil en France.

Issu d'une famille de l'Ouest de la Géorgie, dont l'un des ancêtres aurait été anobli lors de la guerre contre les Ottomans, Evguéni Guéguétchkori fut l'un des dirigeants les plus éminents du Caucase du début du XXème siècle (1).

 

La sociale-démocratie et la Transcaucasie



De 1907 à 1912, il est député au titre de la Géorgie à la IIéme Douma russe.

En octobre 1917, Il est nommé Haut-Commisaire à la Transcaucasie par le gouvernement provisoire d'Alexandre Kerenski : cette juridiction réunit le territoire de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie et des territoires qui seront ensuite annexés par l'Empire ottoman.

Après la révolution d'octobre à Petrograd, il ne reconnaît pas les autorités bolchéviques. Il reste sur l'idée d'une Russie parlementaire dans laquelle les nationalités s'exprimeraient et la justice sociale s'établirait ("ligne politique dite russophile" selon certains observateurs de l'époque) et est favorable à la poursuite de la guerre sur le front turc, où les troupes tsaristes ont infligé une sévère défaite aux troupes ottomanes.

Le 10 février 1918, il est reconduit à la tête de l'Exécutif par l'Assemblée provisoire de Transcaucasie (la SEÏM) constituée avec les représentants arméniens, azéris, géorgiens et russes qui avaient été élus à l'Assemblée constituante russe.

Le traité de paix séparée signé à Brest-Litovsk par la Russie bolchévique et l'Empire allemand accorde des districts arméniens et géorgiens à l'Empire ottoman. Après le refus de la SEÏM et de son Exécutif d'accepter cette clause, l'armée ottomane envahit Batoumi le 1er avril. Le négociateur transcaucasien, Akaki Tchenkéli, réussit à convaincre la SEÏM que la solution est d'accepter un protectorat de fait de l'Empire allemand pour contenir l'Empire ottoman ("ligne politique dite germanophile") : Evguéni Guéguétchkori est remplacé à la tête de l'Exécutif.

 

L'homme d'Etat géorgien



Après la restauration de l'indépendance de la Géorgie le 26 mai 1918, après la défaite militaire de l'Empire allemand, il rejoint le gouvernement homogène social-démocrate présidé par Noé Jordania pour y prendre la responsabilité des Affaires étrangères.

L'action d'Evguéni Guéguétchkori rencontre différents écueils : la division de la Transcaucasie, les réserves des Alliés franco-britanniques vis-à-vis d'une Géorgie qui avait accepté un protectorat de fait de l'Empire allemand, les arrières-pensées de la Russie bolchévique, les appétits territoriaux des "Jeunes Turcs" sur le point de prendre le pouvoir au sein de l'Empire ottoman.

Les questions de la reconnaissance internationale de la Géorgie et de l'admission à la Société des Nations lui échappent. Le président du Parlement provisoire géorgien, Nicolas Cheidzé, est envoyé début 1919 à la Conférence de la Paix de Paris avec un ministre plénipotentiaire, Irakli Tsérétéli. Evguéni Guéguétchkori n'en prend pas ombrage : sa complicité personnelle avec Irakli Tsérétéli l'explique, ils appartiennent à la même génération et ont siégé ensemble à la Douma russe.

Avec le départ des troupes allemandes, et celui prévisible des troupes britanniques, les menaces potentielles russes (tant les armées blanches que l'Armée rouge) et ottomanes se précisent : Evguéni Guéguétchkori tente d'organiser une entente avec l'Arménie et avec l'Azerbaïdjan lors de conférences à Tiflis, en avril et juin 1919, sans succès significatif.

En mai 1919, la Grande-Bretagne exprime son mécontentement. Elle aurait souhaité que la Géorgie soutienne l'action de l'armée blanche de Denikine contre l'Armée rouge de Trotski. Londres annonce le départ de ses troupes d'Adjarie, afin de ne pas compromettre les négociations secrètes en cours avec la Russie bolchévique.

A son tour, Tiflis négocie secrètement avec Moscou. Un secrétaire d'État, Grigol Ouratadzé, y est discrètement envoyé. La Russie bolchévique accepte de reconnaître l'indépendance de la Géorgie, aux conditions que cette dernière s'interdise de faire stationner des armées étrangères sur son territoire (la guerre civile russe est à son terme, différentes armées blanches cherchent un sanctuaire) et légalise un parti communiste géorgien. Evguéni Guéguétchkori s'oppose à ces clauses, il est mis en minorité dans le gouvernement. Le traité est signé à Moscou le 7 mai 1920.

Le consulat russe s'ouvre à Tiflis en juin 1920 : il abrite plusieurs centaines de personnes, diplomates, propagandistes et militaires. Le ton monte, Evguéni Guéguétchkori et le représentant russe, Sergueï Kirov, échangent propos et déclarations écrites, voire menaces vis-à-vis des citoyens géorgiens résidants en Russie. La Géorgie n'est pas en mesure de faire respecter la souveraineté retrouvée.

Le 27 janvier 1921, Aristide Briand, ministre français des Affaires étrangères, envoie une dépêche à Evguéni Guéguétchkori pour l'informer que le Conseil suprême de Versailles reconnaît de jure l'indépendance de la Géorgie, reconnue de fait seulement jusqu'alors : "... qu'après avoir pris connaissance de la décision par laquelle le Conseil suprême, à la date du 26 janvier 1921, a résolu de reconnaître de jure l'indépendance de la Géorgie ... les puissances alliées sont heureuses de pouvoir témoigner à nouveau la sympathie avec laquelle elles ont suivi les efforts du peuple géorgien vers l'indépendance et de l'admiration que leur inspire l'oeuvre qu'il a déjà accomplie ...".

La question de la frontière turco-géorgienne, héritée de la Fédération de Transcaucasie, est toujours pendante : "les Jeunes Turcs" ne s'opposent pas à l'indépendance de la Géorgie, ils revendiquent plusieurs territoires (dont l'Adjarie) et engagent un mouvement vers Batoumi.

Le 12 février, l'Armée rouge envahit la Géorgie sur quatre fronts.

Le 16 mars, l'Assemblée constituante géorgienne, repliée à Batoumi, vote l'expatriation du gouvernement pour continuer le combat.

Evguéni Guéguétchkori prend le chemin de Constantinople pour un exil définitif.

*

La légende lui attribue, ainsi qu'à certains de ses pairs, l'idée de faire libérer "les bolcheviques géorgiens" emprisonnés suite à leur tentative de coup d'État : ils pourraient ralentir l'avancée de l'Armée rouge vers l'Adjarie et permettre aux derniers détachements de l'armée géorgienne de repousser l'armée ottomane. Le 20 mars, le général géorgien Mazniachvili défait Kyazim - Bey et son armée, et sauve l'Adjarie. "Les bolcheviques géorgiens" au pouvoir à Tiflis depuis quelques jours entérinent la situation, en dépit de la position de Moscou qui avait cédé ce territoire à l'Empire ottoman lors du traité de Brest-Litovsk (2).

 

L'exil



Une autre légende attribue à Evguéni Guéguétchkori des échanges épistolaires avec les hauts dignitaires soviétiques tout au long de son exil en France. Dans les faits, il demeura profondément opposé à la politique soviétique dans le monde, en URSS et plus particulièrement en Géorgie.

En 1927, Evguéni Guéguétchkori est l'un des sept membres initiaux de la Société Civile Immobilière propriétaire de la résidence d'exil en France de la Ière République de Géorgie, aux côtés de représentants sociaux-démocrates, nationaux-démocrates, sociaux-fédéralistes (3).

Evguéni Guéguétchkori s'éteint à Paris en 1954. Il était marié à Olia Mgaloblichvili (1885-1963), avait eu un fils Sosiko (1911-1927) et une fille Martha, épouse Stouroua (1910-2005), ainsi que des petites-filles dont Roussoudane Stouroua (1933-2007). Ils reposent dans le "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.

 

Notes

:

(1) L'un des frères d'Evguéni Guéguétchkori, Sacha, fut ministre de l'Intérieur et vice-Premier ministre de la Géorgie soviétique de 1921 à 1928. Il se suicida en 1928, sous la pression de Moscou qui n'admettait pas que "les bolchéviques géorgiens" tentent de gouverner la Géorgie à la géorgienne. L'une de ses nièces épousa le Géorgien Lavrenti Béria, responsable de la Tchéka, du Guépéou et du NKVD, en Géorgie puis pour l'URSS.

(2) Depuis le XVème siècle, la lutte était acharnée entre Ottomans et Géorgiens. Dans un choc inégal et continu, la Géorgie avait perdu successivement le Lazistan, l'Ispir, l'Adjarie, la Meskhétie (Ardahan et Akhaltsikhé), la Dvjavakhétie (Akhalkalaki). Les populations géorgiennes y avaient été converties de force à l'Islam, les monuments chrétiens avaient été rasés ou transformés en mosquées.

(3) [URL : 1756].

*

Sources multiples :

- [URL : 2468]

- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia
.





 

 

Voir aussi

:

- [URL : 2502]

- [URL : 2495]

- [URL : 1033]

- [URL : 1720]

- photographie d'Evguéni Guéguétchkori aux obsèques de Nicolas Cheidzé, en 1926 à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]

- [URL : 1646]
 


 

 

Joseph Davrichachvili(1882-1975) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3131

Géorgie, Suisse et France : Joseph Davrichewy (1882-1975), révolutionnaire, aviateur, agent de contre-espionnage et écrivain
2013-04-02

Iossif, dit Sosso ou Zozo, Davrichachvili

Joseph Davrichewy est né à Gori, le 23 octobre 1882, et est le fils de Damian Davrichewy, officier de la police du tsar.

 

L'enfance



Il grandit dans sa ville natale, à 80 kilomètres à l'Ouest de Tiflis, dans une Géorgie intégrée à l'Empire russe depuis 80 ans. Parmi ses compagnons d'enfance se trouve Joseph Djougachvili (dit Sosso, Koba et plus tard Staline). Après quelques années à l'école paroissiale de Gori, il poursuit ses études au lycée de la perspective Golovinski, l'un des établissements les plus renommés de Tiflis.

Il s'intéresse très jeune aux idées du mouvement social fédéraliste géorgien qui prône le réveil de la nation géorgienne comme entité autonome au sein de l'Empire russe.

Son père l'envoie étudier à Paris, à la Sorbonne, afin de le soustraire à la tentation révolutionnaire.

 

La clandestinité en Géorgie



En 1905, il revient en Géorgie dès les prémices de soulèvement et s'engage dans la branche armée du Parti social fédéraliste : il participe à l'attaque de banques afin d'assurer son financement. Parfois allié à la branche armée du Parti social démocrate, parfois concurrent, il croise et recroise un autre "Sosso", bolchévique, que la police secrète du tsar Nicolas II -l'Okhrana- confond avec lui (aspect physique et origine de Gori).

Le 25 septembre, il prend part au soulèvement général de Tiflis contre les autorités russes.

A la fin de l'année, il prend la direction de la branche armée du Parti social fédéraliste. Il écrira dans ses mémoires "En ces temps là tout le monde s'armait n'importe comment et à n'importe quel prix".

Le 16 février 1906, il est le témoin de l'attentat qui coûte la vie au général Griazanov, le "boucher de Tiflis" commandant des Cosaques ; l'attentat est attribué à la branche armée du Parti social démocrate, mencheviks et bolcheviks encore réunis, dont fait partie Joseph Djougachvili.

Mi-1906, il attaque la Trésorerie de Doucheti, à la tête d'un commando et s'empare de 100 000 roubles (environ 1 million de dollars d'aujourd'hui), l'une des plus fortes sommes jamais dérobées par les révolutionnaires en Géorgie. Une querelle éclate entre les hommes qui veulent se partager le butin et qui s'entretuent. Les survivants émigrent pour échapper à l'Okhrana. La légende veut que ces roubles soient réapparus sur les tables des casinos de la Côte d'Azur française.

Devant la répression qui se développe en Géorgie et dans tout l'Empire russe, il gagne la Suisse où sa femme le rejoint- afin d'échapper à la déportation en Sibérie. Il affirmera plus tard qu'il avait été condamné à mort par contumace par les autorités russes.

 

L'émigration en Suisse



Il inquiète également les autorités helvétiques qui l'arrêtent un temps. Son fils Datho (1) naît à Lausanne en 1907. Sa femme, Anéta Tchidjavadzé, et son fils quitte la Suisse et retournent en Géorgie en 1910.

 

L'émigration en France



Il gagne ensuite la France. Le 11 novembre 1912, il obtient son brevet de pilote, numéro 1138.

A la déclaration de la Première guerre mondiale, il s'engage dans l'aviation militaire et devient l'un des héros français.

Une liaison avec Mata Hari, exécutée pour trahison en 1917, lui est parfois attribuée, mais elle tient de la légende journalistique selon ses descendants.

En 1919, il a un deuxiéme fils, Serge (2), avec une infirmière polonaise.

Il entre dans les services secrets français au contre-espionnage, sous les ordres du commandant Georges Ladoux. En mission, il se lie avec Marthe Richard, soupçonnée d'être une espionne allemande (3) et l'innocente.

En 1936, il est contacté secrètement par Staline, mais ne donne pas suite.

De 1939 à 1944, sous le nom de Jean Violan, il dirige le 2e Bureau clandestin des engagés volontaires étrangers à Saint Amand Montrond (Cher) et mène des actions contre la milice et l'occupant allemand. Son parcours est reconstitué en mai 2010, lors d'une enquête du journal "Le Berry" (en septembre et octobre 1939 à l'hôtel Chevrette, puis en octobre 1940 au même hôtel, et enfin 20 route de Bourges). En parallèle, il signe des articles dans le journal "Le Nouvelliste du Centre".

En 1953, après la mort de Staline, il écrit au rédacteur en chef du journal "Rivarol" "Le fait que Sosso Djougachvili soit le fils de mon défunt père est officiellement établi", accréditant la thèse de certains historiens qu'Ekateriné Guéladzé, épouse du cordonnier Vissarion Djougachvili, aurait été la maîtresse de Damian Davrichewy.

Le 30 juin 1966, la Télévision Suisse Romande diffuse dans son émission "Continent sans visa" un document du journaliste Jean-Pierre Goretta et du réalisateur Alain Tanner de 22 minutes, intitulé "Russes blancs", dans lequel il traite les Russes blancs de "cadavres ambulants", réitère le fait qu'il est le demi-frère de Staline et affirme qu'il a passé à tabac deux fois Trotsky.

En 1975, il décède à Paris.

Il était titulaire de la Légion d'honneur, de la Croix de guerre et de la Croix de Saint Georges.

 

L'écrivain



Il publie plusieurs ouvrages sous les noms de Jean Violan,

- *Dans l'air et dans la boue. Mes missions de guerre", Editions du Masque, Paris 1933,

- "Mémoires de guerre secrète T.3.", Editions du Masque, Paris 1933,

- "Astrakan, l'espion du Quartier Latin", Editions Baudinière, Paris, 1936,

ou de Joseph Davrichewy,

- "Ah! ce qu'on rigolait bien avec mon copain Staline", Edition J.C. Simon, Paris, 1979 (à titre posthume).

 

Notes



(1) Parmi sa descendance issue de David dit Datho (1907-1987), peuvent être cités

- avec Marguerite Matignon (1908-2002) épouse Davrichewy, Georges (1931-2004) dit Titi ou Yack (architecte DPLG) père de Kéthévane -écrivain- et de Nathéla -comédienne et chanteuse-), Alexandre (né en 1936) dit Sandriko (musicien de jazz) père de Stéphane, Irakli (né en 1940) -trompettiste de jazz et référence française sur Louis Amstrong- père de Jason,

- avec Tamar Vatchnadzé (née en 1931) épouse Davrichachvili, Artchil (né en 1955) -recteur de la paroisse géorgienne Sainte Nino de Paris- père de Vakhtang et Barbara, Hélène (née en 1956), Elisabeth (née en 1958) dite Liziko mère de Tamar, Kéthévane (née en 1964) dite Kétino, Anne (née en 1967) dite Anéta mère de Datho, Chalva (né en 1971) dit Chaliko père de Lilé, Sophie(1972) dite Sopiko mère de Luka et Matéo.

(2) Parmi sa descendance issue de Serge Davri, né en 1919, il convient de citer son petit-fils Bruno et son arrière-petit-fils Philippe. Serge Davri débute dans le spectacle avec Georges Dalibon accordéoniste / vibraphoniste -dit Dali-, il devient ensuite fantaisiste à l'Alcazar, puis tourne dans une vingtaine de films entre 1958 et 1974, et dans différentes séries télévisées au début des années 1980.

(3) A partir d'un roman du commandant Ladoux, auquel Joseph Davrichewy aurait fourni des faits d'armes imaginaires, Raymond Bernard tourne en 1937 un film avec Edwige Feuillère et Eric von Stroheim, Marthe Richard, espionne au service de la France". Ce film alimente la légende d'une espionne de haut vol, légende mise à mal en 1976 par Charles Chenevier, qui voit en Marthe Richard une femme légère, mensongère, depuis ses études à l'Institut catholique de Cirey-sur-Vezouze (Meurthe et Moselle) -à la fin du XIXe siècle- jusqu'à son élection au Conseil municipal de Paris -au milieu du XXe siècle- où elle fera voter la fermeture des maisons closes.


Sources multiples, dont "Le Jeune Staline" de Simon Sebag, Calmann Levy, Paris 2008.

Remerciements à Irakli, Annick et Stéphane Davrichewy, à Artchil Davrichachvili et à Kéthévane Davrichachvili pour certaines précisions
.

 

 

Voir aussi

- filmographie Serge Davri :
[URL : http://www.cinema-francais.fr/les_acteurs/acteurs_d/davri_serge.htm]

- arbre généalogique :
[URL : http://gw4.geneanet.org/quevilly?lang=fr&pz=youna+marie+maelle&nz=davrichewy+ou+davrichachvili+de&ocz=0&m=D&p=joseph&n=davrichewy+de&sosab=10&alwsurn=yes&t=T&color=&v=4]

- [URL : 3432]

- [URL : 3547]


 

Valiko Djoughéli (1887-1924) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/5290

Géorgie, France et Géorgie : Valiko Djoughéli (1887-1924), chef de la Garde nationale
2014-01-14

Djougheli, Djureli

Intellectuel, militant social-démocrate, Valiko Djoughéli se voit confier le commandement de la garde nationale lors de l'instauration de la Ière République de Géorgie, le 26 mai 1918.

 

Chef de la garde nationale



Composée de miliciens et de volontaires, parfois indisciplinés et échappant au contrôle de son encadrement, la Garde nationale -parfois appelée garde populaire- est issue de la garde rouge qui s'était formée en 1905 : Valiko Djougheli rend compte directement à l'Assemblée parlementaire (provisoire, puis Assemblée constituante) et non au gouvernement.

Il se voit confier des missions "militaires" (1) et de "maintien de l'ordre", à la frontière ottomane (relevant les gardes-frontières de l'Empire russe et essayant de contenir les avancées turques), en Abkhazie (essayant de contenir les avancées de l'armée russe tsariste de Denekine), dans la région de Tskhinvali (insurrection ossète et exactions attribuées en représaille à la Garde nationale) et enfin lors de l'invasion de l'Armée rouge en février /
mars 1921.

 

L'exil à Leuville-sur-Orge



Il émigre avec la classe politique géorgienne à Constantinople, puis à Leuville-sur-Orge : il y reste deux années avant de se voir confier -en février 1924- une mission secrète (2) sur le territoire géorgien, la préparation d'une insurrection nationale (3).

 

La préparation de l'insurrection nationale géorgienne d'août 1924



Selon certains témoignages, il aurait fait preuve d'imprudence dans les rues de Tiflis, aurait été reconnu et ne se serait pas caché. Selon d'autres témoignages, la lutte féroce entre la police politique transcaucasienne (Tcheka) et la police politique géorgienne (à laquelle appartenait Lavrenti Beria), disposant chacune de leurs indicateurs et de leurs personnels infiltrés au sein du mouvement social-démocrate, ne lui laissait aucune chance.

Il est arrête et emprisonné.

Plusieurs versions de témoignages se contredisent. Selon les uns, ayant compris que la préparation de l'insurrection a été éventée. il aurait proposé à la Tcheka de prévenir les conjurés afin d'annuler l'ordre insurrectionnel; la Tcheka aurait refusé; il serait néanmoins parvenu à faire passer clandestinement un message, reçu par ses amis comme une provocation bochévique. Selon les autres, voyant sur le terrain le peu de chance de réussite de l'insurrection, il aurait voulu éviter un bain de sang.

Il est exécuté.

 

Notes



(1) Les gouvernements successifs de la Ière République de Géorgie ne manifesteront pas toujours une totale confiance vis-à-vis de l'armée régulière géorgienne composée d'officiers supérieurs et d'officiers formés dans les académies militaires tsaristes. La conscription ne permetta pas de former en 32 mois une armée professionnelle ; son encadrement se plaindra à plusieurs reprises de son manque d'équipement, à l'inverse -selon lui- de la garde nationale.

(2) D'autres dignitaires sociaux-démocrates sont envoyés clandestinement en Géorgie, dont Noé Homériki (ancien ministre de l'Agriculture) et Bénia Tchkivichvili (ancien maire de Tiflis).

(3)

[URL : 3908]

 


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Joseph Eligoulachvili (1890-1952) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3541

Géorgie et France : Joseph Eligoulachvili (1890-1952), figure de la communauté juive
2013-03-25

Joseph Eligoulachvili est né le 12 novembre 1890 à Koutaïssi, en Géorgie occidentale, dans une famille juive dont le père, Aaron, est le patriarche, et au sein d'une fraterie de trois soeurs et de sept frères (1).

 

Des études à Moscou



Après ses études primaires et secondaires en Géorgie, il étudie l'économie à l'Institut du commerce de Moscou.

Ses idées progressistes, en opposition avec le régime politique instauré par le tsar Nicolas II, lui valent d'être arrêté et jeté dans les prisons de l'Empire russe.

Libéré, il assiste en octobre 1917, à Moscou, à la prise de pouvoir par la force des bolchéviks.

 

Des responsabilités politiques durant la Ière République de Géorgie



Il retourne en Géorgie et adhère au Parti ouvrier social démocrate géorgien.

Après le 26 mai 1918, date de la restauration de l'indépendance et de la proclamation de la Ière République de Géorgie -dont il signe l'acte-, il est chargé d'une mission économique en Europe.

En février 1919, il est élu à l'Assemblée constituante, ainsi que deux autres députés de confession juive.

Il est ensuite nommé secrétaire d'Etat aux finances auprès du ministre des Finances, du commerce et de l'industrie, Constantiné Kandélaki (2), dans le troisième gouvernement -homogène social démocrate- présidé par Noé Jordania (3).

En février 1921, devant l'avancée des armées de la Russie soviétique, il participe au sauvetage du trésor national géorgien conduit par Ekvtimé Takhaïchvili (4), qui sera abrité en France durant 25 ans.

 

Une figure de la communauté juive géorgienne en France



Il quitte la Géorgie pour ne plus jamais y revenir, d'abord pour Constantinople, puis pour Paris où le rejoindront la quasi totalité de ses frères et soeurs.

Il fonde et dirige une entreprise de bonneterie et de soierie, devient une figure de la communauté juive au sein de l'émigration géorgienne en France.

En 1926, après le suicide à Leuville-sur-Orge de Nicolas Chéidzé -président de l'Assemblée constituante et du Parlement géorgien- (5), la famille Eligoulachvili et particulièrement Joseph apporte une aide morale et matérielle à sa veuve et à sa fille Véronique, toutes deux dans une grande détresse. Cette fidélité au meilleur tribun, et chef de l'opposition, à la Douma russe dans les années 1910, ne sera jamais démentie : les archives familiales de Véronique Cheidzé, devenue Grassmann, en témoignent.

[... Dès octobre 1940, Adrien Marquet, ministre du maréchal Pétain (ancien membre de la SFIO et de la délégation socialiste ayant visité la Géorgie en 1919) intervient auprès d'Evguéni Guéguétchkori (6) pour l'informer du danger qui menace les juifs géorgiens exilés en France. Quelques mois plus tard, Michel Kédia (homme politique géorgien en exil proche des autorités allemandes) (7) est sollicité pour une intervention. Les juifs géorgiens sont dispensés de la mention "JUIF" sur leur pièce d'identité ...

... Joseph Eligoulachvili (8) oeuvre avec Sacha Korkia (9) et Sossipatré Assathiany (10) au sein d'un comité restreint afin "d'élargir" le champ d'application de la mesure d'exception. Ils sauvent deux cent cinquante familles juives de la déportation en leur délivrant des "certificats d'authenticité de nationalité géorgienne", dont une bonne part est originaire des Balkans, d'Espagne, d'Iran et du Turkménistan ...]

Fin 1943, cette protection des juifs géorgiens ne joue plus : ils doivent entrer dans la clandestinité pour échapper à la déportation.

Joseph Eligoulachvili meurt en 1952, figure respectée de la communauté juive géorgienne en exil, personnalité de l'émigration géorgienne et personnalité de la communauté juive en France.

Selon Françoise et Révaz Nicoladzé, le ministre Constantiné Kandélaki le salue de la manière suivante :

[... L'unité entre les Géorgiens, sa lutte pour l'indépendance, la générosité étaient ses idéaux ... Il respectait toutes les nations et toutes les religions ... L'instance suprême restant pour lui l'Histoire de la Géorgie...].

En 1996, à Copenhague, lors d'une commémoration des victimes juives de la IIème guerre mondiale, en présence de l'ambassadeur d'Israël en France et de Léon Eligoulachvili, neveu de Joseph, est déclaré

[...Trois Etats ont sauvé leurs juifs, les Danois, les Bulgares et une Nation sans patrie, la Géorgie ...] (11).

 

M.M.



 

Notes

:

(1) La fraterie Eligoulachvili est composée de Rapiel -Raphaël-, Mariam -Marie- , Iakob -Jacques-, Solomon -Salomon- , Joseb -Joseph-, X , Beniamin -Benjamin-, Ana -Anne-, Douchky -Mathilde- , Davit -David- .

(2) [URL : 3121]

(3) [URL : 2083]

(4) En 1945, le Trésor national géorgien composé de centaines d'objets pécieux (manuscrits anciens, pièces de toreutique et d'orfèvrerie, émaux cloisonnés, îcones ciselés d'or et d'argent, croix d'autel et de procession, coupes, ostensoirs, ...) prit le chemin du retour après que Joseph Staline se soit engagé auprès de Charles De Gaulle à ce qu'il revienne à la Géorgie et non à l'URSS. Voir [URL : 2082].

(5) [URL : 2084]

(6) [URL : 2081]

(7) [URL : 2922]

(8)Joseph Eligoulachvili est à l'époque président du groupement des Géorgiens de confession mosaïque en France.

(9) Sacha Korkia est responsable de la section géorgienne de l'Office des réfugiés caucasiens en France créé par l'occupant allemand. Ayant vécu en Allemagne, ayant eu un fils de nationalité allemande, mobilisé dans l'armée allemande et tué lors d'une opération en Crète, Sacha Korkia a la confiance des autorités allemandes.

(10) Sossipatré Assathiany est responsable de la section géorgienne de la délégation à Paris du Bureau des apatrides créé par l'Etat français de Vichy. Voir aussi [URL : 3546]

(11) Si la Géorgie n'a pas connu de pogrom tout au long des siècles, le professeur français Charles Urjewicz (INALCO) rappelle volontiers que des violences et des saccages ont été exercées à l'encontre des juifs sur le territoire géorgien durant les années 1870 et 1880, années de tentative de russification des élites géorgiennes.

*

Sources .

- archives familiales,

- archives personnelles Véronique Grassmann, née Chéidzé,

- "Des Géorgiens pour la France. Itinéraires de résistance, 1939-1945" de Françoise et Révaz Nicoladzé, Editions l'Harmattan, Paris, juin 2007, pages 60 à 63,

- Office des réfugiés géorgiens par OFPRA,

- Websites, dont Jemal Simon Ajiachvili
.

*

Remerciements à Dominique Gautier-Eligoulachvili.

 

 

Voir aussi :

- [URL : 2495]

- [URL : 1720]

- Photographie des hommes politiques géorgiens en exil aux obsèques de Nicolas Cheïdzé

- [URL : 4374]

[URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]


 

 

Vladimer Gogouadzé (1880-1954) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3152

Géorgie et France : Vladimer Gogouadzé (1880-1954), commandant de trains blindés
2011-12-24

Gogouadzé Volodia, Valodia dit Lado

L'enfance et le service militaire



Volodia Gogouadzé naît en 1880 (1) en Gourie, province occidentale de La Géorgie, dans le village de Tchantchati. Ses parents, Elizabedi et Saba, sont des petits cultivateurs et il doit quitter l'école à l'âge de 10 ans. De 11 à 20 ans, il s'emploie tour à tour dans le commerce de bois, une usine de pétrole à Batoumi, une scierie et une exploitation forestière, avec des retours à la maison familiale lorsque la malaria le prend.

Il est appelé au service militaire dans les armées du tsar, à Odessa en 1900 : il se distingue lors des épreuves de tir. Il participe à la campagne victorieuse de Mandchourie, en 1901. Avant d'être libéré fin 1902, il sort diplômé de l'Ecole des sous-officiers.

 

La révolution de 1905



Il suit ensuite l'Ecole des Chemins de fer de Tbilissi et est nommé conducteur de train de marchandises à Bakou. En 1904, il rejoint la section sociale démocrate des chemins de fer de Bakou dans laquelle cohabitent encore bolcheviks et mencheviks.

En février 1905, il participe aux grandes grèves de Transcaucasie et est emprisonné 40 jours à la prison Baïlov. A sa sortie, il se joint au groupe armé de la section sociale démocrate des chemins de fer de Bakou et en prend la responsabilité (2). La révolution est vaincue, mais il continue la fabrication d'engins explosifs et l'entraînement des hommes. Au printemps 1906, il est jugé par contumace par la Cour martiale et sa tête est mise à prix.

 

La clandestinité



Au cours de différentes tentatives d'arrestation, il abat plusieurs membres de la police secrète -l'Okhrana-, de la police et de la gendarmerie. Au cours de missions en service commandé, il élimine un certain nombre d'indicateurs ou de représentants du pouvoir tsariste qui ont contribué à la neutralisation de sociaux démocrates, ainsi que des brigands qui rançonnent petits et grands en toute impunité devant l'incurie des autorités (3).

Il quitte la région de Bakou en 1909 et rejoint la Gourie. Le 11 mai 1916, lors de la protection d'un ingénieur -bâtisseur de pont sur la rivière Gobazoouli et rançonné pour pouvoir poursuivre son travail-, il est grièvement blessé à la rotule. Soigné trop tardivement (les rançonneurs et les gendarmes le pourchassent), il boitera définitivement.

 

La chute de l'Empire russe



En septembre 1917, ä Tbilissi, après de multiples opérations chirurgicales et une courte période de convalescence, il est sollicité par le Soviet d'ouvriers et de paysans afin d'entraîner militairement les premiers éléments de la "Garde rouge".
Le 12 décembre, cette "Garde rouge" s'empare de l'Arsenal afin de se procurer des armes et d'équiper un plus grand nombre d'hommes (4).

En janvier 1918, il prend le commandement de son premier train blindé (5). Il intervient contre les soldats russes libérés du front turc par la paix soviético - ottomane de Brest - Litovsk et fauteurs de trouble (Bakou, Koutaïssi, Tbilissi), contre des groupes armés "tatars" (dénomination des Azeris à l'époque) (Gandja et Dzegami) et contre des mutinerie de soldats géorgiens (Telavi).

 

L'indépendance de la Géorgie



En mars 1918, la pression militaire de l'Empire ottoman sur l'Adjarie s'accentue et son train blindé participe aux combats de Kobouléti, Tchakvi et Natanébi : le 8 avril, il l'introduit dans les lignes ennemies par le pont de Tcholoki et surprend l'assaillant avec l'aide des renforts envoyés par le général Mazniachvili (6). Avec trois trains blindés, il attaque l'armée turque près du fleuve Khram, à Achagséra, le 9 juin, à Bortchalo, à Alaverdi et à Sanaïan, le 14 juin (7).

En décembre 1919, les forces arméniennes -appuyées par des éléments de la "Garde blanche" russe- s'emparent de la région de Bortchalo : il rejoint le front le 9 décembre avec deux trains blindés et combat jusqu'au 15 décembrere 1919 : l'arrivée des forces britanniques, envoyées par la Conférence de la Paix de Paris, met fin aux hostilités.

 

L'exil en France



Après l'invasion de la Géorgie par l'armée de la Russie soviétique, en mars 1921, Volodia Gogouadzé et sa femme Namétia, née Berdzénichvili, suivent l'exil de la classe politique en France. Ils s'installent dans la résidence des Géorgiens à Leuville-sur-Orge (Seine et Oise), dans un petit pavillon, à gauche de l'entrée du parc, gardiens de l'histoire des trains blindés et gardiens de l'histoire de l'émigration dans une commune française devenue un peu terre géorgienne.

Volodia Gogouadzé décède en 1954, à l'âge de 73 ans.

Namétia Gogouadzé décède en 1988, à l'àge de 97 ans, après avoir été, durant des décennies, l'animatrice du Foyer qui rassemblait les Géorgiens habitant la résidence et leur lien avec la population et les autorités de Leuville-sur-Orge, sous le nom de Mme Lado (8).

 

Notes

:

(1) La pierre tombale de Volodia Gogouadzé porte 1881 comme année de naissance.

(2) Volodia Gogouadzé cotoie les leaders de la sociale démocratie géorgienne comme Isidore Ramichvili et Vlassa Mguéladzé.

(3) En 1908, à Bakou, le millionnaire "tatar" Moussa Naguïev, enlevé pour rançon par des brigands, est libéré par le groupe armé de Volodia Gogouadzé car l'enlévement est attribué à tort "aux Géorgiens". Pour le remercier, Moussa Naguïev lui enverra plus tard, clandestinement, de l'étranger des armes automatiques dont un fusil "Borkhate" (Petit éclair) qu'il utilisera jusqu'en 1921.

(4) Dans ces mémoires, Volodia Gogouadzé affirme qu'il conduisit l'attaque de l'Arsenal de Tbilissi.

(5) Ce premier train blindé était composé de deux locomitives (dont une Westinghouse) et de deux wagons, transportants 90 personnes dont 70 soldats armés d'une carabine et d'un revolver chacun, disposant de 2 mortiers et de plusieurs mitrailleuses Maxim et Lewis.

(6) Le combat et la victoire sur le pont de Tcholoki, le 8 avril 1918, vaut à Volodia Gogouadzé d'être invité à une séance de l'Assemblée de Transcaucasie, le 12 avril. Conduit par Noé Jordania à la tribune, il entend Irakli Tsérétéli et Evguéni Guéguétchkori louer son action militaire et lui décerner la décoration de "Premier héros de la Révolution".

(7) C'est au cours de cette campagne contre l'armée turque, en juin 1918, que Volodia Gogouadzé conduisit un nouveau combattant au front, sa femme Namétia alors âgée de 27 ans.

(8) Souvenirs : "Pour les enfants issus de l'émigration géorgienne en France, Valodia, avec sa démarche chancelante et sa canne, était un héros sorti d'un livre d'histoire que l'on imaginait perché sur son "rkinis ouremi", (littéralement chariot de fer), attaquant et vainquant les bandits et les ennemis. Nametia était la dame, un peu autoritaire, chez qui l'on allait acheter les fameux "fromages géorgiens" -introuvables ailleurs- : elle reprenait les enfants s'ils ne s'exprimaient pas en langue géorgienne et apostrophait le vacher "Sebasti" lorsqu'il ne vaquait pas assez vite à ses occupations.

 

Source : feuilles manuscrites de souvenirs écrits en langue géorgienne par Volodia Gogouadzé, rassemblées et classées par Namétia Gogouadzé et traduites en langue française par Jacqueline Khabouliany

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Noé Homériki (1883-1924) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2948

Géorgie, France et Géorgie : Noé Homériki (1883-1924), révolutionnaire et ministre de l'Agriculture
2012-06-15

Noe Khomeriki

Noé Khomériki est né le 1er janvier 1883, en Gourie, province de l'Ouest de la Géorgie.

Il se marie avec Ana Nikalaïchvili : ils auront un fils, Victor, en 1910 (1).

 

Le révolutionnaire



En 1905, il est l'un des fondateurs de la "République de Gourie", éphémère structure sociale-démocrate déclarée durant 6 mois, au sein de l'Empire russe. Il est déporté une première fois.

En 1909, il est déporté une 2ème fois à Vologda (Russie du Nord), où son état de santé se dégrade (angine de poitrine). Son ami Nicolas Cheidzé, député à la Douma et chef de l'opposition, essaie d'intervenir par l'intermédiaire du président de la Douma, en vain (2).

 

L'homme politique, artisan de la réforme agraire



En mai 1918, il est nommé ministre du Travail et de l'agriculture dans le premier gouvernement de la Ière République de Géorgie, présidé par Noé Ramichvili (3).

Il est reconduit dans les mêmes fonction en août 1918 dans le premier gouvernement de Noé Jordania, puis devient ministre de l'Agriculture et des communications jusqu'en février 1921 dans son second gouvernement.

En janvier 1919, après avoir été élu député à l'Assemblée constituante, il conçoit , propose et fait voter une réforme agraire qui redistribue la terre aux paysans sous forme de propriétés privées, à l'exception des forêts, des rivières et de quelques pâturages qui restent la propriété de l'Etat géorgien (4).

 

L'exil



En février 1921, devant l'avancée de l'armée de la Russie soviétique en Géorgie, il prend le chemin de l'exil avec le gouvernement de la Ière République de Géorgie (5). Il se réfugie à Constantinople, et à Paris.

En Géorgie, des révoltes spontanées éclatent, provoquées par la famine et l'impôt en nature instauré par le régime soviétique, principalement en Lechtkhoumie, Ratcha et Svanétie. Dès le printemps 1922, elles s'étendent à toutes les régions montagneuses et sont coordonnées par des organisations clandestines, le "Comité de l'indépendance de la Géorgie" (6) et le "Comité militaire uni" (7).

Noé Khomériki assure la liaison politique, à partir de Constantinople, entre ces organisations et le gouvernement en exil à Paris.

Ce dernier y voit un moyen d'attirer l'attention de l'opinion publique internationale et décide de préparer une insurrection nationale, d'autant que la Grande-Bretagne s'oppose au souhait de la France de voir la Géorgie représentée aux conférences de Cannes, de Gênes et de Lausanne.

En mars 1923, le "Centre militaire uni" est infiltré par la police politique bolchévique, la "Tchéka" : ses dirigeants sont arrêtés et fusillés. Une "Commission militaire", subordonnée au "Comité de l'indépendance de la Géorgie" se reconstitue, mais elle ne dispose plus des contacts avec les organisations de résistance des autres peuples du Caucase.

 

Le retour en Géorgie et la préparation de l'insurrection nationale




Noé Homériki entre clandestinement en Géorgie et joint ses efforts au "Comité de l'indépendance de la Géorgie" : il demande au gouvernement en exil financements, combattants expérimentés dans l'action clandestine, armes et accommodements avec la Turquie.

L'appui de Varsovie, après le démission de Pilsudski du poste de chef de l'armée polonaise en juin 1923, semble se restreindre. Noé Homériki s'en émeut auprès du gouvernement géorgien exil à Leuville-sur-orge par une série de missives.

Il est arrêté par la "Tchéka" .

 

L'insurrection nationale d'août 1924 et la mort



Au vu de la situation politique internationale qui semble favorable à la Géorgie et au vu de la situation de l'armée soviétique en Géorgie qui est en plein renouvellement d'effectif, la décision est prise de déclencher l'insurrection nationale. La ville de Tchiatouri anticipe le 28 août : le soulèvement se propage à partir du 29, perdant l'effet de surprise. Certaines régions se libérent une semaine, mais Tbilissi et Batoumi restent entre les mains de l'armée soviétique.

Sept mille insurgés seront fusillés, dont Noé Homériki le 1er septembre 1924.

*

Sa femme se suicide en Géorgie.

Son fils Victor, resté à Paris, se retrouve orphelin à 14 ans et sera pris en charge par la communauté géorgienne en France.



 

Sources



archives familiales,

- "H. Barbusse, les Soviets et la Géorgie" par David Charchidzé,

- "Les combats indépendantistes des caucasiens entre URSS et puissances occidentales. Le cas de la Géorgie" par Georges Mamoulia.


 

Notes



(1) [URL : 2944]

(2) Suite à la demande de Nicolas Cheidzé de soins médicaux à Pétrograd pour Noé Homériki, le président de la Douma reçoit la réponse ci-dessous du directeur du département de police de l'Empire du tsar :

"Il y a plus de 10 ans que le susmentionné Khomeriki se trouve dans les rangs du parti S.D. ouvrier de Russie. Dès le premier jour de son entrée dans cette association criminelle, il se distingua de ses camarades par une volonté particulièrement forte, par un talent d'organisateur et par un dévouement presque fanatique à la cause du socialisme et de la révolution. Aujourd'hui, il est déjà l'un des leaders des organisations caucasiennes du parti S.D. et l'animateur de toutes leurs actions révolutionnaires, dans le domaine de la propagande écrite, ainsi que de l'agitation orale en vue de la propagation parmi les ouvriers de Bakou et de Tiflis des idées socialistes. Les 3 campagnes électorales pour la Douma d'Etat dans le Caucase, qui eurent pour résultat l'élection des socialistes extrémistes, ont été menées sous la direction immédiate du susnommé Khomériki. En un mot Khomériki appartient à la catégorie d'ennemis les plus redoutables et les plus irréductibles de l'ordre social et politique existant. Et c'est pourquoi, de l'avis du département de police, tout soulagement de son sort aurait produit sur la population l'impression de démoralisation et aurait inspiré aux révolutionnaires le sentiment d'impunité"

(3) [URL : 2495]

(4) Noé Homériki publie à Paris, en 1921 : "La Réforme agraire et l'économie rurale en Géorgie. Rapport au Congrès du Parti Social Démocrate de Géorgie, en juillet 1920".

(5) [URL : 1720]

(6) "Le Comité d'indépendance de la Géorgie", appelé aussi "Damkom", organisation clandestine se fixant le but de rétablir la Ière République de Géorgie, est né en 1922 et est paritaire : il est composé d'un représentant des partis nationaux-démocrates, sociaux-démocrates, sociaux-fédéralistes, sociaux-révolutionnaires et des sans-parti. Il est présidé tour à tour par Gogui Pagava, Nikoloz Kartsivadze et Kote Andronikachvili.

(7) "Le Centre militaire uni" est composé d'officiers géorgiens. Il est présidé par Konstantiné Abkhazi (1867-1923), ancien général de l'armée de l'Empire russe. Il est arrêté par la "Tcheka" et exécuté le 19 mai 1923 avec 14 autres officiers géorgiens.

 


 

Noé Jordania (1868-1953) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2083

Géorgie, Suisse et France : Noé Jordania (1868-1953), président des 2e et 3e gouvernements de la Ière République
2013-04-02

Zhordania Noe

Député à la Douma russe, président du soviet de Tiflis, président du gouvernement de la Ière République de Géorgie à deux reprises, Noé Jordania reste pour l'histoire de son pays l'homme qui a proclamé la restauration de l'indépendance de la Géorgie le 26 mai 1918, au nom du Conseil national géorgien.

Noé Jordania est né le 2 janvier 1868 à Lanchkhouti dans la région de Gourie, en Géorgie occidentale, dans une famille de petits propriétaires terriens. Après ses études au séminaire à Tiflis en 1884, il entreprend des études vétérinaires à l'Institut de Varsovie en 1891.

 

La clandestinité



Il est sensibilisé à Varsovie aux idées sociales démocrates et plus particulièrement à celles de Karl Kautsky. Il participe à Varsovie à un groupe d'étudiants marxistes, avec Pelipe Makharadzé, futur dirigeant bolchévique géorgien.

En décembre 1892, en Imérétie (1), sous l'initiative d'Egnaté Ninochvili, il prend part avec Nicolas Cheïdzé et Sylvestre Djibladzé à un groupe de réfléxion appelé plus tard "Troisième Groupe", "Messamé Dassi" (2). En 1893, à Tiflis, sa proposition de doctrine, "Progrès économique et question nationale", d'essence marxiste, est adoptée au premier congrès du Parti social démocrate ouvrier géorgien.

Afin d'échapper à l'arrestation par la police du tsar Nicolas II, l'Okhrana, il part à l'étranger pour quatre années. Il noue des contacts avec d'autres socialistes en Suisse (Plekhanov), en France (Guesde), en Allemagne (Kautsky) et en Grande- Bretagne, ou avec des compatriotes exilés comme Varlam Tcherkézichvili (anarchiste à l'époque, il sera l'un des fondateurs du Parti social fédéraliste géorgien en 1901).

En 1900, il devient rédacteur en chef du journal Le Sillon (Kvali). En juillet et août 1903, aux congrès de Bruxelles et de Londres, il prend une part active à la fusion des Partis sociaux-démocrates russe et géorgien. Il se range aux côtés de Martov et de Plekhanov dans le combat idéologique qui les oppose à Lénine.

De mars à septembre 1905, la Géorgie est en insurrection permanente. Les Cosaques rétablissent l'ordre tsariste. Début 1906, Noé Jordania est élu, au titre de la Géorgie, à la Ière Douma russe de Saint- Pétersbourg accordée par Nicolas II. Le tsar se ravise et dissout l'assemblée. Noé Jordania retrouve la clandestinité et gagne la Finlande. En 1914, il collabore au journal La Lutte (Borba) avec Trotski.

 

La Transcaucasie : président du groupe social-démocrate à la SEÏM



En février 1917, Noé Jordania est élu président du soviet de Tiflis.

En février 1918, il est président du groupe social démocrate transcaucasien à la SEÏM, assemblée provisoire composée des représentants arméniens, azéris, géorgiens et russes élus à l'Assemblée constituante russe (novembre 1917) et dissoute par les Bolchéviques (janvier 1918). La SEÏM ne reconnaît pas l'autorité bolchévique et préconise une Russie parlementaire dans laquelle les nationalités s'exprimeraient et la justice sociale s'établirait ("Ligne politique dite russophile") selon certains observateurs de l'époque).

Après la signature du traité de paix séparée entre la Russie bolchévique et l'Empire allemand à Brest-Litovsk, l'Empire ottoman réclame à la Transcaucasie les districts arméniens et géorgiens qui lui ont été accordés, et prend Batoumi le 1er avril. Le négociateur transcaucasien, Akaki Tchenkéli, réussit à convaincre Noé Jordania et une majorité de sociaux démocrates que la seule tactique possible est d'accepter l'aide de l'Empire allemand pour contenir l'Empire ottoman ("Ligne politique dite germanophile". Avec les voix de nationalistes déjà convaincus, ces voix sociales démocrates font basculer la SEÏM, orientation qui marquera l'histoire moderne du peuple géorgien.

 

La Ière République de Géorgie : président des 2e et 3e gouvernements



Devant les divergences d'intérêt apparues entre Arméniens, Azéris et Géorgiens, au nom du Conseil National Géorgien qui réunit toutes les tendances politiques, Noé Jordania proclame le 26 mai 1918 la restauration de l'indépendance de la Géorgie et l'instauration de la "République démocratique géorgienne".

En juillet 1918, il prend la présidence du 2ème gouvernement géorgien d'union nationale et en février 1919 (après les élections de l'Assemblée constituante géorgienne) celle du 3ème gouvernement, homogène social démocrate. Selon la terminologie en vigueur en France à l'époque, la dénomination "président du Conseil des ministres" pourrait également convenir.

 

Le bilan intérieur



Ses gouvernements suivent une orientation réformiste : établissement de la langue nationale géorgienne et alphabétisation, création de l'Université de Tiflis, séparation de l'Eglise et de l'Etat, mise en place d'un pouvoir judiciaire, abolition de la peine de mort, mise en place de pouvoir locaux, réforme agraire, nationalisation des mines de manganèse. Ils rencontrent des difficultés avec les ethnies abkhaze et ossète (3).

 

L'alliance avec l'Allemagne



Sur le plan international, Noé Jordania souhaite une certaine neutralité tant vis-à-vis des Russies blanches et rouges ainsi que vis-à-vis de l'Alliance germano-turque et de l'Entente franco-britannique, mais l'Empire allemand exerce un protectorat de fait sur la Géorgie.

Dès la proclamation de l'indépendance, des troupes régulières bavaroises débarquent par le port de Poti. Elles se déplacent jusqu'à la frontière turco-géorgienne afin de bloquer toute velléité d'invasion ottomane : la banière allemande n'est pas parfois suffisante, à plusieurs reprises des coups de feu sont échangés. Des généraux allemands sont accueillis à Tiflis. Des experts allemands mettent en place des moyens radio-télégraphiques et s'intéressent à la vie économique, comme les filières d'exportations.

La Légion géorgienne constituée dans l'armée ottomane pour combattre l'armée russe tsariste sur le front turc est intégrée à l'armée géorgienne.

La défaite allemande surprend le chef du gouvernement géorgien.

 

La courte présence britannique



L'armée britannique débarque à son tour, à Batoumi le 23 novembre 1918 : elle trouve le matériel et l'artillerie laissés par l'armée allemande lors de son évacuation précipitée. Elle joue à son tour les médiateurs : la question des districts de Bortchalo, Djavakhétie et Lori a déclenché une guerre arméno-géorgienne. La Grande-Bretagne en négocie la fin. Les districts de Bortchalo et de Djavakhétie resteront géorgiens.

 

La déception de la Conférence de Paris



Noé Jordania et Nicolas Cheïdzé mettent au point, dans la plus grande discrétion, une nouvelle tactique ("ligne politique dite anglophile") : "la Géorgie serait prête à accepter le protectorat de la Grande-Bretagne, ou de la France, à la condition que sa souveraineté soit reconnue sur ses affaires intérieures" (4). Nicolas Cheidzé est chargé de porter la proposition à la Conférence de la Paix de Paris début 1919. Lloyd George (5) et Clémenceau refusent : la reconnaissance de jure de la Géorgie viendra tardivement, en janvier 1921.

En août 1919, Georges Clémenceau accuse la Géorgie d'entraver l'aide à l'Arménie, en mauvaise posture entre les Ottomans et les Azéris : Noé Jordania doit récuser ces affirmations par une lettre diplomatique.

 

Le traité de non-agression avec la Russie soviétique



Il envoie l'un de ses proches à Moscou, le secrétaire d'Etat Grigol Ouratadzé, négocier un traité de non-agression. Lénine en accepte le principe, si Tiflis s'engage à s'interdire tout stationnement d'armée étrangère et à autoriser l'établissement d'un parti communiste géorgien. Le gouvernement géorgien est divisé sur la réponse à donner, le ministre des Affaires étrangères Evguéni Guéguétchkori est contre : Noé Jordania décide d'accepter et l'accord est signé le 7 mai 1920 (6).

 

L'agression de la Russie soviétique



Le traité n'empêche pas l'Armée rouge d'envahir la Géorgie le 12 février 1921, après l'Azerbaïdjan et l'Arménie, afin de porter secours aux "bolcheviks locaux". Les Soviétiques alignent plus de 50 000 hommes sur quatre fronts. Les Géorgiens alignent moins de 15 000 hommes : la Garde Nationale et l'Armée régulière encadrée par des officiers de l'époque tsariste et des élèves officiers (7).

Après s'être repliée à Batoumi, l'Assemblée constituante géorgienne (renommée Parlement) vote le 16 mars 1921 l'expatriation du gouvernement afin de continuer la résistance.

 

L'exil



L'exil conduit Noé Jordania dans un premier temps à Constantinople, puis en France.

Il prépare l'insurrection nationale d'août 1924 et envoie clandestinement des personnalités comme Noé Khomériki (ancien ministre de l'Agriculture) ou Valiko Djouréli (ancien commandant de la Garde nationale).

En 1927, il est l'un des sept membres initiaux de la Société Civile Immobilière propriétaire de la résidence d'exil en France de la Ière République de Géorgie, aux côtés de représentants sociaux démocrates, nationaux démocrates, sociaux fédéralistes (8).

A partir de 1930, après l'assassinat de Noé Ramichvili, il s'implique personnellement dans le Mouvement Prométhée (9), soutenu par la Pologne, mouvement qui a pour objectif de créer une Confédération d'Etats indépendants du Caucase (Azerbaïdjan, Géorgie et Nord Caucase dans un 1er temps) au détriment de l'URSS. Noé jordania est mis en difficulté à ce poste et présente sa démission à plusieurs reprises : les Polonais souhaitent que la représentation géorgienne réunisse tous les partis politiques (sociaux démocrates, mais aussi nationaux démocrates) et qu'une distance soit prise avec la IIe Internationale socialiste: le Bureau à l'étranger du Parti social démocrate ouvrier géorgien s'oppose à ces positions.

Grâce aux financement polonais, il envoie en Géorgie plusieurs missions clandestines de renseignement et d'activation de cellules de résistance : pratique qu'il renouvellera après la IIème Guerre mondiale.

Durant une trentaine d'années, les critiques exercées contre son action par l'opposition politique en exil ne manquent pas, insuffisante anticipation de l'attaque de l'Armée rouge en 1921, insuffisante préparation à l'insurrection nationale géorgienne de 1924, main mise sur le Comité national géorgien en exil, positions partiales au sein du Mouvement Prométhée, etc ...

Il essaie avec obstination d'intéresser les grandes puissances et la Société des Nations au sort de la population géorgienne, par ses déclarations et par ses lettres, par l'action diplomatique de ses deux anciens ministres des Affaires étrangères -Akaki Tchenkéli notamment-, mais aussi par l'intermédiaire de la représentation géorgienne à la IIe Internationale socialiste oû la Géorgie compte des amis (10).

 

L'homme



Homme de grande probité intellectuelle, reconnue par toutes les tendances politiques géorgiennes, Noé Jordania a d'abord été un journaliste et un écrivain, puis un théoricien du marxisme. L'exercice du pouvoir et l'exil l'ont confronté à des réalités géopolitiques géorgiennes difficiles : elles resurgiront en 1991 et en 2008.

Il a avec sa femme Ina (1875-1967) plusieurs enfants, Asmath (1905-1984), Nathéla (née en 1918) et Rejeb (né en 1920).

Il meurt à Vanves le 11 janvier 1953 et est inhumé dans le "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.

 

Notes



(1) Selon les uns le "Troisième Groupe" de réflexion, "Messame Dassi", se serait réuni à Tchiatoura, selon les autres à Zestaponi, selon les derniers dans la vallée de la rivière Kvirila, proche.

(2) Les "Premier Groupe" et "Deuxième Groupe" de réflexion, inspirés par Ilia Tchavtchavadzé et Niko Nikoladzé dans les années 1860 et 1880, ont contribué à éveiller le mouvement national géorgien et le libéralisme économique.

(3) Les conflits ethniques se réveillent en Abkhazie et en Ossétie du Sud. La Garde nationale, qui dépend directement du Parlement (et non du gouvernement), peu préparée à ces missions, est envoyée. Des exactions se produisent de part et d'autre.

(4) La Géorgie a ainsi été amenée à suivre trois lignes politiques différentes en trois années, "russophilegermanophileanglophile ou francophile selon", illustrant que l'indépendance de ce pays de 1,7 million d'habitants ne pouvait être assurée sans la garantie d'un puissant pays protecteur.

(5) La Grande- Bretagne aurait souhaité que la Géorgie devienne un sanctuaire pour les armées "blanches" : l'armée de Denikine est présente un temps à Batoumi, tout comme un détachement britannique. Leur évacuation en juillet 1920 déclenche la liesse populaire.

(6) Les relations des dirigeants de la Russie bolchévique avec le gouvernement Jordania sont ambiguës. Les uns, comme les Géorgiens Joseph Djougachvili (dit Staline) et Sergueï Ordjonikidzé, souhaitent étendre au plus vite l'emprise bolchevique au Caucase du Sud. Les autres, dont Lénine, par souci de concentrer les efforts sur la guerre civile russe et par souci d'éviter la vindicte internationale, sont prêts à composer (au moins pour un temps) avec la jeune république géorgienne.

(7) Le général en chef de l'armée géorgienne, Guiorgui Kvinitadzé, reprochera plus tard au gouvernement son manque de préparation. Certains observateurs de l'époque ont attribué à Noé Jordania une réserve vis-à-vis des membres de l'État-Major militaire géorgien, formés aux côtés du futur encadrement des armées blanches dans les écoles militaires du tsar.

(8)

[URL : 1756]



(9)

[URL : 3217]



(10) Selon Malkhaz Matsabéridzé, professeur à l'Université d'Etat Ivané Djavakhishvili de Tbilissi et constitutionnaliste : "l'institution du président de la République était considérée comme inappropriée pour le développement de la démocratie. Afin de prévenir des crises parlementaires et de garantir une gestion stable de l'Etat entre les sessions parlementaires, il était convenu d'élire le chef de gouvernement pour un délai d'un an et de le doter de certains pouvoirs de chef d'Etat. L'élection du chef de gouvernement se limitait à deux mandats successifs". De facto, trois hommes politiques ont exercé certains pouvoirs de chef d'Etat durant la Ière République de Géorgie (mai 1918 - mars 1921), Noé Ramichvili (président du Ier gouvernement), Nicolas Cheidzé (président du Conseil national, de l'Assemblée provisoire, de l'Assemblée constituante et du Parlement) à la Conférence de la Paix de Paris en 1919 et Noé Jordania (président des 2ème et 3ème gouvernements). De jure, aucun des trois ne fut ni président de la République, ni chef d'Etat.

*

Sources multiples :

- Archives familiales,

-

[URL : 2468]



- Sites Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia
.





 

 

Voir aussi :

- [URL : 2502]

- [URL : 2495]

- [URL : 1720]



- photographie de Noé Jordania aux obsèques de Nicolas Cheidzé, en 1926 à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]

-

[URL : 1646]

- [URL : 877]

- [URL : breve729]


 

 

Constantiné Kandélaki (1883-1958) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3121

Géorgie et France : Constantiné Kandélaki (1883-1958), révolutionnaire et ministre
2013-02-18

Constantiné Kandélaki, dit Kotsia (1), est né en Géorgie en 1883.

Jeune ouvrier, il adhère au mouvement social démocrate, qui réunit encore un temps la tendance menchévique prônant la voie parlementaire avec Martov (majoritaire dans le Caucase) et la tendance bolchevique prônant la dictature du prolétariat avec Lénine.

 

Révolutionnaire



En novembre 1901, il accueille à Batoumi Joseph Djougachvili, dit Sosso, et participe avec lui à des réunions politiques clandestines (2).

Le 4 janvier 1902, il est le témoin de l'incendie des installations Rotschild dont il attribue la responsabilité à Joseph Djougachvili dans ses Mémoires, bien que ce dernier soit en contact secret avec la direction de ces établissements.

En janvier et février 1902, il participe à l'installation d'une presse d'imprimerie clandestine - et itinérante afin d'échapper à la police secrète du tsar Nicolas II, l'Okhrana- et distribue des tracts appelant à la grève les ouvriers de chez Rotschild.

Le 7 mars 1902, toujours à Batoumi, sous l'impulsion de Joseph Djougachvili, il conduit une garde de partisans -essentiellement des Gouriens, ouvriers d'origine paysanne- et attaque la prison de la ville afin de libérer les grévistes arrêtés. Les Cosaques chargent :

"... Des rafales de balles retentirent. Tout le monde courait et hurlait. Des gens tombaient sur le sol. C'était la panique, l'enfer absolu. La place bientôt désertée était jonchée de morts et de mourants qui gémissaient sous les yeux des soldats. Les mourants criaient de l'eau ou à l'aide ..."

30 morts et 54 blessés sont dénombrés.

Il est arrêté et emprisonné en avril. Il obtient du médecin de la prison d'être interné à l'infirmerie en compagnie de Joseph Djougachvili. Le 17 avril, il participe à une violente manifestation contre la visite aux prisonniers de l'Exarque de l'Eglise orthodoxe géorgienne.

Nicolas Cheïdzé, directeur de l'hôpital de Batoumi, l'un des fondateurs du Parti ouvrier social démocrate géorgien, condamne ces actions estimant qu'elles font le jeu des autorités tsaristes.

 

Ministre



La République Démocratique Géorgienne est proclamée le 26 mai 1918.

En février 1919, il est appelé au poste de ministre des Finances, du commerce et de l'industrie dans le second gouvernement du second président du Conseil des ministres, Noé Jordania, gouvernement homogène social démocrate après que les ministres sociaux fédéralistes et nationaux démocrates se soient retirés.

En violation avec le traité de non-agression du 7 mai 1920, les armées de la Russie soviétique envahissent la Géorgie en février 1921.

 

L'exil



Le 17 mars, Contantiné Kandélaki prend le chemin de l'exil avec le gouvernement : il rejoint bientôt la France.

Après 1933, il devient trésorier de l'Office des réfugiés géorgiens en France, et -un temps- gérant de la Société civile immobilière du Château de Leuville, résidence d'exil de la classe dirigeante géorgienne.

Il publie articles et documents, ainsi que ses mémoires, dont

"The Georgian question before the free world", Paris, 1953.

Il meurt en 1958, et repose dans le "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.

 

Notes

:

(1) Constantiné Kandélaki ne doit pas être confondu avec David Kandélaki, émissaire secret envoyé par Staline à Hitler en 1936 afin de préparer un accord entre l'URSS et l'Allemagne nazie, démarche qui aboutira au pacte Molotov-Ribbentrop de 1939.

(2) La ville de Batoumi compte 16 000 ouvriers géorgiens, arméniens, grecs, perses, russes et turcs oeuvrant dans l'industrie pétrolière (oléoduc reliant Bakou, raffineries, port) et dans l'exportation du manganèse, du réglisse et du thé. Les Nobel et les Rotschild -branche française- contrôlent ces activités.

(3) D'après un témoignage cité par Simon Sebag Montefiore, "Le Jeune Staline", Edition Calmann-Levy, 2008.

*

Sources multiples :

- Archives familiales

- Archives de l'Office des réfugiés géorgiens en France

- [URL : 2468]

- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxistes, Wikipedia
.

 

 

Voir aussi

:

- [URL : 2502]

- [URL : 2495]

- [URL : 1720]

- photographie de Constantiné Kandélaki aux obsèques de Nicolas Cheidzé, en 1926, à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]

- [URL : 1646]

 


 

 

Michel Kédia (1902-1952) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2922

Géorgie, Allemagne, France et Suisse : Michel Kédia (1902-1952), homme politique
2013-02-13

Mikheil Kedia, dit Micha Kedia

Michel Kédia est né en 1902 à Zougdidi (Mingrélie).

 

Exilé en Allemagne



Après l'invasion de la Géorgie par l'armée de la Russie soviétique en 1921, il s'exile en Allemagne et poursuit des études de droit à l'Université d'Heidelberg : il acquiert la connaissance de la langue et la culture allemande. Il participe à la fondation du mouvement nationaliste géorgien "Tetri Guiorgui" (1) en 1925.

 

Exilé en France



Au début des années 1930, il rejoint la France et adhère au mouvement des jeunes nationaux-démocrates créé par Spiridon Kédia.

 

Un second exil en Allemagne



Il voit dans l'offensive allemande contre l'U.R.S.S., une opportunité qui pourrait faciliter la restauration de l'indépendance de la Géorgie. Il retourne en Allemagne et se tient dans la mouvance du Comité national géorgien (2). Il se constitue un puissant réseau de relations, le met à la fois à disposition de la "Légion géorgienne" (3) de l'armée allemande afin de recruter des soldats, et à la fois à disposition de certains de ses compatriotes juifs afin qu'ils ne se fassent pas arrêter (4).

En 1943, il fait partie de l'etat-major de liaison géorgien à Berlin. On lui a prêté postérieurement des sympathies pour un cercle d'opposants à Hitler, qui tenta un complot le 20 juillet 1944 et qui échoua.

 

Un dernier exil en Suisse



En avril 1944, il quitte l'Allemagne pour la Suisse, afin d'éviter un procès pour collaboration : les autorités soviétiques exigent un internement et il est assigné à résidence ä Genève. Il s'y serait suicidé, dans des conditions mal élucidées, en 1952.

Il repose dans le "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.

 

Notes

:

(1) [URL : 2502]

(2) Le Comité national géorgien constitue l'une des parties du Comité caucasien créé par les autorités allemandes afin de préparer la situation après la chute de l'U.R.S.S.

(3) La "Légion géorgienne" de l'armée allemande, forte de 30 000 soldats, est composée essentiellement de prisonniers géorgiens faits à l'Armée rouge et de quelques centaines d'hommes issus de l'émigration géorgienne en Europe antérieure à la IIème guerre mondiale (dont une centaine en provenance de France).

(4) Alertés par Adrien Marquet (ministre de l'Intérieur du gouvernement de Vichy, mais ancien membre de la SFIO et ancien membre de la délégation socialiste en Géorgie en 1919), le gouvernement géorgien en exil fait appel à Michel Kédia pour qu'il intervienne auprès des autorités allemandes. Les juifs géorgiens résidant en France voient leurs papiers officiels français dispensés de la mention "JUIF". Un comité délivrant des "certificats d'authenticité de nationalité géorgienne" est créé à Paris, en liaison avec la section géorgienne de l'Office des émigrés caucasiens (dirigée par Sacha Korkia et sous autorité allemande) et avec la section géorgienne du Bureau des apatrides (conseillée par Sossipatré Assathiany et sous l'autorité de Vichy) : il sauve deux cent cinquante familles juives, dont bon nombre sont originaires d'Asie centrale, des Balkans, d'Espagne et dont les noms sont "géorgianisés".

*

Sources :

- archives familiales,

- "Les combats indépendantistes des Caucasiens entre U.R.S.S. et puissances occidentales. Le cas de la Géorgie (1921-1945)" de Georges Mamoulia, Editions L'Harmattan, Paris, juillet 2009,

- "Des Géorgiens pour la France" de Françoise et Révaz Nicoladzé, Editions L'Harmattan, Paris, juin 2007,

- Websites
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Spiridon Kédia (1884-1948) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2921

Géorgie et France : Spiridon Kédia (1884-1948), homme politique
2011-12-06

A vingt-ans, Spiridon Kédia participe en Géorgie aux mouvements révolutionnaires qui secouent l'Empire russe, en restant proche de la sensibilité sociale fédéraliste.

 

Un premier exil



Après la Révolution de 1905, il doit s'exiler et gagne Paris où il séjourne jusqu'en 1914 : il y poursuit ses études supérieures à la Faculté des sciences.

 

Le retour provisoire



 

Emprisonné par la police politique tsariste



Il regagne ensuite l'Empire russe et est arrêté par la police tsariste : il reste emprisonné trois mois à Petrograd.

 

Le retour au pays



Il rejoint ensuite Tiflis et tente de convaincre ses contacts sociaux-fédéralistes d'infléchir leurs préconisations dans le sens d'une plus grande aspiration nationale.

Des groupes d'intellectuels et de représentants de la noblesse, opposés aux théories sociales démocrates, se constituent progressivement sur l'idée de la nécessité de l'indépendance du pays : Spiridon Kédia les rassemble et fonde (1) en 1917 le Parti national démocrate, dont il est élu président.

Après la proclamation de l'indépendance de la Géorgie, et l'élection d'une Assemblée constituante, il est élu député (1919 - 1921).

 

Emprisonné par la police politique soviétique



Après l'invasion de la Géorgie par l'armée de la Russie soviétique, il est arrêté une nouvelle fois par la police politique et séjourne en prison en 1922 - 1923.

 

L'exil définitif



En 1923, il s'installe en France.

En novembre 1924, il fonde avec Noé Ramichvili et Akaki Tchenkéli pour la Géorgie, ainsi qu'avec des représentants azerbaïdjananis et Nord caucasiens en exil, le comité parisien du Mouvement Prométhée (2), soutenu par la Pologne. L'objectif en est une Confédération d'Etats indépendants (Azerbaïdjan, Géorgie, Nord Caucase) au détriment de l'URSS.

Très rapidement, les relations se détériorent avec le gouvernement social démocrate géorgien en exil, et il animera jusqu'en 1939 la tendance du Parti national démocrate qui s'oppose à ce dernier.

En 1925, il propose, par l'intermédiaire de Charles Karoumidzé (un officier géorgien qui avait collaboré avec les services secrets allemands durant la Ière Guerre mondiale) de relancer une coopération germano-géorgienne. Des contacts sont pris avec le général Hoffmann, ainsi qu'avec Alfred Nobel et Henri Deterding de la Royal Dutch (qui ont perdu leurs gisements pétroliers du Caucase) : l'idée d'une libération de cette région est étudiée. Godfrey Locker Lampson (Sous-secrétaire au Foreign Office britannique) est associé à la réflexion. En 1927, des plans militaires allemands et britanniques sont élaborés. En 1928, Henri Deterding renonce au projet qui dépasse ses capacités financières.

En 1934, il participe à la fondation du groupe "Caucase" (3) soutenu par le Japon et l'Allemagne, dont l'objectif est la restauration de l'indépendance des pays du Caucase et la formation d'une Confédération du Caucase.

Durant cette période, il assure l'édition de plusieurs journaux, "Samchoblosatvis" (Pour la Patrie, "Sakartvelos gouchagui" (La Sentinelle de la Géorgie).

En 1943, il voit dans l'offensive allemande contre l'URSS une opportunité qui pourrait faciliter la restauration de l'indépendance de la Géorgie et se joint au Comité national géorgien (4) à Berlin présidé par Mikheïl Tséréthéli.

Spiridon Kédia meurt en 1948, il repose dans le "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.

*

Sources multiples dont

-

[URL : 2468]



"Les combats indépendantistes des Caucasiens entre URSS et puissances occidentales. Le cas de la Géorgie" de Georges Mamoulia, L'Hamattan, Paris, 2009


 

Notes

:

(1) Participent à la fondation du Parti national démocrate Koté Abkhazi, Ioseb Dadiani, Jason Djavakhichvili, Parten Gogoua, Guiorgui Gvazava, Niko Nikoladzé, Ekvtimé Takhaïchvili, Vasil Tsérétéli.

(2)

[URL : 3217]



(3)

[URL : 3218]



(4) En 1943, le Comité national géorgien de Berlin constitue l'une des parties du Comité caucasien créé par les autorités allemandes afin de préparer la situation après la chute de l'URSS. Il sera à l'origine d'une "Légion géorgienne" dans l'armée allemande, forte de 30 000 hommes (essentiellement des prisonniers géorgiens faits à l'Armée rouge, une centaine d'hommes issus de l'émigration), dissoute en 1945.

 

 

Voir aussi :

- [URL : 2495]

- [URL : 1720]


 

Grigol Ouratadzé (1880-1959) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2501

Géorgie et France : Grigol Ouratadzé (1880-1959), secrétaire d'Etat
2011-12-06

Gregory ou Gregorii Uratadze

Grigol Ouratadzé, appelé familièrement Gricha, est né en 1880 en Géorgie.

Il s'engage très jeune dans le mouvement social démocrate et milite dans la clandestinité pour les thèses menchéviques (assemblée constituante et régime parlementaire) en opposition aux thèses bolchéviques (dictature du prolétariat par l'intermédiaire du Parti communiste).

En avril 1903, il est arrêté par la police tsariste et enfermé à la prison impériale de Koutaïssi pour activité subversive.

A partir du 10 avril 1906, il participe au IVe Congrès socialiste de Stockholm avec 105 autres délégués, menchéviques, bolchéviques, socialistes polonais et bundistes juifs : l'une des résolutions est le renoncement officiel au terrorisme.

A partir du 9 septembre 1906, il participe à la conférence sociale démocrate du Caucase qui se déroule pour partie à Tiflis et pour partie à Bakou, avec 41 autres délégués dont 6 bolchéviques.

A l'issue du vol à main armé du 13 juin 1907, à Tiflis, et qui conduit à une cinquantaine de morts, il fait état de l'exclusion du Parti social démocrate de Joseph Djougachvili, dit Sosso, dit Koba et enfin Staline, -à qui est imputé la responsabilité des évènements dramatiques- , par les commissions d'enquête dirigées par Noé Jordania à Tiflis, Silibistro Djibladzé à Bakou et Georgui Tchitchérine à l'étranger.

En 1911, en France, lors d'un entretien avec Vladimir Oulianov, dit Lénine, il rappelle au leader bolchévique les résolutions du Congrès de Stockholm et l'exclusion de Koba du Parti social démocrate. Lénine lui répond : "C'est exactement le genre d'homme dont j'ai besoin", couvrant les actions terroristes de Joseph Djougachvili et signifiant que les mencheviks (minoritaires dans la partie russe du mouvement social démocrate, mais majoritaire dans la partie caucasienne) n'avaient pas le pouvoir d'exclure un bolchevik : les bolcheviks s'étaient exclus d'eux-mêmes.

 

L'accord du 7 mai 1920 entre la Russie soviétique et la Géorgie



Début 1920, la situation est difficile pour la Ière République de Géorgie. Si elle a été reconnue de fait à la Conférence de la Paix de Paris et si son territoire est théoriquement garanti, "les Jeunes Turcs" de l'Empire ottoman ne l'entendent pas ainsi. De l'autre côté, un conflit l'oppose à l'Arménie sur la question des frontières. Sur le plan intérieur, les minorités abkhazes et ossètes manifestent. Restent les relations avec la Russie soviétique.

Noé Jordania, Président du Conseil des ministres, décide d'y envoyer en avril un émissaire, ce sera Grigol Ouratadzé (1), l'un de ses proches. Il est arrêté à Rostov-sur-le-Don par le Conseil militaire révolutionnaire pour le Caucase : le bolchévique Sergo Ordjonikidzé en informe Lénine et reçoit le 14 avril la réponse suivante :

... Vous pouvez dire à M. Ouratadzé en votre nom que le gouvernement ne voit aucune objection à sa venue à Moscou mais je suis pleinement d'accord avec vous qu'il n'y a aucune urgence à son départ de Rostov-sur-le-Don pour Moscou, en conséquence de quoi je compte sur vous pour fixer la date de son départ dans la plus grande discrétion ....

Arrivé à Moscou, Lénine demande à Grigol Ouratadze de négocier avec Lev Karakhan. La Russie soviétique est prête à reconnaître la République Démocratique Géorgienne à la condition que la Géorgie s'interdise le stationnement de toute armée étrangère sur son territoire.

Le gouvernement géorgien se divise sur la clause, le ministre des Affaires étrangères, Evguéni Guéguétchkori, y est est opposé.

En pleine négociation, le 3 mai 1920, les bolchéviques géorgiens tentent un coup de main sur l'Ecole militaire de Tbilissi : son directeur, le général Guiorgui Kvinitadzé, et les élèves officiers repoussent les assaillants qui sont arrêtés et emprisonnés.

Moscou affirme qu'ils ont agit sans son accord et ajoute une deuxième clause à l'accord, la légalisation d'un Parti communistre géorgien.

En définitive, le gouvernement géorgien accepte : Grigol Ouratadzé et Lev Karakhan signe l'accord à Moscou le 7 mai 1920.

 

L'exil



En violation avec le traité de non-agression, les armées de la Russie soviétique envahissent la Géorgie en février 1921.

Grigol Ouratadzé prend le chemin de l'exil le 17 mars avec le gouvernement.

Il rejoint bientôt la France (2).

Il meurt à Leuville-sur-Orge en 1959 et est inhumé au"carré géorgien" du cimetière communal, auprès de son épouse Ariane (1895-1955), née Tsouloukidzé, avec qui il a eu une fille, Médéa (3).

*

Il a écrit, en langue russe, un certain nombre d'articles et de livres sur le mouvement révolutionnaire en Géorgie et sur la politique soviétique des nationalités, dont

La République Démocratique Géorgienne, publié à Munich, en 1956,

Réminiscences de la sociale démocratie géorgienne, publié à titre posthume par l'Université de Standford, aux Etats-Unis, en 1968 (4).

Différents historiens se sont intéressés à ses ouvrages

- A.O. Sarkissian "The American Historical Review" (The Founding and Consolidation of Georgian Democratic Republic), 1958,

- Alice Pate, Associate Professor of History, Colombus State University, (Grigorii Uratadze and Georgian Mensheviks), 2006.

 

Notes

:

(1) La photographie de Grigol Ouratadzé figure au Salon du château géorgien de Leuville-sur-Orge, comme celles des ministres et secrétaires d'Etat de la Ière République de Géorgie.

(2) Souvenir : "La vie des exilés géorgiens était encore difficile à la fin des années quarante et au début des années cinquante, dans la région de Leuville-sur-Orge, en Seine-et-Oise. Gricha Ouratadzé était employé par un "commissionnaire". Flanqué d'un chauffeur de camion, Monsieur Georges, communiste français (premier clin d'oeil de l'histoire), il ramassait plusieurs fois par semaine les récoltes de cornichons cultivés par ses compatriotes et destinés à une conserverie d'Alfortville qui fabriquait des malossols russes (deuxième clin d'oeil de l'histoire). Respecté pour son passé, respecté pour son présent, secouant son opulente chevelure blanche, il coupait court aux éventuels litiges sur les poids emportés et sur les prix accordés".

(3) Médéa Ouratadzé devient, un temps, journaliste à Radio Free Europe, à Munich, en charge d'émissions culturelles en langue géorgienne.

(4) Dans ses propos et ses écrits, Grigol Ouratadzé était convaincu que Joseph Djougachvili - qu'il avait croisé au début du XXe siècle dans l'action clandestine et dans les prisons impériales- avait travaillé avec la police secrète du tsar Nicolas II, l'Okhrana. Il rapporte plusieurs témoignages en ce sens, parfois pour dénoncer des personnes qui "gênaient" le futur Staline, dont le bolchevik Stepane Chaoumian -rival potentiel- arrêté à Bakou alors que seul Joseph Djougachvili connaissait sa cachette.

*

Sources multiples :

- [URL : 2468]

- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia
.



 

 

Voir aussi

:

- [URL : 2502]

- [URL : 2495]

- [URL : 1720]

- photographie de Grigol Ouratadzé aux obsèques de Nicolas Cheïdzé, en 1926, à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]

- [URL : 1646]


 

Samson Pirtskhalava (1872 - 1952) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2851

Géorgie, France et URSS : Samson Pirtskhalava (1872 - 1952), vice-président de l'Assemblée constituante
2013-04-04

Par Thamaz Naskidachvili

"Bidzia Samson" (oncle Samson), c'est ainsi qu'au château de Leuville-sur-Orge, enfants, nous appelions un Monsieur toujours correctement vêtu, la barbe soigneusement taillée, la voix douce, le regard bienveillant. Il occupait une pièce (impeccablement tenue) qui donnait directement sur le grand salon du château.

C'est chez lui que, comme beaucoup d'autres, j'ai appris à lire et à écrire en géorgien (jusqu'en 1947, pendant plus de 20 ans, presque tous les enfants -petits et grands- ont appris la langue et l'histoire de la Géorgie avec Samson Pirtskhalava). En douceur, sans jamais élever la voix il enseignait et nous faisait aimer le pays de nos parents.

Qui était réellement cet homme paisible ?

Déjà une piste : dans le grand salon du château où donnait sa chambre, il y avait au mur (il y a toujours) l'Acte d'indépendance de la République de Géorgie signé le 26 mai 1918 par les membres de l'Assemblée constituante. Parmi les signataires, celle de Samson Pirtskhalava ! Renseignements pris, on apprend qu'en fait il avait, au nom du Parti Social-Fédéraliste, été le vice-président de cette Assemblée constituante aux côtés de Carlo Cheïdzé. "Bidzia Samson", le pédagogue tranquille avait donc un passé historique.

C'est dans un village sur la rive gauche du Tskhenis-Tskhali qu'il est né en 1872 dans une famille de paysans pauvres, très pauvres. La famille était originaire de l'autre rive du fleuve, de Mingrélie. Ces gens simples vont réussir à le scolariser, d'abord à Khoni puis, avec l'aide d'un oncle au "guimnaz" de Koutaïssi où, déjà, il se fera remarquer par ses maîtres. Ses parents souhaitaient que Samson devienne médecin mais, rebuté par le sang et les dissections, il choisit d'aller étudier le Droit à Saint Pétersbourg où débutent, avec d'autres étudiants de l''Empire, ses activités politiques en 1893.

Il écrit dans la presse et, sous différents pseudonymes, se fait remarquer pour la pertinence de ses commentaires et analyses tant littéraires que politiques et historiques. Il participe aux grandes manifestations de 1905.

Auparavant, en Géorgie, il avait adhéré à la Société pour la propagation de la langue géorgienne (à une époque où les autorités tsaristes combattaient l'utilisation du géorgien), association patriotique dont il sera le secrétaire général de 1902 à 1910 et où il cotoiera les plus grands intellectuels géorgiens du moment (poètes, romanciers, historiens, géographes, archéologues, linguistes ...) parmi lesquels Ilia Tchavtchavadzé et Akaki Tsérétéli. Il est l'un des créateurs de la célèbre "Feuille d'avis" ("Tsnobis Pourtskheli"), revue patriotique qu'il fait vivre en menant de front ses activités littéraires et politiques.

C'est lui qui, avec l'aide de G. Salaridzé, écrira après l'assassinat en 1907 d'Ilia Tchavtchavadzé, un texte fameux : "La Mort et l'Enterrement d'Ilia Tchavtchavadzé" qui eut un énorme retentissement dans toute la Géorgie.

Bien sûr, en 1909, c'était inévitable, il sera condamné à la déportation. Ce qui ne l'empêche pas de produire des textes qui le rendent de plus en plus populaire et le font remarquer des leaders politiques du moment.

De retour au pays, en 1913, il se lance dans la rédaction d'ouvrages historiques et d'articles et, en 1914, il publie une anthologie de la Poésie géorgienne. Il devait participer à la création d'une presse de qualité, d'une presse indépendante géorgienne. Et c'est surtout à lui que le Parti Social-Fédéraliste de Géorgie doit la mise en forme de son programme et de ses statuts. Cet homme tranquille a été de tous les combats patriotiques. Il a cotoyé les plus grands écrivains et publicistes géorgiens, les plus éminents savants ; il a travaillé avec eux (1).

En 1948, Samson Pirtskhalava choisit de rentrer en Géorgie où un emploi de bibliothécaire lui est donné au Musée national. Il laisse, rédigé avant son départ, un merveilleux message de quatre pages à ses élèves de France qu'il énumère tous; après de sages recommandations, il écrit qu'il ne nous oubliera jamais (2).

Et nous, nous n'oublierons jamais le grand patriote, l'homme bon que fut Samson Pirtskhalava.

En 1951, le pouvoir stalinien condamne ce pédagogue honnête à l'exil en Asie centrale. Il mourra en route ! (3)

Thamaz Naskidachvili (4)

 

Notes



(1) Ce devait être émouvant pour lui de nous enseigner le géorgien sur le "Deda Ena" de Iakob Goguébachvili qui fut son ami ( "Deda Ena" est un manuel d'apprentissage du géorgien toujours en usage dans les écoles).

(2) Je peux en témoigner : j'ai une carte postale envoyée de Géorgie où il nous écrit être allé prendre le thé chez ma grand'mère maternelle pour fêter l'anniversaire de Ramine, mon frère aîné. Même au loin, fidèle en amitié, ce grand homme continuait de penser à ses petits élèves.

(3) Samson Pirtskhalava était né le 26 mai 1872, à Koutaïssi (Géorgie occidentale).

(4) [URL : 2918]

 

 

Voir aussi



- [URL : 2502]

- [URL : 2495]

- [URL : 1720]

- [URL : 1756]

- photographie des leaders politiques géorgiens aux obsèques de Nicolas Cheïdzé en 1926 [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]

 


 

Noé Ramichvili (1881-1930) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2494

Géorgie et France : Noé Ramichvili (1881-1930), président du 1er gouvernement de la Ière République
2013-04-02

Ramishvili Noe

Premier Président du Conseil des ministres de la Ière République de Géorgie (République Démocratique Géorgienne), Noé Ramichvili laisse dans l'histoire de ce pays l'image d'un homme d'action, en charge de la Défense nationale : la jeune armée géorgienne ne pouvait rien contre les forces conjuguées des armées bolcheviques russes (Armée rouge) et des armées ottomanes (déjà sous le contrôle d'Ataturk), sans oublier celles des armées blanches qui voyaient dans le Caucase un sanctuaire pour reconquérir la Russie.

Noé Ramichvili est né en 1881 en Géorgie.

 

Ministre de la Transcaucasie



En 1902, il rejoint le Parti social démocrate. En mars 1905, à Batoumi, il défend les thèses mencheviques au sein du Comité Central de Transcaucasie et met en minorité Joseph Djougachvili (Staline), partisan des thèses bolcheviques.

Le 22 avril 1918, il est nommé ministre de l'Intérieur dans l'Exécutif de la Fédération de Transcaucasie regroupant les territoires de l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie et des territoires annexés plus tard par l'Empire ottoman.

 

Président du 1er gouvernement, puis ministre de la Géorgie



Le 26 mai 1918, la Géorgie proclame son retour à l'indépendance. Noé Ramichvili est élu président du gouvernement par l'Assemblée parlementaire provisoire géorgienne. Selon la terminologie en vigueur en France à l'époque, la dénomination de "président du Conseil des ministres" pourrait également convenir. Il constitue un gouvernement d'union nationale, avec des représentants des Partis social démocrate, social fédéraliste et national démocrate géorgiens (1).

Le 24 juillet 1918, il est remplacé par Noé Jordania et devient ministre de l'Intérieur.

A partir de mars 1919, il cumule les responsabilités de ministre de l'Intérieur, de ministre de la Défense et de ministre de l'Education nationale dans un gouvernement social-démocrate homogène.

L'armée géorgienne (dont le pouvoir social démocrate se méfie un peu) et la Garde nationale (sous contrôle de l'Assemblée constituante) se battent au Sud contre les armées ottomanes (Akhalkalaki, Akhaltsikhé, Borjomi, Bortchalo) et au Nord contre les armées bolchéviques russes (col du Darial). Les armées blanches du russe Dénékine ne sont pas bientôt en reste, à l'Ouest.

Des troubles sécessionnistes, attribués aux bolcheviques russes, éclatent en Ossétie du Sud : Noé Ramichvili fait donner l'armée géorgienne, l'Assemblée Constituante fait donner la Garde nationale, peu préparée à ces missions. Des exactions sont commises de part et d'autre.

En juin 1919, Noé Ramichvili participe aux négociations avec l'Azerbaïdjan et co-signe avec Evguéni Guéguétchkori, ministre des Affaires étrangères, un traité de défense mutuelle.

En octobre 1919, des troubles, également attribués aux bolcheviques russes, éclatent à Batoumi : Noé Ramichvili fait à nouveau donner l'armée géorgienne. La Garde Nationale intervient.

Après la signature du traité de paix entre la Russie bolchévique et la Ière République de Géorgie, le 7 mai 1920 à Moscou, les bolcheviques géorgiens emprisonnés à Tiflis pour tentative de coup d'Etat sont libérés. Ils se restructurent en Parti communiste géorgien et avec l'appui de l'ambassade russe (forte de 700 hommes), ils entreprennent à nouveau des actions contre le gouvernement social démocrate : Noé Ramichvili n'hésite pas à les faire arrêter.

En mars 1921, l'Armée rouge envahit la Géorgie : l'armée géorgienne, déjà plus faible en effectif, ne bénéficie pas des renforts d'armement et de munition promis par la Grande - Bretagne et par la France. Noé Ramichvili émigre en France avec la classe politique géorgienne.

 

L'exil



Il participe, à distance, à la préparation de l'insurrection nationale géorgienne d'août 1924.

En novembre 1924, Il fonde avec Akaki Tchenkéli et Spiridon Kédia pour la Géorgie, ainsi qu'avec des représentants azerbaïdjanais et Nord caucasiens en exil, le comité parisien du Mouvement Prométhée (2), soutenu par la Pologne. L'objectif est la constitution d'une Confédération d'Etats indépendants (Azerbaïdjan, Géorgie, Nord Caucase dans un 1er temps), dotée d'une unité militaire et douanière, au détriment de l'URSS. Des militaires géorgiens sont accueillis dans l'armée polonaise (3) ; un projet de constitution pour la Confédération est élaboré ; des missions clandestines de renseignement et d'activation de cellules de résistance sont envoyées en territoire soviétique.

En 1927, Noé Ramichvili est l'un des sept membres initiaux de la Société Civile Immobilière propriétaire de la résidence d'exil en France de la Ière République de Géorgie, aux côtés de représentants sociaux démocrates, nationaux démocrates, sociaux fédéralistes (4).

Le 7 décembre 1930, il est assassiné à Paris par un exilé social démocrate géorgien, Parmen Tchanoukvadzé : la justice française verra en l'assassin un déséquilibré et il sera libéré quelques mois après (5). La plupart des témoins de l'époque estime que Parmen Tchanoukvadzé a été manipulé par la police secrète soviétique, l'OGPU.

 

L'homme



Marié avec Maro Goguiachvili (1888-1972), il a eu plusieurs enfants, Béno (1907-1989), Akaki (1916-1999) (6), Nina (1920-2011) et Thamar (1926-1949).

Noé Ramichvili est souvent décrit par ses contemporains comme un homme d'action, orateur tant en langue géorgienne qu'en langue russe, peu enclin aux contacts et aux compromis avec les bolchéviks, et qui a présenté un réel danger pour le pouvoir soviétique.

Il est inhumé dans le "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.


Mirian Méloua.


 

Notes



(1) De facto, trois hommes politiques ont exercé certains pouvoirs de chef d'Etat durant la Ière République de Géorgie (mai 1918 - mars 1921), Noé Ramichvili (président du Ier gouvernement), Nicolas Cheidzé (président du Conseil national, de l'Assemblée provisoire, de l'Assemblée constituante et du Parlement) à la Conférence de la Paix de Paris en 1919 et Noé Jordania (porte parole du Conseil national, président des 2ème et 3ème gouvernements). De jure, aucun des trois ne fut ni président de la République, ni chef d'Etat.

(2)

[URL : 3217]



(3) En 1921, un millier de militaires géorgiens rejoint l'armée polonaise. Après formation dans les académies, certains y deviendront officiers supérieurs comme les généraux Alexander Chkheidzé, Ivané Kazbegui, Alexander Koniachvili, Kirilé Koutéladzé, Alexander Zakariadzé : durant la Seconde Guerre mondiale, ils combattront, et souvent périront, sur le front allemand ou sur le front soviétique.

(4)

[URL : 1756]



(5) Selon le témoignage de Mme T.P. , une Géorgienne ayant vécu en exil en Pologne, puis en France : "Parmen Tchanoukvadzé a quitté la France peu après sa libération, a entrepris des études de médecine et est devenu professeur à l'Université".

(6) Dans les années quatre-vingt, Akaki Ramichvili -après avoir mené une carrière de médecin en Grande-Bretagne-, est président du Foyer géorgien de Leuville-sur-Orge, association de gestion de la résidence d'exil de la Ière République de Géorgie.

*

Sources multiples :

- Archives familiales

- Archives de l'Office des réfugiés géorgiens en france

-

[URL : 2468]

,

- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia
.

 

 

Voir aussi:

- [URL : 2502]

- [URL : 2495]

- [URL : 1720]



- photographie de Noé Ramichvili aux obsèques de Nicolas Cheïdzé en 1926 à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]

-

[URL : 1646]


 


 

Ekvtimé Takhaïchvili (1863-1953) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2082

Géorgie, France et URSS : Ekvtimé Takhaïchvili (1863-1953), savant et homme politique
2013-04-04

Ekvtime Takaishvili

Professeur à l'Université de Tiflis, député à l'Assemblée Constituante géorgienne en 1919, vice-président de cette même assemblée, convoyeur du trésor national géorgien vers la France en mars 1921, Ekvtimé Takhaïchvili en assure le retour en 1945 après que les autorités soviétiques aient pris l'engagement de le conserver en Géorgie auprès de Charles De Gaulle.

Ekvtimé Takhaïchvili est né le 3 janvier 1863 dans un petit village de Gourie, à Likhaouri, en Géorgie occidentale. En 1887, il sort diplômé de l'Université de Saint-Pétersbourg et devient professeur d'histoire à Tiflis jusqu'en 1904. Il est ensuite nommé directeur de lycée, tout en continuant à enseigner l'histoire. Il contribue au renouveau de la Société d'Histoire et d'Ethnographie de Géorgie, dont il prend rapidement la direction.

En mai 1917, à la faveur de l'avancée des troupes russes sur le territoire ottoman (Trébizonde, Erzéroum et Van), il conduit une expédition archéologique, inventorie et étudie des monuments d'architecture chrétienne géorgienne des IXème et Xème siècles, inaccessibles depuis des décennies : cathédrale de Bana (Péniak), églises et monastère du défilé de Kakhouli, église d'Ekek, cathédrale d'Ochki, église d'Ichkhan et basilique de Parhal. Ses travaux restent un témoignage scientifique relatif à des édifices aujourd'hui endommagés ou disparus.

Au retour de l'indépendance de la Géorgie, en mai 1918, il devient professeur à l'Université de Tiflis. En février 1919, il est élu à l'Assemblée Constituante au titre de l'opposition nationale-démocrate (1) et en devient vice-président aux côtés de Nicolas Cheidzé.

Le 16 mars 1921, après l'entrée de l'Armée rouge en Géorgie, l'assemblée vote l'expatriation du trésor national géorgien pour le mettre à l'abri et en confie la garde à Ekvtimé Takhaïchvili, pourtant opposé à l'opération. Le 17 mars, il convoie ces objets d'une valeur inestimable de Batoumi à Constantinople, sur le bateau Ernest Renan. Il organise ensuite leur transfert à Marseille sur le bateau Bien Hoa, escorté par la marine nationale français à l'approche du port de destination.

*

En 1927, Ekvtimé Takhaïchvili est l'un des sept membres initiaux de la Société Civile Immobilière propriétaire de la résidence d'exil en France de la Ière République de Géorgie, aux côtés de représentants sociaux-démocrates et sociaux-fédéralistes (2).

Dans les années trente, les péripéties parisiennes sont multiples : la représentation diplomatique de la Ière République de Géorgie disparaît, les coûts de location de coffre-forts abritant le trésor national géorgien peuvent difficilement être assumés.

Au début des années quarante, il soustrait dicrètement ce trésor de la vue de l'occupant allemand.

Le 11 avril 1945, le professeur Ekvtimé Takhaïchvili atterrit à l'aéroport de Tbilissi, de retour d'exil. Il convoie trente-neuf caisses et est porteur d'une garantie écrite du général De Gaulle et du maréchal Staline. Le vieil homme, âgé de 82 ans, veille au transfert du trésor national géorgien au Musée des Arts de Géorgie (3). Il est nommé à l'Académie des Sciences et retrouve sa chaire à l'Université de Tbilissi.

Il meurt le 21 février 1953, non sans avoir fait rapatrier auparavant la sépulture de son épouse décédée en France et inhumée dans le "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.


 

Notes



(1) Aux élections de l'Assemblée Constituante géorgienne de février 1919 le parti national-démocrate recueille 5,9 % des voix et 8 sièges (sur 130). Il ne participe pas au 3éme gouvernement, homogène social-démocrate. Son influence reste pourtant grande dans le pays tant par ses chefs de file historiques que par certains de ses membres précédemment ministres dans les gouvernement d'union nationale. Il convient de citer en particulier Seït Devdariani, Iason Djavakhichvili, Révaz Gabachvili, Guiorgui Gvazava, Guiorgui Jourouli (ministre des Finances, du Commerce et de l'Industrie de mai à août 1918), Ivané Lordkipanidzé (ministre des Transports de mai à août 1918), Niko Nikoladzé, Pétré Sourgouladzé, Vasil Tsérétéli, David Vachnadzé, Ivané Zourabichvili.

(2) [URL : 1756]

(3) Le Musée des Beaux-Arts de Tbilissi dispose d'environ 60 000 pièces, parmi lesquelles figurent en bonne place manuscrits anciens, pièces de toreutique et d'orfèvrerie, émaux cloisonnés, icônes ciselés d'or et d'argent, croix d'autel et de procession, coupes, ostensoirs provenant des caisses d'Ekvtimé Takhaïchvili. Lors du retour du trésor national géorgien à Tbilissi, les autorités géorgiennes en exil avaient affirmé qu'aucune pièce ne manquait. Le pouvoir soviétique n'avait pas démenti. Certains témoignages, difficiles à vérifier soixante années après, ont affirmé le contraire.

*

Sources multiples :

- [URL : 2468]

- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia
.





 

 

Voir aussi

:

- [URL : 2502]

- [URL : 2495]

- [URL : 1720]

- photographie d'Ekvtimé Takhaïchvili aux obsèques de Nicolas Cheidzé, en 1926 à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]

- [URL : 1646]
 


 

Nicolas Tchéidzé (1864-1926) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2084

Géorgie, Russie et France : Nicolas Chéidzé (1864-1926), homme d'État russe et géorgien
2014-01-09

Chkheidze, Tcheidze, Tchkheidze Karlo ou Nikolay

Député et porte-parole du groupe social-démocrate aux 3ème et 4ème Douma russes (1907 à 1916), président du Soviet de Pétrograd et du Soviet central de Russie (février à octobre 1917), président de l'Assemblée parlementaire provisoire de Transcaucasie (SEIM, février 1918), président de l'Assemblée parlementaire provisoire géorgienne (mai 1918), président de l'Assemblée constituante géorgienne (février 1919), Nicolas Chéidzé conduit la délégation géorgienne à la Conférence de la Paix de Paris en 1919. Il se suicide à leuville-sur-Orge en 1926.

Nicolas Chéidzé est né en 1864 à Poti, dans la région d'Imérétie en Géorgie occidentale, dans une famille aristocratique. Après des études au lycée de Koutaïssi, il entre à l'Université d'Odessa, puis à l'Institut vétérinaire de Kharkov qu'il quitte lors de mouvements estudiantins en 1889.

 

Le militant géorgien



Avec son frère Kaléniké, il est sensibilisé très jeune aux idées marxistes. En décembre 1892 en Imérétie (1), sous l'initiative d'Egnaté Ninochvili, il prend part avec Silibistro Djibladzé et Noé Jordania à un groupe de réflexion appelé plus tard "Troisième Groupe", "Messamé Dassi" (2).

En 1893 à Tiflis, il participe à la naissance du Parti ouvrier social-démocrate de Géorgie : il y croise Pelipe Makharadzé, futur dirigeant bolchévique géorgien.

Il devient directeur de l'hôpital de Batoumi et entreprend avec d'autres sociaux-démocrates géorgiens (dont le professeur Isidore Ramichvili) des cours d'alphabétisation et de formation politique pour les ouvriers (3).

Fin 1901, après l'arrivée clandestine à Batoumi de Joseph Djougachvili, dit Sosso et futur Staline, il s'oppose à ses méthodes. Il le convoque pour lui infliger un blâme, mais l'impétrant ne se présente pas. Assassinats (comme l'agent de renseignement Karzhiya), incendies, grèves violentes se succèdent jusqu'à l'attaque de la prison impériale le 7 mars 1902 : les Cosaques chargent, 30 morts et 54 blessés sont dénombrés. Joseph Djougachvili est arrêté le 5 avril 1902. Nicolas Chéidzé estime que ses activités ont fait le jeu des autorités tsaristes et s'interroge sur l'hypothèse qu'il soit un agent provocateur.

Il participe aux réunions de la IIème Internationale socialiste, en particulier à celles du B.S.I. (Bureau Socialiste International). A Londres, les 13 et 14 décembre 1913, il représente, avec Litvinov et Roubanovitch, le Parti ouvrier social-démocrate de Russie dans lequel le Parti ouvrier social-démocrate de Géorgie s'est fondu. L'un des points à l'ordre du jour concerne "l'unité des sociaux-démocrates de Russie", divisés par la scission en fraction bolchévique (préconisant la dictature du prolétariat avec Lénine) et en fraction menchévique (préconisant le pouvoir parlementaire avec Plékhanov), mais divisés également par l'existence du Parti social révolutionnaire non-marxiste. Malgré la résolution proposée par Karl Kautsky, leader de la sociale démocratie allemande, l'accord ne sera pas réalisé : les germes des deux révolutions successives de février et d'octobre 1917 sont ainsi semés.

 

Le parlementaire russe



De 1898 à 1902, il est porte-parole de l'assemblée locale de Batoumi. En 1907, il devient celui de Tiflis.

Il lance alors sa véritable carrière d'homme politique avec son élection, au titre de la Géorgie, à la IIIéme Douma russe de Saint Pétersbourg accordée par le tsar Nicolas II. Douze députés sociaux-démocrates sont élus, six mencheviks et six bolcheviks : il prend la présidence du groupe, avec le bolchevik Roman Malinovski comme adjoint (4).

Son mandat est renouvelé à la IVème Douma (5).

Brillant orateur en langue russe, émaillant ses propos d'anecdotes humoristiques, il profite de son statut de président de l'opposition sociale-démocrate parlementaire pour prononcer des discours réformistes à la tribune. Les débats ne pouvant être atteints par la censure, leur diffusion à des millions d'exemplaires par le canal de la presse officielle donne un retentissement inespéré aux nouvelles idées.

En 1913, après une prise de position résolument républicaine, son arrestaion et sa déportation sont décidées. La visite de Raymond Poincaré en Russie empêche l'éxécution de ces mesures.

En juillet 1914, il refuse avec le groupe social- démocrate de la Douma de voter les crédits pour la guerre.

 

Le président du Soviet central de Petrograd



Le 1er mars 1917, Nicolas Chéidzé est élu président du Comité exécutif du Soviet d'ouvriers et de soldats de Pétrograd, composé de mencheviks, de bolcheviks et de sociaux-révolutionnaires, organisme qui exerce un "certain" pouvoir législatif sur le gouvernement provisoire du Prince Lvov composé de conservateurs et de constitutionnels démocrates aux idées libérales. Il refuse le poste de ministre du Travail.

Le 12 mars, au Palais des Taurides, il accueille Staline, de retour de déportation et nouvellement élu représentant bolchévique au Comité exécutif (6).

Le 3 avril, à la gare de "Finlande", il accueille Lénine au milieu d'ouvriers, de soldats et de Gardes rouges (ouvriers bolcheviks armés), après que ce dernier ait transité par l'Allemagne -en guerre avec la Russie- de Zurich à Petrograd, dans un wagon plombé (7).

Le 5 juillet, il accepte la reddition des insurgés bolchéviques auteurs d'une tentative de coup d'Etat afin d'éviter un bain de sang. Lénine prend la fuite vers l'étranger (8).

Il préside le Soviet central de toutes les Russies, après une élection avec plus d'un millier de voix contre une petite centaine au candidat bolchévique.

Afin de contenir le désordre qui s'empare de l'ex-empire russe, il maintient la position de soutien au nouveau gouvernement provisoire d'Alexandre Kerenski et condamne une nouvelle fois les thèses bolchéviques, en particulier la paix séparée avec l'Empire allemand.

En octobre, Trotski le renverse à la tête du Soviet central.

En janvier 1918, l'Assemblée constituante russe (élue en novembre 1917) est réunie pour la première et la dernière fois : les bolchéviques la dissolvent car elle leur est défavorable.

 

Le président de l'Assemblée parlementaire provisoire de Transcaucasie



De retour à Tiflis, Nicolas Chéïdzé est élu le 10 février 1918 président de l'Assemblée parlementaire provisoire de Transcaucasie (la SEÏM), constituée des représentants arméniens, azerbaïdjanais, géorgiens et russes précédemment élus à l'Assemblée Constituante russe.

La SEÏM ne reconnaît pas l'autorité bolchévique de Pétrograd tout en maintenant l'idée d'une Russie parlementaire dans laquelle les nationalités s'exprimeraient et la justice sociale s'établirait ("ligne politique dite russophile" selon certains observateurs de l'époque).

Paradoxalement la politique étrangère de Lénine conduit la SEÏM à prendre une autre ligne politique. La Russie bolchévique signe un traité de paix séparée avec l'Empire allemand à Brest-Litovsk : il accorde des districts arméniens et géorgiens à l'Empire ottoman. Ce dernier les réclame manu militari à la Transcaucasie et accentue même ses exigences territoriales. Le négociateur transcaucasien, Akaki Tchenkéli, réussit à convaincre la majorité de la SEÏM de s'allier avec l'Empire allemand, qui s'engage à contenir l'Empire ottoman aux clauses du traité à condition que la Transcaucasie se sépare de la Russie ("ligne politique dite germanophile") (9).

Nicolas Chéidzé, et quelques autres sociaux-démocrates transcaucasiens qui croient toujours à la stratégie d'une Russie parlementaire, sont en minorité. L'indépendance de la Fédération de Transcaucasie est proclamée le 9 avril 1918 ; confrontée à des intérêts arméniens, azéris et géorgiens différents, elle est dissoute à l'issue de quelques semaines.

 

Le président parlementaire géorgien et négociateur international



L'indépendance de la Géorgie est proclamée le 26 mai 1918.

Nicolas Chéïdzé est élu président de l'Assemblée parlementaire provisoire géorgienne.

L'Empire allemand envoie des troupes en Géorgie, conformément aux accords passés et contient la pression militaire ottomane, exerçant de fait un protectorat sur le pays.

Le gouvernement géorgien est surpris par sa défaite. En janvier 1919, l'assemblée provisoire sollicite Nicolas Cheïdzé afin qu'il conduise la délégation géorgienne à la Conférence de la Paix de Paris : plusieurs membres de cette délégation sont récusés par les Alliés, comme Niko Nikoladzé, trop marqués pour leurs positions pro-allemandes (10).

Nicolas Cheïdzé porte le message confidentiel, connu de lui seul et du président de gouvernement, Noé Jordania :

"La Géorgie serait prête à accepter un protectorat de la Grande-Bretagne, ou de la France, à la condition que sa souveraineté soit reconnue sur ses affaires intérieures".

Georges Clemenceau, Lloyd George, Thomas Woodrow Wilson et Vittorio Emanuele Orlando tiennent rigueur à la Géorgie de son alliance avec l'Empire allemand, récusent l'idée de protectorat, mais reconnaissent de fait la Ière République de Géorgie (11).

En février 1919, Nicolas Chéidzé est élu président de l'Assemblée constituante géorgienne (12). Avec les vice-présidents représentants tous les partis, une Constitution est établie. Le pouvoir législatif est donné à un Parlement élu au suffrage universel. Le pouvoir exécutif est donné à un président de gouvernement (président du Conseil des ministres), élu par le Parlement dans la limite de deux mandats consécutifs.

Plus d'une centaine de lois sont votées concernant les droits civiques (vote des femmes et des hommes de plus de 20 ans de toutes nationalités, instruction publique), les droits judiciaires, les droits économiques (propriété de la terre cultivée aux paysans), les droits sociaux (journée de travail limitée à 8 heures) et la défense nationale (Garde nationale sous contrôle du Parlement, conscription pour les jeunes classes).

Compte-tenu de son audience internationale, il continue à assurer des missions extérieures, notamment à Londres, à Rome et à Genève.

Le 16 mars 1921, il préside à Batoumi la dernière réunion de l'Assemblée constituante géorgienne (renommée Parlement), après que les armées de la Russie soviétique aient envahi la Géorgie : mandat est donné au gouvernement géorgien de s'expatrier afin de continuer le combat.

 

L'exil



A Paris, puis à Londres auprès de Ramsay Mac Donald, Nicolas Chéïdzé ne cesse d'alerter ses amis sociaux- démocrates "du crime politique commis par la Russie bolchévique en Géorgie". La Grande-Bretagne préfère négocier un accord commercial avec Lénine pour un partage hypothétique du pétrole de Bakou.

Il ne supporte pas l'indifférence internationale au sort de la Géorgie (13). Il supportait déjà assez mal "la trahison des idéaux socialistes" dont se rendent coupables Trotski et Lénine. Il émet au sein du Parti ouvrier social-démocrate géorgien en exil des réserves sur la préparation de l'insurrection nationale de 1924, estimant que l'Armée rouge et la Tchéka sont trop profondément implantées sur le territoire géorgien : l'échec du soulèvement et la terrible répression bolchévique qui s'en suit le marque profondément. Il se suicide le 7 juin 1926 à Leuville-sur-Orge (14). laissant sa veuve Alexandra et sa fille Véronique (15). Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise ä Paris.

 

Notes



(1) Selon les uns le "Troisième Groupe" de réflexion se serait réuni à Tchiatoura, selon les autres à Zestaponi, selon les derniers dans la vallée de la rivière Kvirila, proche.

(2) Les "Premier Groupe" et "Deuxième Groupe" de réflexion inspirés par Ilia Tchavtchavadzé et Niko Nikoladzé dans les années 1860 et 1880 ont contribué à l'éveil du mouvement national géorgien et à un certain libéralisme.

(3) La ville de Batoumi compte 16 000 ouvriers géorgiens, arméniens, grecs, perses, russes et turcs oeuvrant dans l'industrie pétrolière (oléoduc reliant Bakou, raffineries, port) et dans l'exportation du manganèse, du réglisse et du thé. Les Nobel et les Rothschild -branche française- contrôlent ces activités.

(4) Roman Malinovski, représentant bolchévique à la IIIème Douma, sera plus tard décrit comme un voleur et un violeur, espion à la solde de la police secrète du tsar Nicolas II, l'Okhrana.

(5) En novembre 1907, Y. O. Martov écrit de Paris à P. B. Axelrod : "Les sociaux-démocrates locaux disent que Chéidzé est le marxiste le mieux formé du Caucase".

(6) Staline propose en mars 1917 une alliance avec les mencheviks, la poursuite d'une guerre défensive contre l'Allemagne et la convocation d'une Assemblée constituante : il se fera fortement tancé par Lénine lors du retour de ce dernier à Petrograd.

(7) Rapidement il apparait que Lénine prépare la dictature du prolétariat -c'est à dire la prise exclusive du pouvoir par les bolcheviks- et la paix avec l'Allemagne.

(8) La révélation que l'Allemagne a financé le retour en Russie de Lénine en avril 1917 et la tentative de coup de force bolchévique du 3 juillet 1917 confortent Nicolas Cheidzé dans l'idée que l'appui de la Grande-Bretagne, de la France, voire de l'Italie, est nécessaire.

(9) Akaki Tchenkéli rejoint la position de certains nationalistes géorgiens, qui dès 1914, de Berlin, avaient constitué un Comité d'Indépendance de la Géorgie, appuyé par l'Empire allemand, contre l'Empire russe. Les sociaux-démocrates géorgiens, approchés, avaient récusé cette "ligne politique dite germanophile".

(10) Trois hommes politiques ont exercé certains pouvoirs de chef d'Etat durant la Ière République de Géorgie (mai 1918 - mars 1921), Nicolas Chéidzé (président du Conseil national, de l'Assemblée parlementaire provisoire, de l'Assemblée constituante et du Parlement) à la Conférence de la Paix de Paris en 1919, Noé Ramichvili (président du 1er gouvernement) et Noé Jordania (porte parole du Conseil national, président des 2ème et 3ème gouvernements). Aucun des trois ne fut ni président de la République, ni chef d'Etat.

(11) La Grande-Bretagne et la France reconnaîtront de jure la Ière République de Géorgie en janvier 1921.

(12) Les élections à l'Assemblée constituante géorgienne de février 1919 donnent 79,5 % des voix au Parti social démocrate géorgien, soit 109 sièges (sur 130).

(13) La Tribune de Genève du 27 mai 1924 écrit sous la plume de Ed. C. :

"Un assez grand nombre d'invités se sont rendus chez M. et Mme Jean Martin, à Martigny, pour y rencontrer M. Nicolas Tcheïdzé, président de l'Assemblée constituante de Géorgie, et considéré, bien qu'en exil, comme le véritable chef de l'Etat par tous les Géorgiens opprimés. ... L'essentiel est de ne pas désespérer, de croire en la vitalité du peuple géorgien. Sa volonté de vivre finira par triompher. La sympathie des peuples libres, à défaut de l'aide de gouvernements trop lointains et impuissants, raffermira son courage et l'aidera à surmonter ses épreuves. ... "

(14) Albert Thomas, ancien ambassadeur plénipotentiaire de la France en Russie et directeur du Bureau International du Travail à Genève écrit le 15 juin 1926 :

"J'ai été douloureusement frappé par la nouvelle de la mort de Tcheidzé. Je l'ai rencontré pour la première fois en 1917, au Soviet de Petrograd, à un moment bien angoissant où il importait au premier chef que le cabinet Kerenski fût maintenu. L'admirable sens politique de notre ami retarda l'avènement du désordre. Que se serait-il passé, si la paix de Brest-Litovsk eût été conclue plus tôt ? Que s'en serait-il suivi pour la France ? Tcheidzé, avec une sérénité un peu bourrue qu'il conservait au milieu de l'agitation révolutionnaire, voyait clairement l'avenir".

(15) Souvenir : "La fille de Nicolas Chéidzé, Véronique, que ses proches appelait Lala, resta toute sa vie très pudique sur les années difficiles qu'enfant, elle traversa" : [URL : 4940]. Nicolas Chéidzé avait également une fille d'un premier mariage : elle resta en Géorgie et devint alpiniste renommée à l'ère soviétique.


 

Sources



- [URL : 2468]

- Archives personnelles Véronique de Grassmann (née Chéidzé),

- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia.







 

 

Voir aussi



- [URL : 2502]
 



- [URL : 2495]

- [URL : 1720]

- photographie des dirigeants politiques géorgiens en exil aux obsèques de Nicolas Cheïdzé en 1926, à Paris, au cimetière du Père Lachaise [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]

 


Akaki Tchenkéli (1874-1959) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2496

Géorgie et France : Akaki Tchenkéli (1874-1959), homme d'Etat transcaucasien
2013-02-18

Akaki Chkhenkeli ou Tchkhenkeli

Akaki Tchenkéli est né en 1874 à Khoni (ou le 19 mai 1880 à Okoumi selon les sources) dans une famille noble. Il est tour à tour diplômé des universités de Kiev, Berlin et Londres, en droit et en littérature.

Il épouse Makriné Tourkia, née le 24 juillet 1880, à Soukhoumi. Ils adoptent, le 27 septembre 1910, devant le Tribunal civil de Tiflis, Alexis né le 1er juillet 1905 à Okumi.

 

La politique



En 1898, Akaki Tchenkéli rejoint le mouvement social-démocrate et prend parti pour la tendance menchevique. En septembre 1912, il est élu député à la IVème Douma de Saint Petersbourg accordée par le tsar Nicolas II.

A l'étranger, il représente à plusieurs reprises la fraction menchévique du Parti Ouvrier Social Démocrate de Russie, dans lequel s'est fondu le Parti Ouvrier Social Démocrate de Géorgie (1).

 

L'homme d'Etat transcaucasien



En février 1917, il est membre du soviet de Tiflis et en juin, de l'Assemblée provisoire russe.

En novembre 1917, il devient ministre des Affaires étrangères du Haut Commissariat à la Transcaucasie (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie), qui déclare vouloir rester dans la Russie sans reconnaître l'autorité bolchévique ("ligne politique dite russophile" selon certains observateurs de l'époque).

Le 10 février 1918, une Assemblée provisoire de Transcaucasie (la SEÏM, présidée par Nicolas Cheïdzé) est réunie à Tiflis : elle déclare, elle aussi, vouloir rester dans la Russie sans reconnaître l'autorité bolchévique. Le même jour, l'Empire ottoman lui envoie des propositions de négociation. Le 17 février, Lénine lui fait envoyer par Lev Karakhan (représentant soviétique aux négociations de Brest-Litovsk entre la Russie bolchévique et l'Empire allemand), une dépêche informant que sont cédés à l'Empire ottoman les districts géorgiens d'Ardahan, d'Artvin et de Batoumi et le district arménien de Kars (2).

La SEÏM désigne Akaki Tchenkéli pour conduire une délégation transcaucasienne : elle déclare ne pas reconnaître le traité de Brest-Litovsk et vouloir conserver ses frontières de 1914.

Le 4 mars, à Trébizonde, les négociations entre l'Empire ottoman et la Transcaucasie s'engagent. Les représentants ottomans considèrent à la fois que le traité de Brest-Litovsk est valide (donc que l'autorité bolchévique s'exerce sur la Transcaucasie) et que la Transcaucasie doit proclamer son indépendance (donc que l'autorité bolchévique ne s'y exerce plus).

Le 26 mars, ils envoient un ultimatum demandant l'évacuation d'Ardahan, d'Artvin, de Batoumi et de Kars. Coupé de toute communication avec Tiflis, Akaki Tchenkéli prend sur lui d'accepter. Il sait que sa position n'est pas celle pour laquelle il a été mandaté. Au contact des officiels allemands, présents à la conférence, il a acquis deux convictions. D'une part, la Transcaucasie ne peut plus se réclamer d'un Etat qui n'existe plus : elle doit se séparer de la Russie bolchévique. D'autre part, en l'absence du contrepoids russe, la Transcaucasie ne pèsera pas lourd face à l'Empire ottoman : l'Empire allemand est le seul recours ("ligne politique dite germanophile") (3).

Le 31 mars, la SEÏM désavoue sa délégation. Les troupes turques avancent en Géorgie : Batoumi est pris le 1er avril.

De retour à Tiflis, Akaki Tchenkéli réussit à convaincre une majorité de chefs de file sociaux-démocrates transcaucasiens ; beaucoup de nationalistes l'étaient par avance. Le 9 avril, la SEÏM proclame l'indépendance de la Fédération de Transcaucasie : il remplace Evguéni Guéguétchkori à la tête de l'exécutif.

Le 10 avril, une nouvelle conférence s'ouvre à Batoumi avec les représentants ottomans, en présence de représentants allemands et autrichiens : Akaki Tchenkéli accepte une nouvelle fois les conditions de Trébizonde. Le 14 avril, il donne l'ordre aux troupes arméniennes et russes du général Nazardekov d'évacuer le district de Kars au profit de l'Empire ottoman, au mécontentement de la France et de la Grande-Bretagne.

Début mai, de nouvelles revendications ottomanes apparaissent concernant les districts d'Akhaltsikhé, d'Akhalkalaki, d'Alexandropol et le chemin de fer d'Alexandropol à Djoulfa, afin de prévenir tout mouvement armé hostile.

Les intérêts divergents des musulmans azéris (sensibles aux positions ottomanes), des représentants arméniens (profondément hostiles ä l'Empire ottoman qui occupe leur territoire) et des représentants géorgiens (cherchant la protection de l'Empire allemand vis-à-vis de l'Empire ottoman) s'affrontent au sein même de la délégation et conduisent à l'éclatement de la Transcaucasie.

 

L'homme d'Etat géorgien



Les différentes négociations menées avec les représentants allemands aboutissent à une protection de fait de la Géorgie.

L'Empire allemand est l'une des premières puissances à reconnaître la Ière République de Géorgie, proclamée le 26 mai.

Akaki Tchenkéli est nommé ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Noé Ramichvili.

Le 13 juin, il lui fait diffuser le communiqué suivant : "Le gouvernement géorgien fait savoir à la population que les troupes allemandes arrivées à Tiflis, ont été invitées par lui, et qu'elles ont pour but de défendre les frontières de la république géorgienne conformément aux instructions du gouvernement géorgien".

Akaki Tchenkéli est reconduit dans le premier gouvernement de Noé Jordania en juillet 1918.

Il devient ensuite ministre plénipotentiaire en Europe : en octobre, de Berlin, il fait dire par le publiciste Niko Nikoladzé que la victoire allemande est probable et encourage Tiflis à poursuivre ses orientations de politique étrangère.

En décembre 1918, de Berlin, il s'oppose à toute conciliation avec Dénikine, général d'une armée russe tsariste, soutenu par les Britanniques présents militairement en Géorgie depuis le départ des armées allemandes.

Akaki Tchenkéli est élu député à l'Assemblée Constituante géorgienne début 1919. Il reste ministre plénipotentiaire et est en poste à Paris à partir de janvier 1921.

 

L'émigration



En mars 1921, après l'invasion de la Géorgie par l'Armée rouge, il se joint à l'émigration des autres dirigeants politiques géorgiens.

En 1927, il est l'un des sept membres initiaux de la Société Civile Immobilière propriétaire de la résidence d'exil en France de la Ière République de Géorgie, aux côtés de représentants sociaux-démocrates, nationaux-démocrates et sociaux-fédéralistes (4).

Akaki Tchenkéli meurt à Paris en 1959. Il est inhumé au "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge ; son épouse Makriné (1881-1967) le rejoindra quelques années plus tard. Son fils Alexis (1904-1985), saint-cyrien, colonel de la Légion étrangère et ancien des Forces Françaises Libres, repose également dans ce "carré géorgien" .

En 2005, ses petits-enfants, Thamar et Guivi, seront les premiers à signifier au président Mikheïl Saakachvili qu'ils souhaitent le retour à l'Etat géorgien de la résidence d'exil en France de la Ière République de Géorgie (5).

 

Notes

:

(1) Akaki Tchenkéli aurait du représenter le P.O.S.D.R. , avec Axelrod, Kameneff et Roubanovitch, au Congrès socialiste international (IIème Internationale) de Vienne du 23 au 29 août 1914 ; ce congrès fut annulé suite au déclenchement de la Première Guerre Mondiale. Il avait été précédé d'une réunion du Bureau socialiste international, à Bruxelles, du 16 au 18 juillet 1914 ; "l'unification des sociaux-démocrates en Russie" avait été débattue en vain tant les positions des partisans de Lénine (dictature du prolétariat) et celles des partisans de Plékhanov (pouvoir parlementaire) étaient éloignées.

(2) Lors de la campagne militaire de 1914 / 1915, les troupes tsaristes commandées par le général Lébidinski avaient infligé une sévère défaite aux armées ottomanes : elles tenaient non seulement la frontière d'avant la guerre, mais s'étaient enfoncées profondément sur le territoire de l'Empire ottoman. La paix séparée de Brest-Litovsk entre la Russie bolchévique et l'Empire allemand permet aux représentants ottomans non seulement de récupérer leur territoire, mais de pouvoir annexer des territoires transcaucasiens.

(3) La délégation transcaucasienne à Trébizonde est partagée quant à la réponse à apporter à l'ultimatum ottoman. Les représentants arméniens et géorgiens (dans leur majorité) sont favorables au maintien de la Transcaucasie dans une Russie libérée des bolchéviques et de ce fait rejettent la position ottomane. Les représentants musulmans (à dominante azérie) et le représentant nationaliste géorgien sont favorables à la proclamation de l'indépendance de la Transcaucasie et acceptent la position ottomane comme base de négociation.

(4) [URL : 1756]

(5) en 2005, Guivi Tchenkéli, musicien, fera don d'instruments à l'Ecole de Musique de Tbilissi lors d'une cérémonie présidée par la ministre géorgienne des Affaires étrangères de l'époque, Salomé Zourabichvili.


*

Sources multiples :

- Archives familiales

- Archives de l'Office des réfugiés géorgiens en France

- [URL : 2468]

- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia
.




 

 

Voir aussi



- [URL : 2502]

- [URL : 2495]

- [URL : 1720]

- photographie d'Akaki Tchenkéli aux obsèques de Nicolas Cheïdzé, en 1926 à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]

- [URL : 1646]


 


 

Bénia Tchkhikvichvil (1881-1924) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/5291

Géorgie, France et Géorgie : Bénia Tchkhikvichvili, président de la République auto-proclamée de Gourie (1905-1906)
2014-01-14

Bénia Tchkhikvichvili milite clandestinement au Parti ouvrier social-démocrate russe et participe à la Révolution de 1905 qui secoue l'Empire russe.

Il est élu président du comité révolutionnaire qui dirige la République auro-proclamée de Gourie (1905-1906) (1), dans une province géorgienne fortement politisée, échappant au contrôle russe depuis 1902 et que seul un régiment de Cosaques envoyé par Nicolas II mettra au pas. Il est arrêté et déporté en Sibérie.

Durant la Ière République de Géorgie (1918-121), il est élu maire de Tiflis.

Après l'invasion du territoire géorgien par l'Armée rouge, il émigre avec la classe politique géorgienne d'abord à Constantinople, puis à Leuville-sur-Orge.

Il participe à l'achat du domaine "le Château des Géorgfiens" qui deviendra la résidence d'exil de la Ière République de Géorgie (2) et en devient l'un des propriétaires -au nom des autorités géorgiennes- jusqu'au début 1924.

Il rejoint ensuite clandestinement le territoire géorgien afin de préparer une insurrection nationale (3).

Il est arrêté et exécuté en août 1924.

 

Notes



(1)

[URL : 4527]



(2)

[URL : 1720]

(3)

[URL : 3908]


 


 

Irakli Tsérétéli (1881-1959) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2087

 

Géorgie, Russie, France et Etats-Unis : Irakli Tsérétéli (1881-1959), homme d'État
2013-04-02

Cereteli, Tseretelli Irakly

Député social démocrate à la IIème Douma russe (mars 1907), président du Soviet d'Irkoutsk (février 1917), ministre des Postes et ministre de l'Intérieur du gouvernement provisoire (mai à octobre 1917), ministre plénipotentiaire du 3ème gouvernement homogène social démocrate de la Ière République de Géorgie (février 1919 à mars 1921), Irakli Tsérétéli reste membre du bureau exécutif de la IIéme Internationale socialiste jusqu'en 1939. Il meurt en exil aux États-Unis.

Irakli Tsérétéli est né à Gorisa, en Géorgie, en 1881, dans une famille aristocratique qui compte un écrivain célèbre, Guiorgui Tsérétéli. Après ses années de lycée, il rejoint l'Université de Moscou pour y étudier le droit de 1900 à 1902.

 

L'homme politique russe



Ayant pris part à une manifestation estudiantine, il est frappé de déportation en Sibérie en 1902 et 1903. Après sa libération, il rejoint le Parti social démocrate russe. Au congrès de Londres, il défend les thèses de Martov et s'oppose à celles de Lénine. À son retour en Géorgie, il publie différentes communications dans le journal Le Sillon (Kvali), puis il s'exile en Europe occidentale devant la pression de la police tsariste.

Il revient à Tiflis lors des mouvements populaires de 1905 et est élu en mars 1907, au titre de la Géorgie, à la IIème Douma accordée par le tsar Nicolas II. Il s'affirme comme l'un des chefs de file de l'opposition sociale démocrate. Après la dissolution de l'assemblée, il est condamné à 5 années de prison et est exilé une nouvelle fois en Sibérie.

Lors de la révolution de février 1917, il est élu président du Soviet d'Irkoutsk en Sibérie.

Le 12 mars 1917, il accueille au Comité exécutif du Soviet de Petrograd, présidé par Nicolas Cheidzé, Joseph Djougachvili dit Staline, de retour de déportation et nouvellement élu représentant bolchévique (1).

En mai, il devient ministre des Postes et Télégraphes dans le gouvernement provisoire de Georges Lvov.

Le 3 juin, il s'oppose aux bolcheviks lors du Ier Congrès du Soviet de Petrograd et affirme à la tribune : "Il n'y a pas un parti en Russie qui ose dire, placez tout le pouvoir entre nos mains". Lénine lui répond "Un tel parti existe. Aucun parti n'a le droit de refuser le pouvoir et notre parti ne le refuse pas. Il est prêt à tout moment à prendre tout le pouvoir entre ses mains".

Le 9 juin, il dénonce lors d'une séance du Soviet de Petrograd "La conspiration bolchévique pour s'emparer du pouvoir" (2).

Le 5 juillet, il accepte la reddition des insurgés bolchéviques auteurs d'une tentative de coup d'Etat afin d'éviter un bain de sang. Lénine prend la fuite vers l'étranger (3).

Il devient ensuite ministre de l'Intérieur du gouvernement provisoire d'Alexandre Kerenski (4).

En octobre, Trotski et Lénine prennent le pouvoir : ils chassent Nicolas Cheïdzé du Soviet de Petrograd et le gouvernement provisoire d'Alexandre Kerenski, dont Irakli Tsereteli.

En novembre, l'Assemblée constitutionelle russe est élue sur tout le territoire de l'ex-Empire russe, conformément à la décision antérieurement prise par le gouvernement provisoire : la majorité n'est pas favorable aux bolchéviques, qui la dissolvent à sa première et dernière réunion en janvier 1918.

Malgré des conditions précaires de sécurité personnelle, Irakli Tsérétéli y prend la parole. Morgan Philip Prices témoigne "Lors de son chant du cygne, Irakli Tsérétéli resta le même, réfléchi, sans émotion inutile, philosophe, calme comme Zeus sur l'Olympe contemplant les conflits entre les autres dieux" :

... L'Assemblée constituante élue démocratiquement par toutes les Russies devrait être la plus haute autorité du pays. Si c'est le cas pourquoi le Soviet central -dont Trotski s'était emparé manu militari évinçant Cheïdzé- a-t-il envoyé un ultimatum ? Cet ultimatum signifie l'intensification de la guerre civile. Est-ce aider à la réalisation du socialisme ? Au contraire, les militaires allemands n'en briseront que plus facilement le front révolutionnaire. La dissolution de l'Assemblée constituante servira les intérêts bourgeois que les bolchéviques prétendent combattre. Seule l'Assemblée constituante sauvera la révolution ....

Lénine tente de le faire arrêter quelques heures plus tard, une indiscrétion le sauve.

 

L'homme politique transcaucasien



De retour à Tiflis, il siège à l'Assemblée provisoire de Transcaucasie (la SEÏM), constituée des représentants arméniens, azerbaïdjanais, géorgiens et russes élus à l'Assemblée constituante russe,

La SEÏM ne reconnaît pas l'autorité bolchévique de Pétrograd tout en maintenant l'idée d'une Russie parlementaire dans laquelle les nationalités s'exprimeraient et la justice sociale s'établirait ("ligne politique dite russophile" selon certains observateurs de l'époque).

Paradoxalement la politique étrangère de Lénine conduit la SEÏM à prendre une autre ligne politique. La Russie bolchévique signe un traité de paix séparée avec l'Empire allemand à Brest-Litovsk : il accorde des districts arméniens et géorgiens à l'Empire ottoman. Ce dernier les réclame manu militari à la Transcaucasie et accentue même ses exigences. Le négociateur transcaucasien, Akaki Tchenkéli, réussit à convaincre la majorité de la SEÏM à s'allier avec l'Empire allemand, qui s'engage à contenir l'Empire ottoman aux clauses du traité à condition que la Transcaucasie se sépare de la Russie ("ligne politique dite germanophile").

Irakli Tsérétéli, et quelques autres sociaux démocrates transcaucasiens qui croient toujours à la stratégie d'une Russie parlementaire, sont en minorité. L'indépendance de la Fédération de Transcaucasie est proclamée le 9 avril 1918. Mais confrontée à des intérêts arméniens, azéris et géorgiens différents, elle est dissoute à l'issue de quelques semaines.

Lors de la dernière séance de la SEÏM, en réponse à la question du député constitutionnel démocrate russe Semenov, Irakli Tsérétéli répond :

"Si une grande nation comme le peuple russe peut survivre, quoique bien affaiblie, à une crise bolchéviste, un petit peuple risque d'en périr, et que, pour les petites nations surtout, l'intérêt national est primordial".

C'est l'abandon de la "ligne politique dite russophile", évolution qui marquera l'histoire moderne du peuple géorgien.

 

L'homme politique géorgien



La Ière République de Géorgie est proclamée le 26 mai 1918.

Compte tenu de son audience internationale, Irakli Tsérétéli remplit les missions de ministre plénipotentiaire dans le 3éme gouvernement homogène social démocrate présidé par Noé Jordania.

Il se joint à Nicolas Chéïdzé pour représenter la Géorgie à la Conférence de la Paix à Paris en janvier 1919.

Il représente aussi le Parti social démocrate géorgien auprès de la IIème Internationale socialiste et s'active afin que la communauté internationale soit sensibilisée au sort de la Géorgie.

Une délégation visite plusieurs régions géorgiennes en septembre 1920. Elle est composée de sociaux démocrates britanniques conduits par Ramsay MacDonald, français conduits par Pierre Renaudel et belges conduits par Emile Vandervelde. Les sociaux démocrates allemands conduits par Karl Kautsky viennent plus tard. L'accueil de la population est chaleureux, elle pense y voir une reconnaissance définitive de l'indépendance de la Géorgie.

Irakli Tsérétéli siège à l'exécutif de l'Internationale socialiste jusqu'en 1939.

*

Adversaire politique redouté de Lénine depuis la scission bolchévique, Irakli Tsérétéli combat d'abord face à face à Petrograd et ensuite à distance. Leur principal différent provient de la nature des moyens permettant de parvenir au socialisme, la dictature du prolétariat par l'intermédiaire du Parti communiste (le pouvoir aux soviets) pour Lénine, la voie démocratique (l'Assemblée constituante et le régime parlementaire) pour Tsérétéli. Redouté également de Trotski, ce dernier lui répondra en 1922 par un pamphlet public, Entre l'impérialisme et la révolution, afin de justifier à postériori l'intervention des armées de la Russie soviétique en Géorgie et la dictature bolchévique.

 

L'exil



Irakli Tsérétéli s'exile d'abord en France en 1921.

En 1924, il émet des réserves sur la préparation d'une insurrection nationale en Géorgie, estimant que l'Armée rouge et la Tchéka y sont trop profondément implantés, rejoignant les positions de Nicolas Cheidzé.

Durant les années 1940, il refuse toute compromission avec l'occupant et tout encouragement aux jeunes Géorgiens exilés qui veulent rejoindre l'armée allemande afin de libérer la Géorgie.

Durant une vingtaine d'années, il anime un courant informel -Opozitzia- au sein du Parti social démocrate ouvrier géorgien en exil, qualifié par certains observateurs de "socialisme de droite" car résolument anti-bolchévique et pro-occidental, par d'autres de "socialisme de gauche" car résolument anti-nazi et favorable aux conquêtes ouvrières (5).

En 1948, en pleine montée de la guerre froide, il rejoint les Etats-Unis (6). Il y décède en 1959 (7).

 

Notes

:

(1) Joseph Djougachvili, de retour de déportation de Sibérie en mars 1917, propose une alliance avec les mencheviks, la poursuite d'une guerre défensive contre l'Allemagne et la convocation d'une Assemblée constituante. Il se fera fortement tancé par Lénine, après son retour à Petrograd.

(2) La partie la plus radicale du mouvement bolchévique, l'Organisation militaire qui déclare réunir soixante mille soldats, prépare une manifestation armée qui aura lieu le 3 juillet 1917 à Petrograd.

(3) La révélation que l'Allemagne a financé le retour en Russie de Lénine en avril 1917 et la tentative de coup de force bolchévique du 3 juillet 1917 confortent Irakli Tsérétéli dans l'idée que l'appui de la Grande-Bretagne, de la France, voire de l'Italie, est nécessaire.

(4) Témoignage de George Buchanan, ambassadeur de Grande-Bretagne en Russie : "Irakli Tsérétéli a une personnalité raffinée et sympathique. Il me plaisait par l'honnêteté transparente de ses propos et ses manières loyales. Il était, comme beaucoup de sociaux démocrates, un idéaliste mais je ne pouvais pas le lui reprocher. Il faisait l'erreur d'approcher les problèmes de politique pratique avec un point de vue purement théorique".

(5) La dernière manifestation publique de ce courant informel est publiée le jeudi 22 février 1962 dans le Populaire de Paris, journal officiel de la SFIO -le Parti socialiste français de l'époque-, à la signature de Raymond Naegelen, faisant référence au Parti social démocrate géorgien, groupe Irakli Tsérétéli.

(6) Souvenir : "Au milieu des années cinquante, vraisemblablement lors de son dernier voyage en Europe, Irakli Tsérétéli revient à Leuville-sur-Orge, conduit par l'un de ses fidèles partisans, Martiané Mguéladzé, chauffeur de taxi. Après le repas traditionnel et les discours verre à la main, après que les femmes et les enfants aient quitté la table, les hommes parlent politique. Le leitmotiv en est, si Alexandre Fédorovitch (Kérenski) avait accepté d'éliminer Vladimir Ilitch (Lénine) par la manière forte, la révolution de février aurait-elle été sauvée ? Le vieil homme, caressant longuement sa barbiche de la main, en semble persuadé".

(7) Les cendres d'Irakli Tsérétéli reposent au "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.

*

Sources multiples :

- [URL : 2468]

- Archives personnelles Martiané Mguéladzé,

- Archives familiales,

- Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia
.






 

 

Voir aussi

:

- [URL : 2502]

- [URL : 2495]

- [URL : 1720]

- photographie d'Irakli Tsérétéli aux obsèques de Nicolas Cheidzé, en 1926 à Paris [URL : http://www.samchoblo.org/agf_gouvernement.htm]

- [URL : 1646]

 


 

 

II) CLASSE MILITAIRE (9)

 

Guiorgui Kvinitadzé (1874-1970) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2516

Kakoutsa Tcholokhachvili (1888-1930) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2033

Dimitri Amilakvari  (1906-1942) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2535

Alexandre Djintcharadzé (1896-1970) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3635

Alexandre Kintzourichvili (1900-1976) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3638

Georges Odichélidzé (1899-1970) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3634

Alexis Tchenkéli (1904-1985) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3639

Nicolas Tokadzé (1901-1975) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3637

Jean Vatchnadzé (1899-1976) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3636

 

III) PERSONNALITES nées en Géorgie (21)

 

Thamar Alchibaya (1908-2010) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3116

Mariam Alikhanachvili (1920-1994) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3605

Roland Assathiany (1910-2008) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/4593

Kéthévane  Barnovi (1921-2015) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3750

Coca Djakéli (1919-2005) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2056

Martha Guéguétchkori (1910-2005) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2146

Nathéla Jordania (1919-2016) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3946

Jacques Khotcholava (1889-19XX) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/4365

Michel Khoundadzé (1898-1983) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3580

Georges Lomadzé (1907-2005) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/1767

Famille Mdivani (branche Zacharias) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/4103

Nelly Mdivani (1916-2012) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3736

Vera Pagava (1907 -1988) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2603

Grigol Péradzé (1899-1942) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2451

Nina Ramichvili (1920-2011) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3417

Nicolas Saralidzé (1914-1991) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/4434

Michel Tchavtchavadzé (1898-1965) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/4651

Véronique Tchéidzé (1909-1986) https://www.colisee.org/old/public/article/fiche/4940

Achille Tzitzichvili de Panaskhet (1916-2010) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3086

Serge Tsouladzé (1916-1977) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3510

Félix Varlamichvili (1903-1986) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/3739

 

IV) Association géorgienne en France : présidents (17)

 

Guiorgui Jourouli (1865-1951) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2919

David Skhirtladzé (1881-1965) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2940

Yosseb Tsintsadzé (1889-1960) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2939

Vakhtang Hambachidzé (1872-1951) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2912

Chalva Skamkotchaïchvili (1904-1949) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2913

Chalva Abdoucheli (1889-1966) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2924

Elissé Pataridzé (1896-1975) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2941

Lévan Zourabichvili (1906-1975) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2942

Victor Homériki (1910-1994) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2944

Thamaz Naskidachvili,(1936) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2918

Othar Pataridzé (1943) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2923

Serge Méliava (1937-2011) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2982

Lia Vodé (1949) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2981

Nodar Odichélidzé (1940) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2983

Tariel Zourabichvili (1930) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2984

Guia Sardjveladzé (1947) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2910

Othar Zourabichvili (1950) https://www.colisee.org/old/public//article/fiche/2985

 

D’autres sources sont disponibles,  en particulier sur Wikipédia en langue française, en langue anglaise et en langue géorgienne, ou sur la Bibliothèque nationale du Parlement géorgien  (https://www.nplg.gov.ge/geo/home).