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NATHELA DAVRICHACHVILI

ნათელა დავრიშაშვილი

 

Nathéla en studio d'enregistrement à Tbilissi ( Décembre 2011)

 

Les Vieux chapeaux ( Zveli qudebi )

 

                                                                                                                  

 Nathéla en studio concert  à Tbilissi ( Décembre 2011 ) 

                                                       

 Chanteuse d'origine géorgienne, Nathéla écrit, compose parfois,  et interprète, dans un français ponctué de géorgien, des chansons inspirées de la tradition musicale Caucasienne... De la chanson française aux accents d'Orient, accompagnée par la sonorité des instruments de là-bas: Doli, panduri, duduki, tchunirri…

Ils portent de vieux chapeaux qui les protègent du vent, à leurs côtés les femmes s’avancent de grands châles sur les épaules, et bientôt les lieux mêmes porteront leurs traces, celles des exilés, celles des disparus, celles du temps passé. “ Des cimes du Caucase aux bords de la Seine Leur mémoire sillonne le cours de mes veines ”.

Ils s’avancent vers vous. Vous imaginez leurs vies, leurs chants d’un ailleurs, leurs mots écorchés, ils pourraient sauter à pieds joints, fuir les sols gelés, quelque chose les pousse loin d’ici, un exil qui les mène en voyage.

“ Il n’y a pas de sols foulés, seulement des pas esquissés, seulement des airs dérobés, seulement des mots écorchés ”(“Tchemo Samchoblo”), juste leurs histoires liées à la mémoire et aux souvenirs (“ Tbilisso ”), juste les histoires d’amour qui finissent mal (“C’est plus la peine”), juste des envies de vider son corps pour tout oublier (“L’amphore ”), des histoires de deuils (“Novembre”) et de sangs croisés.

Ce sont des émigrants, comme chacun de nous. Ils ne font qu’habiter momentanément leurs vies, le passé bouge fort, l’avenir est incertain et au milieu rien ne va plus souvent, très vite on peut sortir de la “pièce et de ta vie” (“C’est plus la peine”).

Nathéla déroule au fil de son répertoire un univers singulier et pénétrant où chaque interprétation pousse à cultiver la différence et à ne jamais se résigner. Cela pourrait être une leçon de vie “ne jamais être à terre”, et à l’écoute de ses chansons, cela s’affirme aussi comme une leçon de musique, une “confiance en l’avenir” donnée à entendre.

Nathéla a de bonnes influences, sa famille, ses origines géorgiennes, ses rencontres artistiques, ses goûts musicaux divers et surprenants, ses choix d’existence. Ne jamais être à terre, rester éveillée, dire au mieux ce sang qui coule dans nos veines et qui nous fait nous accrocher à ce dur métier de vivre.

C’est flamboyant, heurté et souple, triste et drôle, lent et vif, c’est la vie soudain donnée à entendre, plus vraie que nature, et cela donne envie d’en reprendre pour quelques années, même si l’existence est souvent un canular douloureux, on peut compter maintenant sur les cordes (“Discordes”) tendues par Nathéla pour ne pas nous laisser couler.


 CHANTER COMME ON SE SOUVIENT

Issue d’une famille d’exilés géorgiens, Nathéla invente une musique de partage entre les langues, les sonorités et les histoires. Des invitations multiples au voyage avec des mélodies qui marquent et ne vous lâchent plus

Elle a choisi de prendre possession des lieux, de prendre les choses en main et surtout de ne jamais prendre d’autre appartenance que celle du lien entre les êtres. Qu’est-ce qui fait ce lien qui nous lie ? Demande une de ses chansons et toutes de répondre à cette question qui est notre colonne vertébrale commune. La famille, l’amour, la culture, la musique, ça se cultive, ça grandit, ça se maltraite, ça se chante. Mais pour être une chanteuse, il ne suffit pas seulement de chanter. Il faut cette qualité d’être nomade, d’être née nomade, une émigrante réelle ou imaginaire capable de parler de toutes les terres et de tous les hommes. Travelling people. Parce que nous ne sommes pas ce que nous souhaitons être, parce le monde souhaite rarement que nous soyons nous-mêmes, parce que lui-même ne “ va pas très bien ” et parce qu’écrire des chansons et les chanter sur scène permet de n’“être prisonnière de rien”. Tout est ouvert, les ombres des vivants et des morts hantent les textes et donnent une tonalité musicale vagabonde, ample et déterminée.

Nathéla parle d’ailleurs, pas d’une terre éloignée et folklorique, mais d’une trajectoire intense et vraie qui la conduit à se rappeler à ses origines géorgiennes et à trouver un lieu d’expression produit d’un mélange. On y avance en voyageur, découvrant les sonorités des instruments traditionnels, le doli, le panduri et le duduki, la beauté du géorgien surgissant au milieu du texte français et vous saisissant. L’émotion est une conjonction imprévisible d’éléments, quelque chose qui vous submerge, cette composition sans cesse réinventée des langues, des cultures, des sons. “Le mélange fait partie de moi et comme la musique est l’expression de soi, il y a une forme d’évidence à mêler les instruments géorgiens, certaines musiques traditionnelles à de la pop et à des influences anglo-saxonnes.” Une évidence qui serait comme une histoire déployée sur une surface réelle et bouillonnante, sans une seule voie restrictive et unique, sans barrières, mais au contraire comme un carrefour illuminé de lignes de vie.

Rien ne saurait mieux définir sa musique, sans appartenance nationale, tout en diversité: du folk délicat, des expérimentations world, de la chanson française s’inspirant de son sens de la musique et de son envie de se diversifier.

 

                                                            


CINQUANTE-CINQUANTE

Il y a des gens pour dire que le mélange c’est tout et rien, un conglomérat de n’importe quoi, il y en a d’autres qui leur répondent par la force de leur métissage artistique. Nathéla n’a pas toujours eu conscience de cette richesse.

Elle se souvient à l’école de son nom écorché, de ses désirs de prénoms “Véronique ou Géraldine” et surtout de son envie de ne plus être celle qui sortait de l’ordinaire. Certains lundis matin avaient un autre éclat aussi quand elle rentrait d’un week-end de fêtes et de danses géorgiennes.

Les parents sont chacun “cinquante-cinquante”, une mère française, un père géorgien. Dans sa famille, on trouve l’arrière-grand-père maternel, fils d’un Ministre de l’agriculture et du travail pendant les trois années d’indépendance , fusillé à son retour “inexpliqué” en Géorgie; on trouve un arrière-grand père paternel, un des tout premiers aviateurs, agent double certainement, un aventurier tout droit sorti de l’imaginaire; on trouve des grand-mères françaises, souvent plus géorgiennes encore que leur époux, un grand-père maternel acclamé dans un stade géorgien mais choqué par ce voyage soixante ans après l’exil. Des gens qui traînent des histoires fortes et révélatrices de leurs origines. Le grand-père maternel est élevé par de vieux géorgiens à son arrivée en France à l’âge de dix ans, après le suicide de sa mère et le retour du père en Géorgie, et les actes ont l’évidence de la fraternité.

A la maison, on parle français, on danse et on chante géorgien, on se dit les choses secrètes et tues dans cette langue  “si familière”. Avant de dormir le soir, il y a les petits mots du père, parfois, les échanges secrets des parents, et cette langue prend des chemins de traverse, elle n’est pas faite pour le quotidien déjà, elle accompagne les moments forts. Pendant les réunions familiales, les récits des années d’occupation évoquent ce temps où il était interdit de parler géorgien à l’école sous peine de porter un panneau avec cette inscription “J’ai parlé cette langue de chien”. Une langue interdite, résistante et liée à un paradis perdu, à un “vrai paradis”.

Là-bas, tout est gai, tout est virevoltant et dansant, “les mères soudain accompagnent les chants et les instruments de leurs mouvements” autour des tables chantantes, avec cette impatience soudaine à partager la communauté des destins et l’idée que la force réside dans le fait d’être tous ensemble, d’être une tribu, avant que les choses ne soient plus possibles. A quoi rêvent les enfants devenus grands? se demande “Le coeur à l’envers”, ils continuent de rechercher les emplacements, les moments où ils éprouvèrent les instants de bonheurs. Eux n’arrêtent pas d’errer. Ils sillonnent les chemin. Ce n’est pas seulement de la nostalgie, mais la revendication d’une mémoire nécessaire à la construction, ces “ souvenirs d’un destin qui nourrit mon avenir ” (“Les vieux chapeaux”).

 On sait se souvenir dans sa famille, on sait jouer de la musique, tel ses oncles Irakli spécialiste du jazz New Orléans, “un représentant fidèle et puriste, avec une réputation de réincarnation d’Armstrong” et l’autre frère, Sandriko, un “vrai passionné” d’instruments traditionnels géorgiens qui joue aussi de la guitare, du piano et du banjo et a accompagné Nathéla sur scène ; on sait écrire, Nathéla depuis quelques temps écrit ses textes, ses “empreintes”, sous l’ombre tutélaire de sa soeur aînée Kéthévane, bravant les interdits et décidant que pour dire les mots des autres “il faut déjà chanter les siens propres”. La soeur écrivain, la “littéraire” de la famille, a toujours écrit avec une facilité inhibante, les pieds en l’air ses dissertes, et les mots, c’était son domaine, jusqu’au jour où Nathéla a accumulé les petites carnets “avec ses débuts de chansons” et où tout s’est mis en place.

 

DIRE L’INDICIBLE

On peut se demander ce qui fait la légitimité d’un artiste à venir nous parler de la vie. Pour Nathéla, la question trouve sa réponse dans une certitude, gage de bonheur et au final “non-choix”.. Elle chantera. Elle a trouvé sa place, a oublié ses réticences sur ses voies d’existence possibles, publicitaire redoutant “l’artifice de cet univers”, décoratrice d’intérieur, comedienne et chanteuse intermittente, au moment où elle a écouté la nécessité de chanter, elle a trouvé le mystère même de son existence et soudainement elle n’a plus eu peur de l’avion.

On pourrait dire que tout a commencé dans l’enfance. Portes closes, Earth Wind and Fire, les Beatles, en toile de fond, et le micro à la main, les week-ends de fêtes géorgiennes, Django Reinhardt et Brel dans le salon, et dans la chambre du Pollnareff à longueur du journée, le mange-disques orange, la poupée qui fait non. Il parait que l’avenir d’un artiste est joué dans ses premières années d’enfance et d’adolescence. Aller au cinéma MacMahon voir toutes les comédies musicales des années 40-50 , Fred Astaire, Ginger Rogers, alors “le summum du bonheur, de la joie” parce que le réel donne plus en offrant une bande-son aux scènes de la vie.

Quand les mots sont insuffisants, quand il faut accompagner les gestes, il y a la musique qui vient dire l’indicible, l’impossible, et on comprend alors toute l’importance de la chanson. Elle est ce qu’on voudrait dire aux autres, elle nous fait croire que l’amour pourra être à jamais ce pur mouvement et nous montre combien cela est difficile. “Et le ciel qui t’attire est mon chagrin”.

Viennent les amours et comme par hasard ils la ramènent à son micro. Première expérience passionnée à quatorze ans et la voix qui ne sort pas. “Cela reflète mon histoire avec le chant. Je me suis tellement mis une pression, j’ai toujours non pas rêvé mais envisagé comme une nécessité l’idée de chanter, j’en étais tellement certaine que mes premiers sons ont été silencieux.”

La musique l’a conduite à se tourner très tôt vers des relations amoureuses, ou peut-être est-ce l’inverse, elles sont indissociables, de son premier amour à quatorze ans avec les choeurs dans un groupe, à ses premières chansons écrites à vingt ans. Sans cesse les histoires viennent scander que “la musique et l’amour sont liées l’une à l’autre”. Ca ne fait pas forcement voyager léger, on peut se perdre à ces petits jeux et “les cordes et les discordes sont là pour chanter le mal” (Discordes).

Des hommes connus, inconnus, des hommes beaux et séduisants, des hommes à guitares, des hommes à pianos, des professeurs de chant “un peu psys”, de danse tout droit sorti de Fame, des hommes lâches, amoureux, traîtres parfois. Par amants, il faut entendre toutes personnes qui méritent d’être aimées, considérées.

Sa soeur, ses parents, les amis et leurs talents, ses musiciens (géorgiens) vraie rencontre humaine et artistique donnant “vie” au projet. La porte est ouverte, et sa tête est un “ aquarium ” dit-elle, une mer plutôt dans laquelle les personnes se glissent passionnément, sans demi-mesures.


 SUR NOTRE ROUTE

Toutes ses chansons sont liées par ce fil qui nous traversent tous, celui de notre histoire familiale, de notre vie amoureuse, de ces expériences proches qui font notre mémoire collective. Elles sont un jour ou l’autre l’occasion d’une disparition, parce que les personnes nous quittent, nous trahissent, meurent, parce que les illusions suivent le même chemin. Surtout, que personne ne nous secoue, nous sommes plein de larmes, exhortait Henri Calet, des larmes qui soudain se transforment en éclats de rires, en mouvements gais, en mélodies entraînantes, telle les variations des “Vieux chapeaux” si proches des soubresauts de l’existence.

Il s’agit de rompre le concert et de montrer l’existence comme elle est, douce-amère. La lucidité nostalgique accueille des regards humoristiques et grinçants sur la cohabitation amoureuse, les “hein” masculins en réponses aux questions (“Du beurre dans mes épinards”) ou les envies de l’autre “forcément érotiques” (“Il est temps”). Car l’humour, c’est aussi chercher le quotidien avec des armes perturbatrices, surtout ne pas se contenter des premiers sentiments et plus encore ne jamais mater la gaieté. Il serait plus simple de mentir, de dire que la vie est rose comme un chérubin, mais cela sonnerait comme une romance mensongère et les choses de la vie sont beaucoup plus acrobatiques : “J’aime prendre un train, m’asseoir à l’envers, sillonner les chemins le cœur de travers” (“Le cœur à l’envers”).

Nathéla ne met pas de distance entre le monde et elle-même, même si la confrontation avec la vie est parfois insupportable, elle en tire une matière première apaisante et réconfortante. C’est un corps à corps. Ses chansons sont les lieux possibles d’exploration des frontières, avec des risques artistiques et personnels, où sa vision immédiate des choses nous les rend très proches.

Oui, les hommes peuvent entrer en terrain conquis et se coucher à la même place dans votre lit (“Du beurre dans mes épinards”), oui, le désespoir amoureux nous arrache à la vie (“A pied joint”), oui, on doit vivre sous la lumière assassine de l’absence (“Novembre”), oui, les obsessions grignotent nos nuits blanches (“Le temps qu’on y pense”) et il n’est pas sûr que l’on flanche si les autres nous lâchent la main (“A pied joint”). Et oui, la vie n’est comme le disait Kerouac souvent que douleur et souffrance, et les chansons sont souvent là pour dire cette vérité, tenir en respect le désespoir et tous ces tremblements intérieurs, ces “milliers de pinçons ” (“Le temps qu’on y pense”), là pour nous consoler de vivre sur cette route.

Il n’y a rien à comprendre à la vie, elle est c’est tout, et les chansons viennent tenter de calmer les plaies ouvertes, “pansements qui sauvent”, dons offerts comme un réparation possible, planche de salut. Cette vérité donne une densité et une saveur si différentes, parce que la musique a un prix. “Souvent, je me demande ce que je ferais sans la musique. Je fais totalement mienne cette phrase de Nietzsche “Sans la musique, la vie serait une erreur”.

Nathéla veut ouvrir les oreilles sur d’autres univers et à travers ses histoires nous parler de nous. Chaque tentative est un son juste et une acceptation de notre effacement. “J’ai du mal à laisser partir ce qui n’est plus” reconnaît Nathéla. Les refrains de là-bas (“Tbilisso”), les moments perdus avec le père décédé, le paradis des enfants devenus grands (“Le coeur à l’envers”), les hommes (“C’est plus la peine”), les tentatives d’idéalisation amoureuse, les fruits défendus de l’adolescence (“30 ans, des poussière”).

On peut regarder en arrière, tout ce qu’on a perdu et ce qui va disparaître, et la terre tourne, les refrains traînent (“l’Amour adultère”), et la musique est là, créant notre vie réinventée à côté de la vie comme une extension fragile et précieuse, un abri provisoire, un message d’espoir. Nos vies sont ces allées et venues, la musique les éclaire, la nuit sera calme un jour.


 

 

 

 

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